L’ivoirien Laurent Digbeu est un des guitaristes les plus complets de la scène africaine d’Italie. L’album « Pehly », aboutissement du parcours d’un musicien consciencieusement voué à son art, n’est que le premier jalon d’une carrière qui saura offrir d’agréables joies aux fans des « 6 cordes ».
Afri-Nous: Tu peux te présenter à nos lecteurs?
Laurent Digbeu: Je suis Laurent Digbeu, guitariste professionnel et enseignant de guitare moderne, à Rome.
Afri-Nous: Depuis quand tu vis en Italie?
Laurent Digbeu: Depuis septembre1992.
Afri-Nous: Ton look fait penser à un rasta, avec tes dread-locks…
Laurent Digbeu: Je ne suis pas rasta. Je suis anticonformiste dans une certaine mesure. Ce look m’a été conseillé en fait par Lehi2, qui est une amie. C’est d’ailleurs elle qui soigne mon look.
Afri-Nous: Tu étais enseignant de guitare au pays avant de venir en Italie?
Laurent Digbeu: Non. Au pays j’ai fait des études de techniques quantitatives de gestion et j’ai travaillé comme comptable à Abidjan.
Afri-Nous: De la comptabilité à la guitare, c’est aussi évident?
Laurent Digbeu: Tu sais rien n’est impossible dans la vie. La passion, la détermination et l’organisation ciblée peuvent ouvrir certaines portes.
Afri-Nous: Comment es-tu devenu musicien?
Laurent Digbeu: J’ai découvert la guitare quand j’étais jeune lycéen. Et comme tout jeune de ma génération, il fallait se cacher pour jouer car aucun parent en général ne pouvait tolérer que son enfant s’intéresse à la musique. Evidemment cette situation n’a fait qu’augmenter ma passion pour la guitare. Plus tard, lorsque j’ai commencé à travailler, j’ai acheté ma propre guitare et du matériel pour faire de la musique à la maison. Et progressivement, sans m’en rendre compte, le désir de devenir musicien professionnel a commencé à prendre forme en moi.
Afri-Nous: Et tu t’es retrouvé en Italie.
Laurent Digbeu: Au départ, je voulais aller étudier la musique à Boston, aux USA mais n’ayant pas suffisamment d’argent pour y payer les études (10 millions CFA par an), je suis venu à Rome sur conseils de mon cousin Bouazo qui y vivait déjà. C’est donc à Rome que j’ai étudié, d’octobre 1993 à Juin 1996. Ensuite, d’octobre 1999 à juillet 2000, j’ai suivi un cours de perfectionnement de guitare jazz à l’INFIMCIM de Paris. Mais en Juillet 1995 déjà, parallèlement aux études à Rome, j’ai participé à un stage de 3 semaines organisé par The Berklee College of Music de Boston, durant « Umbria Jazz » (le Festival International de jazz de Perugia). Ce stage de perfectionnement m’a permis d’approcher des calibres comme Ray Brown, John McLaughin’, Ray Milton Jackson, Jim Kelly, John Scolfield etc. Ces sommités du jazz y étaient présentes pour dispenser les cours, trois semaines durant. En 2003, toujours animé par la volonté de me perfectionner, j’ai participé au séminaire de guitare animé par Mike Stern (ex guitariste de Miles Davis), à la salle de démonstration, chez Cherubini à Rome. En 2005, j’ai participé au stage de perfectionnement sur les techniques d’improvisation, organisé à l’université de Malte à Rome et animé par Barry Harris (ex pianiste de Charlie Parker). Comme on peut le remarquer, je n’hésite pas à aller chercher les informations qui me servent pour mon épanouissement, toutes les fois que je peux.
Afri-Nous: Aujourd’hui tu enseignes la guitare à Rome. Dans quelle école?
Laurent Digbeu: J’enseigne dans deux écoles privées de la place: la première s’appelle “Scuola di Musica Pegaso” et j’y enseigne depuis octobre 2006, 3 jours par semaine. L‘autre école se nomme “I Musicanti di Brema » et j’y suis un jour par semaine.
Afri-Nous: Ton premier Cd est intitulé: « Riflessioni, Pielhy, Réflexions »: Qu’est-ce que ça signifie?
Laurent Digbeu: Les trois paroles du titre du Cd expriment la même chose: en italien, en bété et en anglais (ou français). Chaque parole traduit la Réflexion de façon générale. La réflexion comme pulsation intellectuelle, qui amène à comprendre ou qui essaie de faire comprendre certaines situations, afin de nous faire adopter un comportement nouveau, qui puisse équilibrer notre existence. La réflexion c’est aussi le reflet, la conséquence ou la réponse aux actes que nous posons. Chacun peut donc interpréter le titre comme il l’entend.
Afri-Nous: Le Cd comporte sept titres. Peux-tu les illustrer?
Laurent Digbeu: Oui, ces sept titres sont dans l’ordre:
1■ « Elephant Dance » (Danse de l’Eléphant)
2■ « Chimpanze Dance » (Danse du Chimpanzé)
3■ « Antilope Dance » (Danse de l’Antilope)
4■ « Samawély » qui signifie «Exprime-toi» (en bété)
5■ « Sessémaboh » qui signifie «la raison du plus fort» (en bété)
6■ « Delirio nelle montagne« : le titre est en italien mais l’ambiance se réfère à une fête à laquelle j’ai assisté dans un village, près de Man (Ouest de la Côte d’Ivoire). En fait, je revenais d’une mission de travail, et sur le chemin du retour pour Abidjan, mon collaborateur et moi, nous sommes arrêtés pour assister, pendant 2 bonnes heures, à une danse qui est restée gravée dans ma mémoire. Un véritable délire qu’on ne peut pas oublier.
7■ « Palm wine party » qu’on peut traduire par «ambiance autour d’un canari de vin de palme» ou par «fête au village».
Afri-Nous: Les trois premiers titres du Cd se réfèrent à des animaux…
Laurent Digbeu: Pour ces trois premiers titres particulièrement, j’invite chacun à lire entre les lignes de ces titres pour entamer un voyage spirituel dans la nature. A force de ne plus respecter la nature, nous transposons ce comportement au niveau des hommes. Et cela entraîne la disparition de la sagesse dans nos différentes sociétés.
Afri-Nous: Quel genre musical proposes-tu?
Laurent Digbeu: Je suis guitariste de jazz et dans ma musique, bien que musique ivoirienne, africaine, on retrouve une atmosphère jazzy. Pour ceux qui aiment le jazz, ma musique est du jazz dans une atmosphère afro. Pour les amoureux de la musique africaine, ma musique est de la musique afro dans une atmosphère jazzy.
Afri-Nous: Et comment va le Cd « Piehly »?
Laurent Digbeu: L’album reçoit des critiques favorables de la part des spécialistes du secteur.
Afri-Nous: Et les concerts?
Laurent Digbeu: Je joue à Rome, dans toute l’Italie et dans les autres pays européens. En diverses formations: notamment « Laurent Digbeu Trio » et « Laurent Digbeu Electric Quintet », etc…
Afri-Nous: Et côté collaborations musicales?
Laurent Digbeu: Je suis sollicité par d’autres groupes musicaux pour des spectacles tant en Italie que dans le reste de l’Europe.
Afri-Nous: Tu joues au pays?
Laurent Digbeu: J’ai joué à Abidjan, avec mon trio, dans le cadre du festival « Emoi du Jazz » d’Abidjan.
Afri-Nous: T’as pas mal traîné ta bosse un peu partout alors?
Laurent Digbeu: Oui, je suis un mini globe-trotter. J’ai joué au Cap-Vert, Afrique du Sud, Italie, France, Belgique, Angleterre, Allemagne, Autriche. J’ai aussi fait de petites tournées au Canada et plusieurs fois en Finlande. Heureusement, d’autres propositions sont en vue.
Afri-Nous: Quel conseil tu peux donner aux jeunes qui souhaiteraient embrasser la carrière de musicien?
Laurent Digbeu: Aux jeunes aspirants musiciens, je dirais d’éviter tout comportement superficiel. Il faut prendre le temps de vous doter d’une bonne formation complète, même si la nature vous a vous-mêmes dotés d’un certain don. Le don à lui seul ne suffit pas. L’école vous conduit vers une approche scientifique de la musique. La fusion « science et fantaisie créatrice » va vous permettre de savoir ce que vous faites, où vous posez les mains et les doigts, de pouvoir explorer d’autres horizons nouveaux, en améliorant sans cesse vos capacités.
Afri-Nous: Où peut-on se procurer le Cd?
Laurent Digbeu: A part la distribution à travers les canaux classiques en Italie, on peut avoir le Cd « Pielhy » sur commande, aux contacts suivants:
● www.laurentdigbeu.com
● i-tune
● Gennaro Loffreddo – Tél: 335 6746824 – gennaro.loffredo@rifondazione.it
Afri-Nous: Merci le jazzman…
Laurent Digbeu: C’est moi!
Milton kwami