Et « Kin…chassa » le M23!
Créé il y a juste un an et demi, par un groupe de militaires congolais dissidents, issus de la minorité tutsi, le M23 avait réussi, en un laps de temps, à exercer son charme maléfique auprès de certains citoyens de l’Est du Congo. Mais à l’heure actuelle, le M23 est militairement défait, et sa capitulation marque un tournant décisif dans l’histoire de la RD Congo.
Finalement, ce mouvement politico-militaire n’était pas invincible, contrairement aux pseudo-prophéties de certains experts de ce pays. Au fond, quelle est l’origine de cette victoire remportée par l’armée congolaise sur le M23 ?
L’avènement d’une paix durable en RD Congo pourrait permettre de poser les bases d’une gouvernance vertueuse
D’abord, en procédant à une réorganisation partielle de l’armée, Kabila a su redonner aux soldats congolais, une ardeur combative et une foi patriotique indiscutable. Rappelons les multiples débâcles de l’armée congolaise face aux différentes rébellions qui avaient transformé l’Est du pays (une zone disposant d’immenses ressources) en une zone de chaos permanent.
Les ravages de la corruption au sein de la haute hiérarchie militaire congolaise, le sous-équipement de l’armée nationale, tout cela avait fini par saper le moral des troupes. Et le peuple congolais vivait la débâcle de son armée face aux divers mouvements de rébellion comme une sorte d’humiliation nationale.
Désormais, avec cette victoire militaire, on peut affirmer que la RD Congo dispose, enfin, d’une armée capable de protéger les citoyens de son Etat de toute invasion extérieure.
Ensuite, l’autre élément de réponse fondamental est que Washington a décidé de faire bouger toutes les lignes, en exerçant de très fortes pressions diplomatiques sur l’Ouganda, le Rwanda et les Etats-parrains de ces divers mouvements de rébellion. La victoire de l’armée congolaise sur le M23 est aussi la conséquence de ce changement d’attitude de Washington. L’Amérique d’Obama ne voulait pas d’une RD Congo ressemblant à la Somalie, à l’Irak et à l’Afghanistan.
Contrairement à son prédécesseur, Georges W. Bush, qui avait laissé carte blanche à Museveni et à Kagamé. Obama a procédé, dès son arrivée à la Maison blanche, à « une relecture » du soutien américain à Kampala et à Kigali.
Tout en ne remettant pas en cause l’alliance stratégique entre l’Amérique et ses deux alliés traditionnels, Obama a estimé que le temps était venu de refermer cette page douloureuse de l’histoire du Congo, avec la prolifération de ces divers mouvements de rébellion à l’Est.
Or, de nos jours, aucun Etat de la planète, encore moins un Etat africain, ne peut définir une stratégie quelconque sans prendre en compte la puissance diplomatique, économique et militaire des Etats-Unis.
Enfin, la mise en œuvre de la brigade onusienne à l’Est du Congo, avec ses 3000 hommes dotés d’une réelle puissance de feu, a entraîné un basculement spectaculaire du rapport de forces entre l’armée congolaise et le M23.
En tout état de cause l’avènement d’une paix durable en RD Congo pourrait permettre de poser les bases d’une gouvernance vertueuse, pour autant que la société civile et politique en fasse son cheval de bataille. La RD Congo, véritable scandale géologique s’il en est, ne laisse aucune puissance occidentale indifférente.
La conquête victorieuse de l’Est fera-t-elle de cette région longtemps dévastée, le berceau de la renaissance démocratique du Congo ?
La paix dans ce pays est donc un paramètre extrêmement important aussi bien pour le Congo lui-même que pour les occidentaux qui n’ont jamais renoncé aux immenses richesses de la patrie de Lumumba. Ce qui au demeurant explique aussi leur forte implication pour la paix dans le pays.
Cela dit, il ne faut jamais cesser de rappeler que l’ONU a été conçue pour stabiliser l’ordre entre les Etats, et non pour s’ingérer dans les problèmes intérieurs d’un Etat. Assistons-nous donc là à l’avènement d’ « une nouvelle doctrine onusienne » face à certains types de conflits ?
Seul le temps nous le dira. Avec cette victoire militaire sur le M23, Joseph Kabila doit éviter de succomber à toute ivresse militariste triomphaliste. Car les problèmes soulevés par ces divers mouvements de rébellion à l’Est du pays, sont et restent, avant tout, des « problèmes de politique intérieure ». Et ils sont encore loin d’être réglés.
Kabila doit savoir que faire « la paix est tout autant un attribut de la souveraineté que faire « la guerre ». Comment éviter une rechute du pays dans la zone grise de la barbarie ? Comment faire vivre, en bonne intelligence, tous les Congolais, en reconnaissant à toutes les minorités du pays, le droit de vivre dans la liberté, la citoyenneté et la dignité ? Tels sont les immenses défis que Kinshasa devra relever.
A cela s’ajoute l’incontournable question du désarmement des rebelles Hutus, en majorité d’anciens génocidaires du FDLR, dont toute la ruse et l’énergie sont mobilisées pour déstabiliser le voisin rwandais à partir du sol congolais. Tant que cet autre chantier ne sera pas mené à son terme, personne ni rien ne pourra empêcher Kigali d’exercer son « droit de poursuite » extra-territorial contre ces criminels génocidaires.
Bien que victorieux sur le plan militaire, le régime Kabila manque d’ « une réelle légitimité démocratique ». Or, il s’agit, avec cette victoire militaire, de rallier tous ces mouvements de rébellion à la cause de « la paix », et surtout de « la démocratie ». La conquête victorieuse de l’Est fera-t-elle de cette région longtemps dévastée, le berceau de la renaissance démocratique du Congo ?
On ose vraiment l’espérer. Désormais, on attend la conversion des « vaincus » à « l’évangile des vainqueurs », c’est-à-dire l’avènement d’un ordre politique reposant sur la « loi », le « dialogue » et la « tolérance » mutuelle.
Et n’oublions pas que les rébellions à répétition ont précipité « l’économie » de ce vaste pays aux immenses richesses dans un chaos auquel il n’est sans doute pas de précédent dans l’histoire du pays. A tel point qu’en RD Congo, on assiste à cet incroyable spectacle de la misère au milieu de l’abondance des richesses dont regorge le sous-sol du pays.
Afin d’éviter au Congo l’impuissance de la victoire, après la défaite du M23, il faudra bien que le pays, d’une manière ou d’une autre, s’entende avec les voisins que la géographie lui a donnés, notamment l’Ouganda et le Rwanda. Car le destin de la RD Congo est indissolublement lié à celui de ses voisins.
En définitive, la victoire militaire sur le M23, et la paix annoncée vont-elle ouvrir, enfin pour la RD Congo, une nouvelle ère ? En tout état de cause, ce pays doit, le plus vite possible, dégager ce qui unit le peuple congolais et écarter tout ce qui le divise. Tel est le prix que Kabila devra payer, politiquement, pour ne pas replonger le pays dans le cycle infernal de la violence et de l’anarchie.