Ethiopie n’est pas… utopie!
Le plus grand observatoire d’Afrique de l’Est a été inauguré en Ethiopie. Juché à 3.200 mètres dans les montagnes Entoto, et doté de deux télescopes d’un mètre de diamètre, l’observatoire qui est géré par la Société Ethiopienne des Sciences de l’Espace a pour premier objectif de promouvoir la recherche en astronomie dans la région.
De l’Ethiopie on connaît davantage les épisodes de famine et les soubresauts politiques du passé que sa politique spatiale. Pourtant, c’est un fait, Adddis-Abeba investit de l’argent pour se tailler une place dans la recherche astronomique.
Certes elle n’est qu’une Lilliputienne aux côtés des géants que sont les Etats-Unis, la Russie, la Chine ou l’Europe, mais elle estime avoir un créneau à prendre dans ce domaine de l’infini.
L’Ethiopie n’est apparue sur la scène de la recherche astronomique qu’en 2004, en créant la Société Ethiopienne des Sciences de l’Espace (ESSS), surnommée à l’époque «Le Club des gens fous», tant cette initiative laissait sceptique. Pour gagner en crédibilité, l’ESSS a parié sur l’université où elle a introduit des cours d’astronomie.
Neuf ans plus tard, non seulement la Société est toujours là, mais si elle inaugure ce samedi son observatoire équipé de deux télescopes d’un mètre de diamètre chacun, c’est qu’elle a su convaincre de sa pertinence, se félicite son directeur, Salomon Belay. Convaincu à son tour, l’Etat éthiopien lui a également apporté son plein soutien.
D’un coût de 3,4 millions USD (2,5 millions d’euros) la construction de l’observatoire a été financée par le magnat éthiopien-saoudien Mohammed Alamoudi.
Gérée par la Société Ethiopienne des Sciences de l’Espace, l’installation est construite près de la capitale, à 3.200 mètres d’altitude dans les montagnes Entoto. Un site considéré comme idéal par les experts parce qu’il est la fois très peu nuageux, peu venté et peu humide.
L’observatoire sera essentiellement destiné « à la recherche en astronomie et en astrophysique. Nous observerons de nouvelles planètes, différents types d’étoiles et de lointaines galaxies» explique Salomon Belay.
Mais l’Ethiopie a bien d’autres ambitions comme celle de mettre en place, dans les années à venir, une réelle politique de l’espace avec tout ce que cela comporte. Et notamment, le pays a l’ambition dans les trois ans à venir, de lancer son premier satellite à des fins d’études météorologiques et de développement des télécommunications.
Tout est à faire dans ce pays qui connaît une remarquable dynamique économique depuis une décennie. Avec un taux de croissance du PIB élevé (6-7%), l’Ethiopie reste avant tout agricole mais mise résolument sur la science pour moderniser son agriculture et s’industrialiser.
Ainsi, à peine inauguré, le premier observatoire éthiopien pourrait être suivi d’un deuxième. Celui-là devrait être implanté à 4.200 mètres, dans la ville de Lalibela, sur un des plus anciens sites chrétiens d’Afrique où sont regroupées onze églises monolithes du XIIIe siècle. Un lieu qui est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture).
Cette implantation exceptionnelle est pleine de promesse pour le directeur de l’ESSS. Salomon Belay se prend ainsi à rêver de développer un «tourisme astronomique», soulignant les atouts exceptionnels qu’offrirait un tel site à des touristes férus d’histoire, de vieilles pierres et d’infini à la dimension de l’espace.
Si l’Ethiopie se lance à la conquête des étoiles, elle n’est cependant pas la première à le faire sur le continent. L’Afrique du Sud, héritière d’une longue tradition astrophysique, possède déjà sa propre agence spatiale (Sansa) depuis 2010, tout comme le Nigeria depuis 1999 (Nasrda), l’Algérie depuis 2012 (Asal) ou encore l’Egypte.
Le président soudanais Omar el-Béchir, inculpé de crimes de guerre par la Cour pénale internationale (CPI), se veut, depuis 2009, l’ambassadeur d’un ambitieux projet en vue de créer une agence spatiale africaine.
Avec à la clé un Ethiopien dans l’espace? La perspective n’effraie pas Salomon Belay qui se contente de rire sans se laisser démonter: «Avec un peu de chance, nous y parviendrons», assure-t-il.