Les équipes nationales européennes ont en leur sein plusieurs joueurs d’origine africaine et antillaise. Pourquoi ces joueurs préfèrent-ils jouer pour des nations étrangères plutôt que de défendre les couleurs de leurs pays d’origine?
La France a été championne du monde de football en 1998 en infligeant une défaite historique au grand Brésil de Romario et Bebeto. Oui, la France était championne, mais en filigrane, c’était l’Afrique. Les joueurs originaires du continent ou des Antilles (c’est du pareil au même si l’on s’en tient à l’histoire) contribuent depuis longtemps au rayonnement des équipes régionales ou nationales françaises. L’équipe de France était en effet composée de plusieurs de ces joueurs-là à l’image de Marcel Desailly, Lilian Turam, Bernard Diomede, Thierry Henry, Christian Karembeu, Zinédine Zidane, Patrick Vieira. D’où la célèbre formule de l’équipe « black-blanc-beur ».
En réalité, le sport de la France se fait avec et par les Africains essentiellement. Gaël Monfils, Jo-Wilfried Tsonga écrivent aujourd’hui l’histoire du tennis français, comme l’avait déjà fait Yannick Noah, dont le père est camerounais.
Le phénomène va donc se généraliser en Europe. Jérôme Boateng en Allemagne, Mario Balotelli en Italie, Romelu Lukaku-Moussa Dembélé-Marouane Fellaini en Belgique, pour ne citer que ceux-là.
Sans trop nous attarder à recenser la pléthore de sportifs d’origine africaine et antillaise au sein des équipes nationales européennes, il urge de rechercher les causes d’une telle situation.
L’état du sport dans les pays d’origine
Le sport en Afrique, malgré quelques efforts faits ces dernières années par certains pays, rime avec manque de moyens, absence d’infrastructures. Ce qui est à l’origine du niveau du jeu et des compétions sur le continent, ainsi que l’a constaté Volker Finke, le sélectionneur des Lions indomptables du Cameroun. «Le niveau du championnat est bas. J’ai déjà regardé sept ou huit matchs du championnat et je peux dire que c’est très difficile de trouver des pépites. J’ai aussi regardé des matchs de l’équipe nationale A’ et je dois dire que ce n’est pas tout à fait ça. J’ai repéré quelques joueurs, mais on ne peut pas déjà dire que c’est des joueurs qui vont défendre les couleurs du Cameroun. C’est vraiment difficile », a fait savoir le coach des Lions Indomptables à Camfoot.
Le technicien allemand explique cette situation par les maigres ressources dont disposent les équipes africaines. « C’est un petit peu dommage de constater que les budgets des clubs sont bas, que très peu de joueurs trouvent leur compte ici sur place. Ceci pousse les plus talentueux à partir du Cameroun; je pense que certains joueurs partent trop tôt du Cameroun. On les retrouve dans des championnats au Gabon, en Tunisie, en Algérie, où ils gagnent mieux leur vie », a-t-il ajouté.
Oui, ils quittent pour d’autres pays africains qui essayent d’injecter des moyens pour le rayonnement du sport. D’autres, s’ils en ont les moyens, vont directement en Europe où l’intégration et le fait même de trouver un club digne de ce nom posent un sérieux problème. Et quand une opportunité s’offre à eux, de grâce ne leur demandez pas de revenir jouer pour leurs pays d’origine.
Des salaires mirobolants en Europe!
Le sport en Europe est un véritable business. Ainsi, les équipes ne lésinent pas sur les moyens pour offrir à leurs joueurs les meilleures conditions pouvant leur permettre de donner le meilleur d’eux-mêmes. C’est ce qui explique que des joueurs africains préfèrent obtenir la nationalité française, allemande par exemple, au lieu de revenir jouer dans leurs pays où la corruption, le clientélisme, le manque d’ambitions et de visions à long terme, sont les choses les mieux partagées.
Et le patriotisme dans tout ça?
Sur le continent, quand on voit Gaël Monfils ou Jo-Wilfried Tsonga monter sur le podium pour recevoir des médailles qu’on attribue à la France, quand Patrice Evra se dit capitaine de l’équipe de France, lorsque Balotelli mouille le maillot pour la Squaddra Azzura, (quelques exemples parmi tant d’autres), une question traverse l’esprit : et le patriotisme dans tout ça ? Ou encore, est-ce qu’ils n’auraient pas dû faire comme Kevin Prince Boateng par exemple, lui qui connaissait à peine le Ghana et qui, malgré les desiderata de son frère Jérôme, a choisi de jouer pour la terre de ses ancêtres?
Les Togolais Serge Akakpo, Alayxis Romao, Floyd et Jonathan Ayité sont nés en France où ils pouvaient aussi jouer comme Français, mais ils ont porté leur choix sur le Togo malgré ses sempiternels problèmes au plan sportif.
Voilà donc des cas et bien d’autres encore à considérer comme des modèles de patriotes. Sauf que, comme le dirait l’autre, on ne mange pas le patriotisme.
L’Afrique doit donc relever le défi
Autant la fuite des cerveaux constitue un frein au développement de l’Afrique, autant l’immigration des joueurs africains qui tranchent en faveur de leurs pays d’accueil est un handicap sérieux au rayonnement du sport surtout du football africain. Il faut donc que les Etats africains réfléchissent sérieusement à ce phénomène non pas en forçant les joueurs africains à revenir jouer au pays, mais en élaborant de véritables politiques sportives avec à la clef la mise à disposition des différentes fédérations des moyens nécessaires susceptibles de redynamiser le sport africain.
Pourquoi les athlètes éthiopiens, érythréens ou kenyans ne se ruent-ils pas vers l’Europe dans l’espoir de défendre un jour les couleurs des nations nationales occidentales? Pourquoi sont-ils fiers de porter haut l’étendard de leurs pays lors des Jeux Olympiques? C’est bien parce que l’athlétisme dans ces pays est considéré comme un sport national, et les dirigeants s’investissent dans ce sens, même s’il y a encore du chemin à faire. Un bel exemple à suivre.