Caricature qui capture!
Une image dit plus que mille mots, une caricature plus qu’un édito. Mais dans la plupart des pays africains, les caricaturistes doivent faire attention car la satire peut rapidement rencontrer la disgrâce des puissants.
Les hommes politiques en Afrique ne sont pas tous allergiques aux caricatures. Ainsi l’ex-président de Tanzanie, Benjamin Mkapa, réagissait généralement de manière détendue lorsqu’il découvrait des caricatures de lui dans les journaux.
«Je n’arrive même pas à me souvenir de mon propre visage!» aimait-il plaisanter en évoquant les nombreuses caricatures dont il a été l’objet.
Pendant les 10 années où il a occupé les plus hautes fonctions du pays, de 1995 à 2005, les caricaturistes jouissaient d’un certain prestige dans son pays. Mais cette époque est révolue. C’est ce que confirme Samuel Mwamkinga, caricaturiste tanzanien qui vient de remporter la 3ème place du concours international de caricatures lancé par l’organisation allemande DWJN, le Réseau de journalistes du Tiers Monde: «Ce n’est pas un secret que dans nos pays africains la liberté d’expression est encore sous-développée!»
Selon Mwamkinga, un article écrit sur le même sujet qu’une caricature peut plus souvent être imprimé sans problème, alors qu’un dessin heurte plus facilement les susceptibilités.
C’est pourquoi Samuel doit toujours se demander: «Si je dessine cela, que va-t-il se passer? Je dois toujours faire attention à ce que mes dessins n’entraînent pas de problèmes pour mon journal».
L’autocensure joue donc un rôle non négligeable. Souvent, le rédacteur responsable d’un journal est le premier obstacle à franchir pour le caricaturiste.
Pour autant, la situation de la liberté de la presse n’est pas forcément un indicateur fiable pour la création et l’existence de caricaturistes dans un pays. Car c’est justement de la République démocratique du Congo que proviennent la majorité des caricatures envoyées pour le concours du Réseau de journalistes du Tiers Monde. Or, la RDC occupe l’une des dernières places du classement annuel de Reporters sans frontières (RSF) dans le domaine de la liberté de la presse à l’échelon international.
Selon Annette Hornung-Pickert, co-organisatrice du concours de caricatures, l’image du dessinateur politique en Afrique évolue avec les progrès techniques qui facilitent leur travail: «La profession de caricaturiste en Afrique a totalement changé. Aujourd’hui, ils travaillent souvent avec un i-Pad. Comme le lauréat kényan Victor Ndula par exemple, qui a obtenu la seconde place à notre concours. Il ne dessine qu’avec une tablette tactile, il a un bureau sans papier!»
Par ailleurs, même si certains sujets restent encore tabou, comme l’homosexualité ou la religion, internet permet aussi aux caricaturistes d’Afrique et du monde entier d’échanger leurs idées par delà les frontières et de déjouer parfois la censure.