Le pays perd… le Nord?
Au Mali, un accord inédit vient d’être signé entre les groupes armés présents dans le nord du pays. Après deux jours de discussion, sur l’initiative des autorités maliennes, ces groupes ont signé une déclaration conjointe.
Le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), le Haut Conseil de l’Unité de l’Azawad (HCUA), la Coordination des Mouvements et Fronts Patriotiques de Résistance (CM-FPR, composé notamment des milices gandakoyes et gandaïzo), ainsi que le Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA) promettent de «mettre en commun leurs efforts» pour résoudre la crise. Ils créent une cellule de contact afin de dégager des positions communes, avant d’entamer les négociations avec l’Etat malien.
Une vingtaine de représentants des quatre mouvements armés présents dans le nord du Mali se sont réunis pendant deux jours, dans la même pièce, pour tenter de régler les différends qui les opposent.
«Le MNLA n’a jamais déclaré aucun conflit avec aucun mouvement. Le MNLA a déclaré un conflit avec un Etat pour essayer d’apporter des solutions à des problèmes politiques, sociaux, économiques, culturels, qui ont existé de l’indépendance jusqu’à nos jours. Donc nous nous réjouissons d’être rejoints dans ce combat par les autres mouvements armés et par le nouveau gouvernement dont nous saluons l’esprit d’ouverture», déclare Ibrahim Ag Assaleh, porte-parole du groupe rebelle touareg.
Assis juste à côté du représentant du MNLA, Harouna Toureh, président des milices d’auto-défense gandakoye et de la Coordination des mouvements et fronts patriotiques de résistance. Les deux hommes discutent, se serrent la main, une scène qui semble presque improbable.
«Je peux vous assurer qu’il y a encore 72 heures, ce n’était pas facile. Mais nous avons chacun pris conscience du fait que nous étions obligés de passer par ce moment, de se regarder face à face et de se parler. On a évoqué la gouvernance, on a évoqué les conditions de sécurité, comment vivre ensemble. Ce sont des choses qui étaient difficiles à aborder pour nous avant, maintenant je pense que le mur qui nous a séparé pendant un certain temps est tombé et que l’on peut commencer à parler entre nous, entre fils du Mali», confie Harouna Toureh.
Les représentants des groupes armés n’ont pas encore trouvé de position commune, mais ils ont décidé de se revoir dans les semaines à venir. L’objectif est de préparer ensemble les négociations qui seront ensuite menées avec l’Etat malien sur le statut et le développement des régions du Nord.
Cependant de hauts cadres du MAA et du MNLA disent ne pas reconnaître l’accord signé à Bamako. Mohamed Ramadane, chargé des relations extérieures du bureau exécutif du MAA indique que son mouvement n’est pas contre des négociations avec les autres groupes armés mais que les signataires de l’accord n’ayant pas été mandatés par le MAA, leur signature n’engage qu’eux-mêmes.
Même constat d’Attaye Ag Mohamed, chargé de communication à la présidence du MNLA, qui précise que les signataires sont bien des membres du mouvement mais envoyés à Bamako pour une rencontre avec la Minusma.
Ils n’ont pas été mandatés pour négocier un quelconque accord. Les populations du nord du Mali dénoncent le manque de représentativité des signataires mais aussi leur déconnexion avec la réalité du terrain.
«Les populations ne se reconnaissent pas dans ces personnes qui sont allées à Bamako et qui de surcroît semblent échapper à leur propre hierarchie. Donc nous alertons la communauté internationale, le médiateur, afin d’éviter que de nouveaux accords biaisés, qui ne correspondent pas aux attentes des populations, soient signés pour retomber dans les mêmes travers que les rébellions précédentes», explique notamment Attaye Ag Mohamed, le président de la coordination des cadres de l’Azawad.
Le ministre malien de la Réconciliation nationale, Cheick Oumar Diarrah, a estimé que cette déclaration posait « un jalon important vers la résolution de la crise ».
Il n’a pas participé aux rencontres, mais il est venu féliciter les participants. Il en a profité pour annoncer un reformatage de la Commission dialogue et réconciliation, créée en mars dernier par les autorités de transition. Elle devient une Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation.
Dans le même temps, le nouveau ministre de la Défense, Soumeyou Boubeye Maïga, achevait sa première visite dans le nord du pays, à Sévaré, Gao et Tombouctou. Il en a profité pour annoncer que l’armée nationale va renforcer sa présence dans le Nord, une décision qui ne remet pas en cause, selon lui, le processus de réconciliation.