Le fisc congolais… « Brazza-bras » avec le contribuable!
J’ai eu l’occasion d’organiser un stage de formation à Pointe Noire en République du Congo (capitale Brazzaville), à ne pas confondre avec la République Démocratique du Congo (Kinshasa), en août dernier.
A part la grande vitalité de la jeune population, le pays vit en plein un processus dynamique de développement socio- économique, dans le cadre du programme «Chemin d’avenir», lancé par le président Denis Sassou Nguesso.
Ce programme ambitieux est soutenu par le gouvernement, qui affiche la volonté manifeste de moderniser le pays, grâce à la « manne pétrolière » des énormes ressources énergétiques dont dispose le pays, et qui sont extraites par notre société Eni, fortement impliquée également dans le processus d’amélioration des conditions de vie de la population locale .
Mais ce n’est pas du pétrole ou des plans de développement que je veux parler, mais plutôt d’un curieux et surprenant « Décalogue » sur lequel a mis l’accent la Direction Générale de la Fiscalité Congolaise, dirigée par Antoine Ngakosso, afin d’optimiser la relation entre l’impôt et le contribuable.
Les points saillants ci-après reportés pourraient, à mon humble avis, porter notre Ministère de l’Economie et des Finances à une réflexion, et pourquoi pas l’amener à émettre des directives et des procédures utiles à améliorer la relation entre le fisc et les contribuables. Et ce, même dans le cadre de la « communication » qui, selon moi, laisse encore beaucoup à désirer, considérant l’odyssée des contribuables italiens pour obtenir, par exemple, la remise des taxes et des pénalités injustement infligées, ou pour obtenir des instructions précises sur les procédures exigées par une loi de plus en plus incompréhensible, et bourrée de renvois.
À tel égard, il suffit d’examiner le récent décret de loi n.102/2013 (relatif à l’abolition de l’IMU, la taxe sur la maison principale) pour se rendre compte de l’obscurantisme de nos lois; considérons par exemple le 3ème paragraphe de l’article 2 qui se lit comme suit: « A la lettre i) du paragraphe 1 de l’article 7 du décret législatif 30 Décembre 1992 504, après les mots: «sanitaire», suivent ceux-ci: «de recherche scientifique». La mesure relative à la première phrase s’applique, à partir de la période d’impôts 2014». Tout commentaire sur la « qualité normative » de ce paragraphe est superflu .
J’aime vraiment l’Italie, mais cela ne m’empêche pas de constater que, du moins dans le domaine de la fiscalité, la loi congolaise est beaucoup plus claire, simple et compréhensible, caractéristiques qu’on retrouve également dans le Décalogue à travers lequel, dans ses relations avec les contribuables, le fisc congolais s’engage en synthèse à:
■ promouvoir le «civisme fiscal» à travers l’organisation de réunions périodiques « à porte ouverte », avec les diverses catégories de contribuables pour leur expliquer la loi et les formalités requises par le fisc congolais;
■ impliquer les représentants des catégories de contribuables dans l’élaboration de la loi et de la procédure fiscale;
■ traiter le «contribuable» comme un «partenaire» de l’administration fiscale;
■ déclencher chez les contribuables une saine rivalité dans l’accomplissement optimal de leurs obligations fiscales;
■ organiser des cocktails et des dîners de remerciements des contribuables les « plus zélés » comme payeurs des propres impôts;
■ réaliser des films, des vidéos et même organiser un « carnaval » pour la promotion du civisme fiscal.
Carnaval à part (on sait que les Congolais sont un peuple congolais très joyeux et festard), aux contribuables italiens (qui non seulement paient les impôts jusqu’au dernier centime, mais en plus déboursent de belles sommes pour s’assurer les services de leurs consultants qui, en fait, compilent les déclarations compliquées sans raison, à envoyer forcément par voie télématique), il suffirait beaucoup moins; ne serait-ce qu’une simple attestation d’honnêteté et de gratitude, introuvable certes dans les lettres arides et bureaucratiques qu’envoie le Bureau des Recettes (Agenzia della Entrate), se contentant de dire que les chiffres indiqués sont, pour le moment, exacts ou pour demander des documents justificatifs. Ce serait déjà un petit pas sur la voie du « civisme fiscal ».
Sans se faire accuser de flatterie, nous nous sentons obligés de remercier le fisc congolais pour la leçon de civisme fiscal qu’elle nous a donnée avec son Décalogue.
Luigi Fiaccola
Expert-comptable et Commissaire aux Comptes