Une fessée à qui professe la fausse fesse?
Sur les marchés de Bobo-Dioulasso, elles fleurissent sur les étals, au milieu des sous-vêtements. Les prothèses en forme de postérieur se vendent comme des petits pains. Car au Burkina Faso, la mode est aux derrières rebondis.
Sur les marchés de Bobo-Dioulasso, elles fleurissent sur les étals, au milieu des sous-vêtements. Les prothèses en forme de postérieur se vendent comme des petits pains. Car au Burkina Faso, la mode est aux derrières rebondis. Être stéatopyge – avoir un postérieur charnu – est loin d’être un désavantage en Afrique de l’Ouest. Pour beaucoup il s’agit d’un signe de beauté et de fertilité. Mais si on n’est pas assez gironde, rien n’est perdu. Bassératou, blogueuse à Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, a en effet découvert qu’on pouvait maintenant acheter des prothèses de fesses sur son marché.
« J’ai découvert ces fesses artificielles il y a quelques jours lorsque j’ai dit à une amie ‘Tiens, tu as grossi ?’ Elle a ri et m’a dévoilé la supercherie. J’ai ensuite un peu creusé le sujet. Ce sont des sortes de prothèses, parfois en laine, parfois en tissu, remplies avec de la mousse ou des chiffons. Il en existe aussi pour les hanches. Ces produits sont principalement confectionnés artisanalement au Mali et importés.
Sur le marché Sya, on en trouve de toutes les tailles, mais aussi de toutes les couleurs car les filles essaient de les assortir à leurs robes. Ça coûte entre 7 500 et 15 000 francs CFA selon la qualité [entre 11 et 22 euros, NDLR]. Pour une femme qui touche le salaire minimum, soit 36 000 francs CFA [55 euros, NDLR], c’est quasiment la moitié de ses revenus.
Malgré le coût élevé, les marchands sont très souvent en rupture de stock, en ce moment. Ce sont en fait des produits qui s’usent rapidement. La prothèse de mon amie par exemple, qui est de mauvaise qualité, commence à se déchirer. Il est fréquent que ces fesses artificielles ne soient utilisées que peu fréquemment avant d’être jetées.
La mode des fesses rebondies est devenue un problème de santé publique dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, notamment au début des années 2000 lorsque des médicaments et des crèmes, présentés comme efficaces pour faire grossir le postérieur, se sont multipliés. À Abidjan se vendent par exemple des crèmes ou des pilules « C4 ». À Kinshasa, c’est le Deca-Durabolin, un produit destiné aux culturistes, qui est présenté comme la recette magique pour grossir. Il y a quelques années, des médecins avaient même dû communiquer sur les dangers de l’utilisation des cubes de bouillon Maggi en suppositoire, utilisés pour accumuler de la graisse…
Beaucoup de filles achètent sur les marchés des produits qui sont supposés faire grossir les fesses. Par exemple, la pilule Bobarabani revient à environ 1 000 francs CFA la boite [1,50 euros, NDLR]. Mais souvent les notices sont absentes. On ne connaît donc ni la posologie, ni la composition. Même si c’est un peu ridicule, je trouve que ces fesses artificielles sont mille fois mieux que des comprimés dont on connaît encore mal les effets secondaires.
Ce business témoigne surtout de la pression qui pèse sur les femmes. Au Burkina Faso, il y a des rendez-vous incontournables, les djandjobas, des cérémonies festives organisées durant les mariages ou les baptêmes. À ces occasions, les filles se comparent, se jugent : une fille qui n’a pas de formes généreuses sera victime de railleries. Mais franchement, imaginez la tête de l’homme qui va découvrir la supercherie lorsque la fille va se déshabiller ! Il faudrait un débat sur le sujet entre les femmes africaines.
Les fesses artificielles ne sont pas seulement présentes dans les étals des marchés du Burkina Faso, des reportages réalisés au cours de ces derniers mois font état de produits similaires au Sénégal ou au Togo.