Djimrangar au hangar des gars… garés?
Le président tchadien Idriss Déby a nommé, le jeudi 21 novembre, l’économiste Kalzeubet Pahimi au poste de Premier ministre. Il succède à Joseph Djimrangar Dadnadji. Le chef du gouvernement sortant avait présenté quelques heures auparavant sa démission à la veille de l’examen au Parlement d’une motion de censure déposée lundi par 74 députés de sa propre majorité, le Mouvement patriotique du salut.
La cinquantaine, économiste de formation, Kalzeubet Pahimi Deubet préside CotonTchad, l’organisme d’Etat, chargé du traitement du coton, l’une des productions agricoles phares du pays. C’est surtout un vieux routier de la politique tchadienne. C’est au sein du RDP, le parti de l’ancien chef de l’Etat, Lol Mahamat Choua qu’il fait ses premiers pas en politique. Repéré par le parti au pouvoir pour ses compétences, il sera débauché au début des années 2000.
Son expérience gouvernementale le mènera à gérer différents portefeuilles, la Fonction publique, la Justice ou la Communication. Présenté comme un travailleur pointilleux, gestionnaire rigoureux, c’est par exemple lui qui tenait la bourse du gouvernement pendant l’attaque de Ndjamena par les rebelles en février 2008. Il a aussi servi dans la Territoriale comme gouverneur de plusieurs régions et a aussi été chef de cabinet du président de la République.
Politique expérimenté, il est originaire de la région du Lac-Léré comme le chef de fil de l’opposition Saleh Kebzabo, qu’il ne manquera pas bousculer au cours des batailles électorales qui vont commencer l’année prochaine. C’est à un homme discret et consensuel qu’Idriss Déby confie l’action gouvernementale après la crise entre le parti au pouvoir et l’ancien Premier ministre, Joseph Djimrangar Dadnadji.
Par ailleurs, Kalzeubet Pahimi Deubet préside CotonTchad, l’organisme d’Etat, chargé du traitement du coton, l’une des productions agricoles, phare du pays.
Adrien Beyom Malo, secrétaire général du parti au pouvoir MPS, applaudit la nomination du nouveau Premier ministre Kalzeubet Pahimi Deubet, moins technocrate et plus humble selon lui que son prédecesseur.
Adrien Beyom Malo, Secrétaire général du MPS, parti au pouvoir: « Kalzeubet Pahimi est un cadre de l’Etat, il a eu de hautes fonctions. (…) Il sera à l’écoute des besoins des Tchadiens. Une de ses qualités, c’est l’humilité ».
Pour l’opposition, en revanche, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Comme en témoigne Ngaraledji Yorongar, député, et membre du parti FAR, Fédération action pour la République.
Ngarledji Yorongar, Député de l’opposition membre du parti FAR: « Kalzeubet Pahimi est un homme du sérail. C’est Idriss Déby qui gouverne à travers un Premier ministre qui est une coquille vide. Sa nomination n’est nullement une rupture« .
Le Premier ministre sortant, Joseph Djimrangar, a démissionné à la veille de l’examen, par l’Assemblée, d’une motion de censure le visant. Motion signée par 74 députés de son propre parti, le Mouvement patriotique du salut, MPS, le parti du président Idriss Déby.
Les raisons qui ont conduit à cette rupture entre le MPS et le Premier ministre sortant, donnaient encore lieu à beaucoup de spéculations à Ndjamena. Mais les observateurs s’accordent sur une chose : si Djimrangar a accepté de donner sa démission dès jeudi, c’est parce qu’on l’a convaincu de ne pas venir laver le linge sale en public, à l’Assemblée.
Joseph Djimrangar avait, en effet, dans un premier temps indiqué qu’il irait défendre son bilan devant l’Assemblée. Il a finalement renoncé à compter ses partisans et s’est résigné à démissionner avant même le vote de la motion de censure. Pour Ouchar Tourgoudi, le président du groupe parlementaire du MPS, cette démission par anticipation est une bonne chose :
«Nous en tant que députés, nous nous réjouissons de cette action. Cela nous a permis donc d’éviter un certain nombre de déballages et en même temps de respecter le Parlement. Dans sa gestion, il y a quand même certaines choses graves. Heureusement pour lui et pour nous aussi, il a trouvé la solution facile, c’est de se retirer».
Dans le projet de motion de censure qui devait être examiné, les députés MPS avaient soulevé cinq griefs. L’échec de la nouvelle carte scolaire, l’arrestation des députés lors des événements du 1er mai, un échec à enrayer la chèreté de la vie, la fréquence trop élevée des remaniements ministériels, et les carences de la politique de décentralisation. Des raisons que l’opposant Saleh Kebzabo considère comme de simples prétextes pour la mise à l’écart du Premier ministre :
«Il semble que le Premier ministre a dit qu’il ne se laisserait pas faire par rapport à ceux qui sont en train de gangréner le système et d’en profiter. C’est certainement de cela qu’il s’agit. Nous autres, opposition, nous observons. Nous allions juste compter les coups. Mais je crois que c’est le système lui-même qui est en train de faire la preuve de son finissement».
Le président Idriss Déby a-t-il été à l’origine de cette procédure ou a-t-il été l’arbitre d’un conflit interne à son parti? Différents observateurs estiment en tout cas que sans son intervention, le Premier ministre n’aurait certainement pas démissionné, dès jeudi.