Une mort « en….corps » floue?
La famille du père de la révolution burkinabè veut savoir si c’est bien le corps de Thomas Sankara, président du Burkina Faso, de 1983 à 1987, qui se trouve au cimetière de Dagnoën, un quartier populaire de Ouagadougou.
Mais le tribunal de grande instance de Ouagadougou, après plusieurs mois de renvois, s’est déclaré incompétent ce mercredi 30 avril 2014, provoquant le courroux de ceux qui avaient pris d’assaut la salle d’audience.
Lorsque la juge du tribunal de grande instance a déclaré qu’elle est incompétente pour juger de cette affaire, des voix se sont élevées tout de suite dans la salle pour crier leur ras-le-bol. «Justice pourrie», «Justice corrompue», «A bas les juges acquis» etc. étaient les phrases entendues.
Puis en chœur, le public venu assister écouter le verdict entonne l’hymne national du Burkina Faso avant de huer les juges qui ont immédiatement suspendu l’audience.
«Nous sommes déçus», a déclaré Valentin Sankara, frère cadet du président Thomas Isidore Noël Sankara. Il a expliqué que ce n’est pas la première fois que la justice burkinabè prend connaissance de ce dossier. Mais que c’est toujours «la même chanson».
Valentin Sankara, dit ne pas être surpris par ce verdict, assure tout de même garder le moral. «Quand on se retourne et qu’on voit qu’il y a toujours derrière nous tout le peuple, cela nous réconforte. Thomas lui-même aimait à dire que quand le peuple se met debout, l’impérialisme tremble. Donc on pourra dire aujourd’hui que si le peuple se met débout, nous avons a espoir que justice sera rendue», a-t-il mentionné.
«Nous ne sommes pas du tout contents de cette décision. Nous allons faire appel», a martelé pour sa part l’avocat de la famille, Me Bénéwendé Sankara. A l’en croire, le tribunal est bel et bien compétent, puisqu’il s’agit d’une affaire purement civile.
Selon Me Sankara, le citoyen burkinabè veut simplement savoir «si c’est le corps du président Sankara qui se trouve dans sa prétendue tombe».
Toutefois, il a ajouté qu’il ne connait pas pour le moment les motivations de la juge. «Nous ne pouvons donc pas tirer en l’état actuel, toutes les conséquences de cette décision»
L’un des avocats de la famille explque que les deux enfants du président, Philippe et Auguste, ont déjà fait leur prélèvement ADN. Ils attendaient donc que les juges donnent l’autorisation d’ouvrir la tombe pour identifier le corps qui s’y trouve, en vue de procéder à la comparaison des ADN.
Après l’audience du 22 janvier dernier, les avocats de la famille s’étaient entendus dire par le juge de revenir le mercredi 5 mars.
A l’audience du 5 mars le tribunal de grande instance de Ouagadougou exigeait des avocats des compléments de dossier en vue de délibérer sur la question. Conditions que les avocats disent avoir remplies à l’audience du 3 avril.
«Les gens sont de plus en plus décidés à ce que justice se fasse», a déclaré l’artiste musicien burkinabè Smockey, présent à cette audience.
Pour lui, «c’est malheureux, c’est triste et ça choque profondément de savoir que notre justice n’est pas capable de rendre justice». Cependant, a-t-il prévenu, «nous préférons que la justice prenne ses responsabilités plutôt que se soit le peuple lui-même qui le fasse».