A quand la « norMalisation » définitive?
Le Mali d’Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) inquiète, au point d’inciter les Nations Unies à mettre la pression sur le nouveau chef de l’Etat. En effet, si certains dossiers avancent, d’autres font réellement du surplace comme celui du Nord-Mali où l’on note l’absence de progrès dans les négociations.
Gagné par l’impatience, le Conseil de sécurité demande à Bamako d’entamer le dialogue avec les rebelles du Nord «sans délai. Le train de la paix est parti. On ne peut plus faire marche arrière», a lancé le représentant de l’ONU au Mali, Bert Koenders qui veut convaincre le gouvernement malien et les groupes armés de surmonter leurs réticences.
IBK doit faire attention à sa gouvernance
Depuis l’accord du 18 juin 2013, le Conseil note que les pourparlers avec les groupes armés du Nord sont au point mort.
Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a défendu devant le Conseil de sécurité l’engagement de Bamako à ouvrir le dialogue : Bamako lui, vient tout juste de nommer un négociateur pour le gouvernement en la personne de l’ancien Premier ministre Modibo Keïta. Il porte désormais le titre de Haut Représentant du chef de l’État pour le dialogue inclusif intermalien. L’homme se dit prêt à des concessions pour obtenir un accord de paix.
Pour y parvenir, l’ancien Premier ministre malien, reconnu pour son intégrité, explique son état d’esprit : « Le mot ‘groupe rebelle’ me heurte. Ceux que je rencontre là, ce sont des Maliens, des Maliens qui ont des préoccupations. Ça suppose des concessions, ça suppose une ouverture d’esprit... »
Il faut éviter en effet que le pays ne s’enlise à nouveau dans des guerres de tranchées qui ne profitent qu’aux groupes armés. Dans cette optique, IBK doit faire attention à sa gouvernance. Car, on ne sent point s’en dégager une ligne directrice véritable. Il y a du tâtonnement dans l’air, et cela ne rassure guère ! IBK doit imprimer une ligne directrice plus précise et transparente à ses actions. Il faut que la résolution de la crise du Nord-Mali se fasse de manière plus sérieuse, en prêtant davantage oreille au Mouvement national de libération de l’Azawad (MLNA), seul groupe armé qui perturbe le sommeil des uns et des autres. A ce propos, le nouveau chef de l’Etat malien doit écouter davantage la CEDEAO.
Le Mali nouveau doit éviter les zones de turbulences vers lesquelles pourraient le conduire les politiques à courte vue, faites des incohérences d’un système clanique ou familial.
Or, de mauvais signaux nous en ont été donnés récemment, avec l’implication de la famille du Chef de l’Etat dans la gestion des affaires publiques. A preuve, le départ de son tout premier chef de gouvernement, après seulement quelques mois d’exercice.
Fort heureusement, certains dossiers avancent, comme la procédure judiciaire menée contre Amadou Haya Sanogo, l’ex-chef de la junte ayant perpétré le coup d’Etat militaire de mars 2012.
Le 22 avril dernier, les charges retenues contre l’intéressé ont été requalifiées et alourdies. Il ne s’agit plus de « complicité d’enlèvements », mais de « complicité d’assassinats ».
Cela, d’après les indications du juge d’instruction en charge de l’affaire, Yaya Karembé. Une requalification des charges décidée à l’issue de l’interrogatoire de l’ex-chef de la junte malienne sur le fond, par conséquent, en fonction des réponses données par l’inculpé. Aucun détail supplémentaire sur l’instruction en cours n’a été donné.
Sanogo aura fait un coup d’Etat pour rien
Depuis novembre dernier, l’ex-capitaine Sanogo devenu général, est en prison, poursuivi pour « complicité d’enlèvements » dans le cadre de l’affaire de la disparition des bérets rouges.
Il s’agit de ces militaires proches de l’ancien régime, et dont une tentative de contre-coup d’Etat avait été violemment réprimée en avril 2012 par la junte militaire.
Cela faisait des mois qu’on attendait la requalification des charges pesant contre Amadou Haya Sanogo. On la sentait imminente après la découverte, en décembre dernier, d’un premier charnier contenant 21 corps puis, il y a deux mois, de cinq nouveaux cadavres.
Tous appartenant très vraisemblablement à des bérets rouges. Le résultat des analyses devant confirmer leur identité n’a toujours pas été versé au dossier.
L’Association malienne des droits de l’homme (AMDH), qui s’est portée partie civile dans l’affaire, fait part de son « énorme satisfaction » après cette requalification des charges.
« Nous attendions cela, nous l’avions demandé. Cela met en exergue la gravité des crimes commis. Les parties civiles ainsi que le parquet pourront donc demander une peine plus lourde », explique Me Moctar Mariko, président de l’AMDH.
Certes, il y a requalification des charges, et il faut en féliciter aussi bien les parents des victimes, la société civile malienne que le juge.
En cela, il faut saluer le courage, la détermination et l’abnégation du juge Karembé. Jusque-là, ce dernier aura fait preuve de perspicacité dans l’examen de ce dossier épineux. Mais pourrait-on aller jusqu’à la condamnation à mort des coupables, avec leur exécution le cas échéant ? Peu probable !
Entré par effraction dans l’histoire du Mali, Sanogo aura donc fait un coup d’Etat pour rien ! En tout cas, son action aura peu apporté au Mali. On retiendra longtemps les charniers, les cris et les larmes des parents des victimes !
De quoi faire réfléchir les militaires africains amateurs de coups d’Etat, ou désireux d’assouvir des desseins inavoués à la tête de l’Etat ! Peut-être au finish, aura-t-il profité à celui que le destin a placé aujourd’hui à la tête du Mali : IBK, lequel le remercie en le faisant juger. C’est l’ironie de l’histoire.
Tout compte fait, l’ex-capitaine Sanogo aura confirmé à son tour, que nos militaires sont avant tout des humains, et comme tels, des gens faillibles.
Comme avant lui, le capitaine Dadis Camara, ex-chef de junte et ex-président de Guinée. Finalement, du Mali d’aujourd’hui, c’est bien la descente aux enfers pour Sanogo et les tâtonnements d’IBK qui retiennent l’attention.