D’exil en exil?
Au cours de sa tournée de remerciement en Afrique Centrale la semaine dernière, le chef de la coalition rebelle de la République Centrafricaine, Michel Djotodia que nous avons rencontré en Guinée Equatoriale a bien voulu s’expliquer sur la situation sécuritaire actuelle dans son pays. Mais aussi de donner sa version des faits sur le refus du Président de la République du Cameroun Paul Biya, de lui accorder une audience.
Le nouvel homme fort de la Centrafrique n’a pas manqué de revenir sur la gestion du pays par son prédécesseur qui, d’après lui, est seul responsable de son sort. Il faut rappeler que Michel Djotodia a pris le pouvoir en Centrafrique le 24 mars 2013 en renversant le président François Bozizé.
L’ex- premier vice ministre en charge de la défense s’était autoproclamé président après la prise de Bangui par les rebelles du Séléka. Pour confirmer sa légitimité, il avait été alors élu par acclamation, sans vote lors de la première session du Conseil National de Transition (CNT), formé par toutes les composantes politiques du pays.
L’ancien chef rebelle élu pour 18 mois, annonce qu’il se retirera du pouvoir à la suite des élections libres que compte organiser la République Centrafricaine.
Deux mois après votre arrivée au pouvoir, la situation sécuritaire reste préoccupante. Les nouvelles autorités sont-elles débordées par les évènements ?
Pas du tout. Nous sommes en train de rétablir la sécurité dans le pays. Depuis plus de deux semaines, il n’y a plus de sommation, de vol, de pillage, de coup de feu de part et d’autre. Cela montre que la paix revient. Dans l’arrière pays effectivement, il n’y a rien. Le calme est absolu à part les éléments de l’Armée de résistance du seigneur (Lra) qui sévit à l’Extrême-Nord-est. Mais le calme est presque revenu. Pour cela nous nous en réjouissions. Pour ce qui est du cantonnement, nous nous sommes dit que nous avons 16 préfectures. La seizième c’est l’extrême Est. Le Haut-Mboumou. Dans le Haut-Mboumou, nous avons nos frères Ougandais qui sont déjà là et les troupes américaines. Nous nous sommes dit que nous n’allons pas cantonner les hommes dans cette préfecture. Donc il en reste 15 en plus de la capitale. Ce qui fait 16 points de regroupements.
Avant de quitter Bangui le 13 mai dernier, nous avions déjà commencé le premier cantonnement. Une opération qui a été lancée au vu et au su de tout le monde. Nous avons choisi comme premier cantonnement, la préfecture de la Haute-Kotto parce que dans cette préfecture très éloignée de la capitale, la Lra sévit en maître. Il faut déjà cantonner nos hommes en nombre pour combattre ce phénomène.
Nous n’allons pas attendre la Communauté Internationale car nous même nous sommes à mesure de déloger ces bandits. Et c’est ce que nous ferons d’ici peu. Nous avons donné un délai de trois mois. Eux-mêmes sont au courant et nous savons où ils se trouvent. Nous allons les combattre.
Les rebelles de la Séléka doivent être désarmés, démobilisés et réinsérés dans la société centrafricaine, peut-on avoir quelques éclairage à ce sujet?
Justement le cantonnement, nous devrions affecter des instructeurs qui auront pour mission de former les éléments de l’Ex-Séléka. Parce que Séléka n’existe plus pour nous. Maintenant ce sont les forces armées centrafricaine (Faca) puisqu’ils sont ensemble avec leurs frères au moment où je vous parle. Ces instructeurs auront pour mission de former les éléments de l’ex-Séléka. Ensuite, nous affecterons un secrétaire par garnison qui sera chargé de répertorier tous ceux qui veulent faire l’objet du désarmement. Et ce n’est qu’après que nous organiserons le recrutement général et ensuite avec les ex-éléments de Faca, Séléka ainsi que ceux qui seront recrutés on fera une armée républicaine.
Est-ce que votre tournée sous-régionale ne peut-elle pas aussi s’expliquer par la recherche des moyens financiers pour le payement des fonctionnaires qui aujourd’hui accusent plusieurs mois d’aérés de salaires?
Tous ces pays que je visite, nous appartenons à la même communauté. Nous appartenons tous à la Cemac et à la Ceac. Il est donc de mon devoir de passer de capitale en capitale remercier mes frères. Hier ils étaient avec nous. Ils sont obligés d’être avec nous aujourd’hui parce qu’ils doivent nous accompagner dans la gestion de la transition. Il serait égoïste de notre part de ne pas venir leur dire merci. Ce n’est pas une honte. Nous ne cherchons rien. Ce sont nos frères nous venons vers eux, exposer nos problèmes.
Vous avez fait le tour des pays de la Sous-région, hormis le Cameroun où il nous revient que les autorités ne sont pas prêtes à vous recevoir. Y-t-il un problème entre le Cameroun et la Centrafrique?
Pour nous, il n’y a aucun problème entre le Cameroun et la République Centrafricaine. Le Cameroun est notre voisin immédiat et nous avons une histoire commune et il n’y a pas de raison que pour individu, on en fasse une affaire d’Etat. Il est là. Peut-être il y a des démarches qui sont entreprises. M. Bozizé partira du Cameroun au moment opportun. Il n’est pas dit qu’il va y rester éternellement. Pour ce qui est de la rencontre avec mon frère Paul Biya, vous le savez, son agenda est vraiment chargé. Ce qui fait que je n’ai pas pu le rencontrer jeudi dernier date à laquelle je devais me rendre à Yaoundé. Compte tenu de tout cela, j’ai été obligé de passer deux jours à Libreville avant de venir en Guinée Equatoriale. Il ne s’agit donc pas d’un problème d’Etat à Etat mais un problème de procédure.
Pouvez-vous vous engagez à donner une vraie liberté d’expression aux journalistes centrafricains?
Nous sommes en train de gérer une transition consensuelle. A la fin comme il a été dit à Libreville, nous n’allons pas nous représenter. Tout ce que je peux vous dire comme dans tous nos propos à Bangui, je disais que la presse aura sa place dans notre communauté. La presse ne sera pas persécutée. Le peuple peut s’exprimer librement.
Le cinquantenaire de l’Union Africaine (Ua) se déroule dans les prochains jours à Addis-Abeba en Ethiopie. Prendrez-vous part aux activités marquant cette célébration, quand on sait que cette institution a vivement critiqué le fait que vous ayez pris le pouvoir par les armes?
Je n’ai rien contre cette organisation qui est la nôtre puisqu’il y a des sanctions qui ont été prises. Nous pensons que d’ici à là peut-être, l’Ua reviendra sur sa décision nous suspendant.
Lorsque vous annoncez le retour à la sérénité à Bangui, on apprend que la frontière Est du Cameroun fait l’objet des échauffourées entre la Séléka et les forces de l’ordre du Cameroun. Que comptez-vous faire pour que cette zone ne devienne pas un foyer de tension entre nos deux pays?
Comme je l’ai dit, le Cameroun est un pays frère. Nous n’avons aucune intension de le déstabiliser et le Cameroun également n’a aucun intérêt de nous déstabiliser. Ça été seulement un incident. Cet incident, nous le prenons sportivement. Il n’y a rien de grave. Nous sommes des frères et nous le resterons.
Comme plusieurs de vos prédécesseurs, vous êtes arrivés au pouvoir par les armes. Quelles mesures pouvez -vous envisager pour qu’enfin ce ne soit plus qu’à partir des règles démocratiques que se passe l’accession au pouvoir en Centrafrique ?
Il est bien vrai que nous sommes arrivés par les mêmes voies que notre prédécesseur. Les problèmes ne sont pas les mêmes dans tous les pays d’Afrique. Chaque pays a ses particularités. C’est ainsi que nous, notre pays étant dans une situation difficile, seul ce moyen pouvait conduire à une alternance à la tête de l’Etat. C’est clair que nous avons tendu la main à François Bozizé. Quand les Nations Unies nous ont demandé quels étaient les préalables que vous posez avant de venir à Libreville, nous avons dit aucun, parce que nous voulons la paix. Et quand les hommes arrivaient à Libreville, nous n’avons pas posé les conditions drastiques pour qu’il n’y ait pas un aboutissement heureux de notre rencontre. Nous avons toujours tendu la main. Ce n’est pas parce que nous voulons à tout prix le pouvoir sinon on fonçait directement à Bangui. Et nous avions cette capacité d’atteindre Bangui sans difficulté. Nous avons les armes qu’il nous faut et nous avons plus de dix milles hommes qui peuvent monter sur Bangui. Nous ne l’avons pas fait parce que nous voulions amener Bozizé à coopérer, à écouter les uns et les autres pour un démarrage de l’économie de notre pays. Malheureusement, il n’a jamais écouté ni ses compères, ni ses homologues de la Ceac et de la Cemac.
Que répondez-vous aux responsables de l’Eglise catholique qui se disent persécutés en Centrafrique?
Je voudrais vous dire une chose, notre pays qui est la République centrafricaine n’a jamais eu un problème inter-religieux. Il n’ ya jamais eu une bagarre entre chrétien et musulman. Le défunt régime pour s’agripper au pouvoir, avait distribué au vu et au su de tout le monde, deux milles Kalachnikov, quatre containers de machettes. Mais à quelle fin? C’était tout simplement le génocide qui se préparait. Nous avons perdu des parents. Beaucoup étaient morts sous Bozizé. Mes compatriotes peuvent le témoigner. A cela, il faut dire que Bozizé avait préparé moralement certains centrafricains au génocide à qui il disait que la Centrafrique n’est pas la terre de Mohamed mais de Jésus, alors que notre Etat est un Etat laïc. Lorsque nous sommes avons pris le pouvoir, nous n’avons pas dit que nous sommes des musulmans. Nous sommes des musulmans sobres. Des gens véhiculent ces fausses informations, nous ignorons exactement à quelle fin. On dirait bien qu’elles sont véhiculées par les partisans de Bozizé. Nous sommes convaincus qu’avec beaucoup d’efforts notre communauté retrouvera la sérénité. Et nous sommes engagés à ramener la paix quelque soit son prix.