Collons les colons… et coulons à reculons?
Les festivités du 14 Juillet à Paris avaient bien de quoi réanimer les débats entre dialecticiens sur les possibles relents de recolonisation en Afrique. En effet, des composantes des armées africaines ont martelé le macadam, aux côtés des troupes françaises, à l’occasion du grand défilé sur les Champs Elysées.
Avec la France, on aura, au total, enregistré 14 nations ayant défilé cette année au même pas: 13 nations africaines et 50 soldats africains de l’ONU basés au Mali. En défilant ensemble le 14 juillet 2013 à Paris, soldats français et africains ont magnifié la solidarité et la fraternité d’armes. En plus du président Dioncounda Traoré du Mali assis à côté du chef de l’Etat français François Hollande, il y avait aussi 13 ministres africains de la Défense. Mais, peut-on vraiment parler de recolonisation?
Depuis l’arrivée du nouveau locataire de l’Elysée, tout n’a certainement pas été rose. Force est de reconnaître cependant, que le président Hollande a fait des efforts pour prendre ses distances avec ce qui restait ou reste encore de la Françafrique. Par exemple, il n’a pas fait bouger les contingents français pour sauver le soldat-président Bozizé, alors à la tête de la République Centrafricaine (RCA). Le chef de l’Etat français ne s’est pas montré intéressé par l’or et les diamants de la Centrafrique, contrairement à certains de ses prédécesseurs. Toutefois, l’Afrique ne doit pas baisser la garde.
Les Africains doivent demeurer très vigilants, et avoir l’esprit critique constamment en éveil. Cela d’autant que la France est loin de ressembler à l’une ou à l’autre de nos républiques bananières. Le pouvoir ici, ne se gère pas à vie. L’alternance est une réalité. Des changements peuvent donc survenir à la tête de l’Etat, et faire ressusciter l’hydre aux mille têtes qu’a toujours été la Françafrique. Dans un tel scénario, le combat devra alors se mener avec encore plus d’ardeur.
Fort heureusement aussi, dans l’Hexagone, le chef de l’Etat ne fait pas ce qu’il veut. Le peuple qui est mature, sanctionne les indélicatesses, les insuffisances et les abus, lors des rendez-vous électoraux. La Justice qui respecte les armoiries, s’efforce de défendre les acquis. Elle refuse d’abdiquer, contrairement à la majorité de ceux qui, en Afrique, ont choisi d’être aux ordres des gouvernants. Ce faisant, ils foulent au pied leur propre déontologie, trahissent les dieux de la Justice, et surtout la cause des peuples dont pourtant les sacrifices auront beaucoup contribué à leur formation et à leur réussite.
Mais pas à bons frais. Il faut éviter de voir la recolonisation et la françafrique partout, au lieu de regarder nos propres turpitudes et insuffisances. Il faut éviter de s’enliser dans des schémas qui nous ramènent en arrière ! Une autre lecture de l’invitation du président Hollande est bien possible. Sans être naïfs, voyons plutôt dans le geste de François Hollande, une certaine courtoisie à l’égard de nos armées. Il ne s’agit plus de se cantonner dans la traditionnelle invitation à faire défiler des anciens combattants et autres « tirailleurs ».
Le défilé d’hier symbolise, à tous égards, cet acte de reconnaissance de la France dans la récente reconquête du Nord-Mali. Certes, les soldats français avaient dû commencer le travail. Mais, les troupes françaises seules auraient sans doute eu du mal à le terminer. Le terrain était difficile, et les « djihadistes » mobiles et aptes à se fondre rapidement dans la population.
Son intervention rapide et efficace aux côtés des forces françaises, aura été déterminante dans la mise en déroute des groupuscules terroristes au Nord-Mali. On ne peut voir dans leur participation une quelconque consécration de l’impunité au Tchad. Les soldats tchadiens ont fait un réel exploit, notamment en venant à bout de l’un des principaux leaders des groupes terroristes, Abou Zeid. Leur mérite doit être reconnu. Et si N’djamena n’a pas été soutenu par la France, dans son ambition de prendre la tête du contingent des forces onusiennes appelées à se déployer au Mali, cela met en évidence une certaine distance entre Paris et Idriss Déby. Au candidat tchadien, l’on a préféré un général rwandais, secondé par un officier supérieur nigérian.
En tout état de cause, il faut voir dans le geste du président Hollande, le souci d’associer les Africains à la célébration de la victoire face à l’envahisseur islamiste. La France, pays de liberté, ne pouvait pas feindre d’ignorer les possibles conséquences d’une invasion réussie des terroristes.
Il ne faut pas toujours être prompt à solliciter l’aide de la France, et toujours prompt à s’en détourner à la moindre occasion, en brandissant sa souveraineté et se donner bonne conscience à bons frais. Il ne faut pas se nourrir de complexes : le soutien de la France à nos armées date de longtemps. Il se traduit sur le terrain par le renforcement des capacités, tant au niveau des hommes et du matériel, que de celui des stratégies d’intervention. L’histoire a fait que par le biais de la langue et des échanges culturels, la France occupe aujourd’hui une place de choix dans la coopération militaire avec les Etats francophones du continent. Il faut donc dépasser certains complexes. Sans doute devrait-on rompre les accords de coopération, si tant est que les accords existants révoltent nos consciences et violent nos souverainetés ?
En tout cas, en défilant ensemble le 14 juillet 2013 à Paris, soldats français et africains ont magnifié la solidarité et la fraternité d’armes. Dans un certain sens, c’était peut-être aussi le but recherché par le chef de l’Etat français. Toutefois, en vertu du principe de la réciprocité, peut-être devrait-on envisager la présence de contingents français en Afrique, à l’occasion des fêtes nationales généralement ponctuées par le grand défilé militaro-civil.