Seul film africain!
« Timbuktu« , le chagrin des oiseaux du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako a été choisi avec 17 autres longs métrages dans la course à la Palme d’or du 67ème Festival de Cannes. Il est le seul film africain à intégrer la sélection officielle.
« Timbuktu« , le chagrin des oiseaux du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako a été choisi avec 17 autres longs métrages dans la course à la Palme d’or du 67ème Festival de Cannes. Il est le seul film africain à intégrer la sélection officielle.
Après « Octobre » en 1993, « En attendant le bonheur » en 2002 et « Bamako » en 2006, le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako a présenté en 2014 le film « Timbuktu » en Sélection officielle du 67e Festival de Cannes, pour témoigner d’un sujet d’actualité tristement brûlant: le conflit dans le nord du Mali. En narrant l’histoire de Kidane, de Fatima, de leur fille Toya et d’Issan, leur petit berger, Abderrahmane Sissako s’insurge contre le climat de terreur établi à Tombouctou.
Dans la compétition officielle, 18 films de tous les continents, sélectionnés sur 1.800 soumis au festival, sont en lice pour la Palme d’or de cette 67e édition, qui se déroule du 14 au 25 mai. Le jury présidé par la Néo-Zélandaise Jane Campion, détentrice d’une double Palme d’or, à Cannes pour son court-métrage «An Exercice in Discipline-Peel», en 1986, et son long-métrage «La leçon de Piano», en 1993, aura, donc, du pain sur la planche.
Le clap d’ouverture a échu comme prévu au film «Grace de Monaco», du réalisateur Olivier Dahan, projeté en hors-compétition. Cet opus, un biopic de la princesse Grace, incarnée par Nicole Kidman, a créé, depuis quelques mois, la polémique en raison, selon la famille princière, «des références historiques erronées et littéraires douteuses». Mais polémique ou pas le film a été froidement accueilli par la critique internationale qui le qualifie de «four particulièrement ennuyeux» et de «mélodrame incroyablement idiot».
Après le faste et les paillettes de l’ouverture avec l’incontournable rituel de la montée des marches qui draine la grande foule cannoise qui vient saluer chaudement «ses» stars, place à la compétition qui a commencé jeudi avec la projection de «Timbuktu» du Mauritanien Abderrahmane Sissako et de «M. Tuner», du Britannique Mike Leigh.
Plaidoyer poétique contre l’extrémisme
Bien qu’il soit une production à majorité française, «Timbuktu» est le seul film de la compétition réalisé par un Africain. Plaidoyer contre toutes les formes d’extrémisme, cet opus met en lumière l’opposition entre deux islams, l’un extrémiste et l’autre paisible et tolérant. Cela en se focalisant sur deux images des plus antagonistes, la première reflète «la vie simple et paisible de Kidane, dans les dunes non loin de Tombouctou, entouré de sa femme et de ses deux enfants alors qu’en ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes armés qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football. Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques. Kidane semble être épargné par le chaos qui règne à Tombouctou Mais bientôt sa vie va basculer».
Cet opus a emballé l’ensemble de la presse internationale pour ses moments de fulgurance poétique, son humanisme, sa manière d’éviter le manichéisme et la caricature, bref pour sa retenue et ses pointes d’humour malgré le ton dramatique de l’œuvre. Certains critiques ont reproché au réalisateur d’avoir réalisé «un film à thèse», comme le précédent «Bamako». Mais justement quand l’actualité est aussi tragique, quand il y a urgence, le cinéma peut-il détourner totalement le regard afin de ne pas tomber dans «la pensée soi-disant pesante»?
Malgré quelques faiblesses narratives, «Timbuktu» est nécessaire parce que inspiré de faits réels, parce qu’il attire l’attention sur un danger certain: l’extrémisme religieux et le terrorisme. Son film, le cinquième, né d’une gestation, appelle, les Africains notamment, mais aussi le monde entier, à s’indigner, à résister, à ne pas (se) laisser faire et à se mobiliser pour combattre l’obscurantisme et l’horreur. Car à ses yeux, l’Islam a été pris en otage par des ignorants qui lui sont totalement étrangers.
Lors de la conférence de presse, très ému, Abderrahmane Sissako n’a pu retenir ses larmes au moment de répondre à une question. Et de déclarer, après s’être ressaisi, sous les applaudissements chaleureux des journalistes qui lui ont exprimé, ainsi, leur soutien: «Je pleure à la place de ceux qui ont vécu cette réelle souffrance».
«Timbuktu» qui a forcé l’admiration de la presse internationale pourrait également séduire le jury de cette 67e édition de Cannes et être ainsi récompensé.