Yes We (Afri)Can?
A chaque grand pays, son sommet avec l’Afrique. Les Etats-Unis auront désormais le leur. Le président Barack Obama invite les dirigeants des pays africains à Washington les 5 et 6 août prochains. La Maison Blanche ne veut plus laisser le champ libre à la France, la Chine, l’Inde, la Turquie, le Japon qui ont tous un sommet régulier avec l’Afrique.
L’organisation de ce sommet est un vrai défi pour le président américain. Mais le premier président noir américain avait déjà pris les devants, en déclarant récemment qu’il n’y a pas de « guerre froide » en cours sur le continent. Pour Barack Obama, « c’est une bonne chose que la Chine, l’Inde, la Turquie et d’autres pays, comme le Brésil, prêtent de plus en plus attention à l’Afrique ».
«Partenariat gagnant-gagnant»
Des propos qu’on pourrait qualifier de déclaration d’intention. Car la réalité est toute autre. Nul n’ignore, par exemple, que la France, partenaire privilégié lié par l’histoire, a perdu en une dizaine d’années, la moitié des parts du marché africain au profit de la Chine. Paris se bat désormais pour revenir au premier plan commercial dans un continent où la croissance ne cesse de progresser.
Sommet USA-Afrique: «Un vrai intérêt de Washington pour l’Afrique»
En fait, derrières les vocables « partenariat gagnant-gagnant », « intérêts communs », Washington tente de masquer la réalité, car le pays n’est pas épargné, non plus, par la crise économique. Les Chefs d’Etats d’Afrique et les Etats-unis devraient profiter, en toute logique, de cette conjoncture pour bâtir leurs relations futures.
Le sommet de Washington devra donc accoucher d’un nouveau partenariat espéré original et ambitieux. En charge pour Barack Obama d’être le premier président à le mettre en application.
Trop long à la détente
En attendant, les acteurs du monde économique, Américains et Africains, n’ont pas manqué de réagir à cette annonce. Fondée il y a vingt ans, le Corporate Council on Africa est une organisation qui réunit tous les deux ans des centaines de chefs d’entreprises des Etats-Unis et de l’Afrique.
Son président, Stephen Hayes, se dit «heureux de l’annonce de ce sommet. Mais nous aurions dû l’organiser depuis longtemps. Nous savons tous que la Chine a d’excellents résultats en Afrique, analyse l’expert. L’Inde aussi. L’Union européenne, de son côté, investit d’avantage là-bas, tout comme le Japon, grâce au TICAD, la Conférence de Tokyo pour le développement en Afrique. Il faut que les gens et les entreprises, aux Etats-Unis, prennent à leur tour la mesure de l’importance de l’Afrique pour notre pays. Et ce sommet devrait favoriser une telle prise de conscience. J’ai relevé des progrès ces derniers temps, du côté du gouvernement américain. La tournée tant attendue du précisent américain en Afrique a été très utile, et nos deux partis politiques au Congrès ont tendance à trouver plus facilement des consensus, quand il s’agit de l’Afrique, par rapport à d’autres régions».
Le dirigeant n’en exprime pas moins ses regrets face au « retard » pris par les Etats-Unis. « Nous avons l’impression que les Etats-Unis ont manqué le coche, que l’Afrique devrait être une plus grande priorité. Les Etats-Unis au sujet de l’Afrique ont été longs à la détente. »
En tirer profit
Jusqu’à présent, les investissements qui ont été faits l’ont été, en général, au profit des investisseurs extérieurs. Le peuple n’a pas beaucoup profité de ces investissements. Il faut que le développement soit pensé par les Africains et non le contraire.
Selon la Maison Blanche, ce sommet « fera progresser les objectifs de l’administration en matière de commerce et d’investissement en Afrique et mettra en évidence l’engagement des Etats-Unis envers la sécurité de l’Afrique, le développement de la démocratie et de ses habitants. »
Mais les responsables d’entreprises africains ne sont pas dupes. Jean Kacou Diagou, le président du patronat de Côte d’Ivoire, salue l’initiative mais voudrait que les Africains puissent en tirer profit.
« Enfin, M. Obama veut s’occuper un peu de l’Afrique, ironise le patron des patrons ivoiriens. Les Chinois, puis les Japonais, ont commencé à s’intéresser beaucoup plus fortement à l’Afrique, dernière frontière du développement mondial. Alors, chacun veut se positionner. Je comprends donc que l’Amérique ne veuille pas laisser la place aux autres. Il faut que les Africains sachent en tirer profit en s’organisant mieux avec notre propre stratégie de développement. Parce que, jusqu’à présent, les investissements qui ont été faits, en général, sont faits d’abord au profit des investisseurs extérieurs. Et le peuple n’a pas beaucoup profité de ces investissements. Il faut que le développement soit pensé par les Africains et non le contraire. »
Miser sur l’agriculture
Son homologue du Congo-Brazzaville, Paul Obambi, se félicite de la « diversification de notre économie qui est en train de se faire. En plus du pétrole, il y a le secteur solide des mines, et celui pour lequel les Etats-Unis ont une grande expérience : le secteur agricole. Les terres fertiles que nous avons en Afrique sont encore disponibles. Il faudrait bien que nous puissions attirer un peu plus les investisseurs américains et aussi avoir la possibilité d’exporter d’autres produits sur le continent américain. Mais, dans ce partenariat gagnant-gagnant, il faut voir la part qui resterait en Afrique. Je pense que nous ne sommes plus à l’étape où on prendrait des ressources africaines brutes, sans chercher à leur donner une valeur ajoutée. »
La Maison Blanche justifie l’absence de l’Egypte
47 pays africains sur 54 ont été conviés à Washington pour une réunion de travail qui sera en grande partie consacrée aux relations économiques. L’Egypte a manifesté son mécontentement de ne pas avoir été conviée.
Jay Carney, porte-parole de Barack Obama, a expliqué que « l’Egypte n’a pas été invitée car elle est suspendue par l’Union africaine. Mais nous avons des discussions régulières avec les autorités égyptiennes, des discussions centrées sur les relations bilatérales, sur les problèmes de sécurité et sur le développement ».
Le porte-parole de Barack Obama précise également la position de la Maison Blanche : « Nous pensons que l’Egypte doit opérer une transition vers un gouvernement civil, dans un processus d’union nationale, dans lequel les Egyptiens de tous bords pourront exprimer leur point de vue et être entendus. »