Africatch!
Walter Brown, ce nom ne vous dit surement pas grande chose. Par contre, Undertaker, Ray Misterious, John Cena, surement. Ils ont une passion en commun: le catch. Certes, les seconds cités sont le plus souvent à l’affiche sur les écrans de télé en Afrique. Brown, jeune sénégalais poursuit son rêve en France, malgré tous les préjugés autour de cette discipline. Interview à bâtons rompus.
Comment êtes-vous arrivé à ce sport ?
Le catch je n’y étais pas vraiment destiné, à la base c’est plutôt la lutte sénégalaise qui me faisait vibrer. Pendant mes plus jeunes années, je m’entraînais tous les jours à la lutte sénégalaise (et au karaté), avec mon père. Et me destinais – en tout cas je l’espérais – à cet avenir. Puis un soir je suis tombé presque par hasard sur du catch, alors qu’il n’y avait rien à la télévision. J’ai tout de suite adoré le côté éclectique de ce sport. Il regroupait en effet énormément de combat, un côté hollywoodien lors de certaines séquences hors combat mais surtout un amour du public et une prise de risque rarement vue ailleurs. Ce côté show mêlé à un besoin de technique pointue pour l’athlète m’a beaucoup rappelé la lutte sénégalaise ce qui a fini de me séduire.
Que nécessite un athlète pour faire un bon catcheur ?
Pour être un bon catcheur, il faut selon moi apprendre, apprendre et encore apprendre. S’entraîner sans cesse ! Ne jamais penser qu’on a la science infuse. Car même un débutant peut nous en apprendre. Il faut persévérer, ne jamais reculer et surtout prendre des risques. Car en plus d’être physique, le catch est extrêmement dangereux ! Ensuite, il faut s’assurer de se donner les moyens de réussir, chaque jour qui passe on doit pouvoir se dire qu’on est plus proche de notre objectif que la veille ! Travailler son physique, son catch et son style. Mais aussi se forcer à créer un lien avec le public car sans lui, nous catcheurs, ne sommes rien !
C’est un sport considéré comme très dangereux, comment votre famille appréhende t-elle votre discipline ?
Ce sport est extrêmement dangereux et les douleurs incessantes au niveau de mes articulations me le rappellent sans cesse… Cependant, le danger n’est qu’une partie du sport. Le catch c’est, selon moi, bien plus que ça. C’est avant tout une histoire d’amour avec le public. Il faut être prêt à se blesser pour le public. Mais le catch c’est également le début de grandes amitiés, de belles rencontres et un sport qui fait mûrir constamment ! Ma famille tient extrêmement à moi, et m’astreint d’ailleurs à une routine, je dois appeler avant et après chaque match. Ma famille craint donc constamment qu’il m’arrive quelque chose et à juste titre j’imagine, car ils ont déjà été appelés pour me rejoindre à l’hôpital. Mais ils savent ce que ma passion représente pour moi et sont prêts à me laisser la vivre !
Des documentaires ont également montré que des combats sont truqués… Vrai ou faux ?
Je le pensais, mes amis le pensent, ma famille le pense. À chaque fois que je dis que suis catcheur, la première réaction c’est: «c’est du faux n’est-ce pas?». Pourtant la réalité est toute autre, je me suis déboité l’épaule 5 fois, la mâchoire 2, je me suis fait plusieurs entorses aux chevilles, sans parler de l’état désastreux de mes genoux. Croyez-moi, j’aimerais bien que ça soit du faux… (rires). Mais c’est vrai que le catch a cette réputation de spectacle, notamment à cause des américains. Mais la nouvelle vague de catcheurs dans le monde prend ça comme un sport de combat et tape très fort, notamment dans ma fédération, la fédération française de catch professionnel ou dans une autre ou j’ai eu l’occasion de catcher, la «Tigers Pro Wrestling».
Le catch en France n’est pas autant médiatisé comme c’est le cas aux Etats-Unis, vous pensez mériter plus de considération ?
En France malheureusement, le catch est peu médiatisé. Il était pourtant très populaire après-guerre ou même encore il y a 20 ans. Je pense effectivement que nous méritons plus de considération ! Car en France, il y a de jeunes talents tels que Yacine Osmani, Ludovic Vaillant, Vincent Jefferson, Damien Devel, les cousins Autier ou encore moi-même qui sommes prêts à tout sacrifier pour notre art. En commençant par notre corps. De plus, la France est un immense vivier de bons catcheurs, formés dans de très bonnes écoles, comme la Catch Academy par exemple, où j’ai été formé.
Vous êtes sénégalais d’origine, que vous apporte votre pays ?
Le Sénégal c’est tout pour moi. Je suis sénégalais avant tout, j’y ai grandi, mûri et beaucoup appris. Mon éducation et mes racines sont sénégalaises. La seule raison pour laquelle j’ai quitté le Sénégal, c’est pour venir faire mes études. Et ce en dépit du fait que nous ayons d’excellentes – universités qui, malheureusement, ne sont pas reconnues au niveau mondial ! J’ai donc décidé de jouer selon les règles du jeu fixées par les pays occidentaux en venant étudier à la Sorbonne. C’est ainsi que j’ai débarqué à Paris, il y a 3 ans (j’avais alors 17 ans) pour prouver que le Sénégal et l’Afrique dans son ensemble possède aussi des cerveaux. Nous avons énormément à offrir mais c’est à nous de le montrer. J’ai eu l’occasion cet été d’aller aux Etats-Unis pour voir les universités. J’y ai rencontré de nombreux professeurs sénégalais qui sont une inspiration pour moi. Car ils prouvent au monde entier ce dont l’Afrique est capable. Etre sénégalais me permet également de voir d’un tout autre œil l’actualité française. L’immigration par exemple, pour moi les immigrés sont des héros. Quitter son pays, tout ce que l’on connait, pour travailler dans un pays où l’on n’est pas accepté, peu payé, tout ça pour subvenir aux besoins de sa famille ! C’est humain en effet, que nous, issus des pays pauvres ne restions pas à regarder le développement comme derrière une vitrine, à l’heure de la mondialisation. J’y rentrerais d’ailleurs quand j’aurais accompli mes objectifs et fini mes études.
Walter Brown, nom de scène ?
Walter Brown c’est moi, c’est tout ce que je représente. Il a un style atypique, n’est pas parfait mais représente ce en quoi il croit ! Ce nom m’a été trouvé par Marc Mercier, qui trouvait que je ressemblais à Walter Bordes, un catcheur de l’Age d’or du catch français et que j’avais la détente de James Brown, un catcheur américain de l’époque. Walter comme moi est Sénégalais, mais lui a la double nationalité anglaise, alors que moi j’ai une double nationalité (française et sénégalaise). Je prends d’ailleurs bien soin avant chaque entrée de préciser l’annonceur que je viens de Dakar.
Jusque-là qu’est ce que vous avez accompli en terme de trophées, victoires, etc…
4 mois après mes débuts dans le catch, j’ai fait mon premier match officiel puis, quelques mois plus tard, je passais professionnel. Depuis un an, la Fédération Française de catch me compte parmi ses entraîneurs adjoints. J’ai eu cet été la chance d’avoir la confiance du président de la Fédération Française de Catch Professionnel, qui m’a fait participer à la tournée des arènes 2013 de la FFCP. J’y ai énormément appris. J’y ai catché 13 jours d’affilée. Et rencontré de très bons amis qui m’ont fait progresser. Parmi les grands noms européens, j’ai rencontré le réunionnais White Storm et le colombien Carlos «Caribe» Caliente. Je n’y ai malheureusement eu aucune chance aux championnats de la fédération. Mais c’était une expérience immense.
Quel est votre rêve dans ce sport ?
Dans ce sport, j’ai un rêve, que tous mes collègues catcheurs soient reconnus pour la dureté de leur travail, que les producteurs français nous donnent une chance, car nous avons réellement énormément à offrir et pouvons susciter un engouement auprès du public. J’ai également deux objectifs. Le premier que mes parents soient fiers de moi et leur rendre tout ce qu’ils m’ont donné au cours de ces années, leur soutien et leur amour. Et le deuxième, catcher avec un de mes excellents ami, «saoudien» au Japon, qui est un Vrai pays de catch.
Un dernier mot…
Si vous avez un rêve, ne le laissez pas s’envoler ! Et surtout ne laissez personne vous dire que vous n’y arriverez pas, personne ! La vie est trop courte pour restreindre ses ambitions et ses rêves et l’histoire nous l’a montré, Martin Luther King, Barack Obama… Travaillez dur, entraînez-vous et faites ce qu’il faut pour que ce rêve devienne un objectif. Et qu’un jour on dise de vous, il n’a rien lâché ! Ne regrettez rien et surtout n’OUBLIEZ PAS D’OU VOUS VENEZ ! Je ne suis qu’au début du chemin, j’ai tout juste 20 ans, mais j’ai la chance de pouvoir vivre mon rêve ! Ne rêvez pas votre vie, vivez votre rêve, vous pourriez être surpris !