Taire le militaire… indigne!
Dans son dernier titre intitulé « Le militaire« , Serge Acoustic, jeune artiste vivant à Beni, dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, rend hommage aux bons militaires. « Toutes les communautés ont des mauvaises graines« , explique-t-il dans cette interview.
– Pourquoi rendre hommage aux hommes armés alors que certains sont très mal vus par les populations?
– Vous savez, toutes les communautés ont des mauvaises graines. Si aujourd’hui certains militaires sont accusés d’exactions contre la population civile, je suppose que ce ne sont pas tous qui font cela. Voilà pourquoi il faut rendre hommage à ceux qui se comportent mieux, surtout dans les conditions déplorables dans lesquelles ils vivent.
– Vous faites une chanson pour les militaires, mais les connaissez-vous vraiment?
– Au début je ne les connaissais pas. Vous savez, dans la société congolaise, avoir des liens avec les militaires vous rend suspect dans votre milieu. Mais cette distance entre nous civils et militaires crée des illusions. C’est quand j’ai pris l’initiative de chanter pour les militaires que je les ai connus, car il me fallait prendre connaissance avec certains d’entre eux, pour m’enquérir réellement des réalités qu’ils vivent. Socialement parlant, ils sont bons envers les civils, mais aussi entre eux. Il y a une bonne organisation, car c’est l’ordre qui les régit.
– Dédiez-vous cette chanson uniquement aux militaires congolais ou rend-t-elle hommage aux militaires du monde entier?
– Mon idée était de faire une chanson pour les militaires congolais dans laquelle je devais citer nommément les FARDC (Forces armées de la RDC). Mais à l’écoute de la mélodie et du fond de la chanson, le directeur artistique du studio où j’enregistrais la chanson m’a demandé de supprimer le nom de FARDC, et de chanter sur les militaires en général. Donc c’est une chanson qui est dédiée aux hommes en armes du monde entier.
– Vous dites être un artiste et un activiste, donc un « artiviste », pourquoi?
– J’ai toujours été un artiste engagé. Les textes de mes chansons parlent rarement d’amour comme c’est le cas dans la musique actuellement. Avant de rédiger le texte d’une chanson, je m’informe d’abord de la situation qui prévaut dans le milieu, de ses acteurs, des causes et des conséquences. C’est alors que je me mets à dénoncer à travers mes chansons. Voilà pourquoi je me dis être un artiste et en même temps un activiste, ce qu’on appelle souvent un « artiviste ».
– Avez-vous déjà reçu des menaces à causes de vos chansons? Si oui, lesquelles?
– Bien sûr que oui. J’ai reçu plusieurs menaces, verbales, par téléphone… Mais celle qui m’a touché le plus, c’est quand j’étais encore dans le groupe Race Sociale de l’artiste Mista Poa. Nous avions sorti l’album « Haki ya Mwalimu » [« Le droit de l’enseignant », NDLR], avec une chanson fétiche portant le même nom. Nous avons reçu des menaces anonymes. C’est seulement après que nous avons compris qu’elles émanaient de ceux à qui le message de notre chanson s’adressait, c’est-à-dire ceux qui étaient responsables de l’éducation.
– Votre message?
– Aujourd’hui je me dis avoir contribué à la lutte de l’armée congolaise à travers mon art, car depuis la victoire des FARDC contre le M23 dans les territoires de Nyiragongo et Rutshuru, nombreux sont maintenant convaincus de l’efficacité de cette armée. J’appelle les autorités à encadrer l’armée pour que les militaires n’aient plus un œil envieux sur les biens de populations civiles, mais qu’ils se donnent plutôt comme mission principale de protéger l’intégrité du pays et la population.