Charles aura-t-il « trou…Blé » Fatou?
On l’a retrouvé comme on l’a connu depuis une dizaine d’années. Charles Blé Goudé a ébloui la salle d’audience II de la Cour pénale internationale (Cpi), au dernier jour de l’audience de confirmation des charges dans l’affaire qui l’oppose au procureur de cette institution. L’art oratoire consommé à faire rougir le substitut du procureur Eric Mc Donald, le dernier ministre de la jeunesse de Laurent Gbagbo a mis son accusateur au défi de montrer la preuve de ses allégations. Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité de son intervention. Comme si vous y étiez !
Ce qu’a dit Blé Goudé
«Madame la présidente, Mesdames les jeunes, honorables membres de la cour, je voudrais vous adresser mes salutations les plus sincères et les plus respectueuses. Vous savez, il arrive souvent que les circonstances de la vie et le chemin du destin vous conduisent au carrefour où s’entrechoquent les évènements qui participent à construire l’histoire.
Et qui font de nous des témoins privilégiés de ce que sera le futur. C’est peut-être mon cas. Madame la juge, je me trouve, ici, à la Cour pénale internationale à un moment où, à tort ou à raison, une certaine opinion accuse cette cour de servir d’instrument pour des règlements de compte politiques contre des leaders africains indociles qui seraient même déjà condamnés avant d’être jugés.
Ce qui mettrait à mal la crédibilité, l’impartialité, l’indépendance de cette prestigieuse institution. Vrai ou faux, Madame le juge, je n’en sais absolument rien. Dans tous les cas, je suis déjà là. Et j’ai donc toute la l’attitude de me faire ma propre opinion à partir de que ce célèbre philosophe Edgar Morin a appelé l’intelligence » expériencée « .
C’est-à-dire à partir de ce que je vais entendre et ce que je vais voir dans cette cour. Mais rassurez-vous, la vérité n’ayant pas besoin d’espace pour s’exprimer, Madame la présidente, c’est sans appréhension aucune, sans préjuger aucun, mais avec une confiance totale en cette cour de justice, que je me retrouve devant vous ce 2 octobre 2014 pour que soit située ma responsabilité dans la crise qui a endeuillé mon pays.
2 octobre 2002 – 2 octobre 2014, cela fait exactement douze ans que les Ivoiriens de toutes tendances confondues descendaient dans la rue, les mains nues, même si le procureur ne veut pas l’admettre.
Le fait est têtu en histoire, c’était vraiment les mains nues pour dire non aux armes d’une opposition armée, semant la désolation dans les familles, laissant sur la route qui les a conduit au pouvoir, des orphelins, des veuves.
Madame la présidente, c’est nous qui sommes descendus dans la rue pour dire non à ces armes en 2002. Et simple coïncidence ou un signe du temps ? Mais c’est le 2 octobre, aujourd’hui, que je me retrouve devant vous pour qu’on me traite d’assassin, de génocidaire pour que je sois jugé de crimes contre l’humanité.
Madame la présidente, j’ai des précisions à faire. J’ai beaucoup de précisions à faire. Parce que cela fait plusieurs jours que je suis assis, ici, à écouter. Ce n’est pas facile, il faut l’admettre. Mais ainsi va la vie.
Ma première précision est la suivante : j’ai écouté, ici, le premier jour l’accusation dire : « Blé Goudé a dit qu’il a l’Eternel des armées ».
Madame la présidente, vraiment, c’est ici, à La Haye que je suis en train d’apprendre beaucoup de choses. Donc avoir l’Eternel des armées est un crime contre l’humanité.
Je ne le savais pas. Que fait-on du fameux et célèbre Psaume 23 : » L’Eternel est mon berger, je ne crains aucun mal « . Ce n’est pas de moi, c’est dans un livre saint. C’est pourquoi on est arrivé ici ? Donc tout ça pour ça ?
Deuxième précision, Madame la présidente. J’ai entendu le procureur dire : » Depuis la prise du pouvoir de Gbagbo en 2000, il avait un seul projet, comment se maintenir au pouvoir par tous les moyens y compris la force « . Non, non, non et non.
Je suis assis ici. Ce n’est pas vrai. C’est le contraire qui est vrai. Et je vais vous expliquer. On ne peut pas tronquer l’histoire de la Côte d’Ivoire devant moi. C’est Alassane Ouattara, qui depuis la prise de pouvoir de Gbagbo en 2000, voulait l’enlever au pouvoir par tous les moyens y compris la force.
Et moi, j’ai les preuves de ce que je dis. Près de quatre tentatives de coup d’Etat. De 2000 jusqu’à ce qu’on arrive en 2002 où Gbagbo Laurent devait être reçu par le Pape. Le pape reçoit-il des assassins ?
Madame la présidente, ce n’est donc pas vrai ce qu’on vous raconte. J’ai voulu faire cette précision puisque dans cette cour, vous vous attendez à ce qu’on me juge pour des crimes contre l’humanité, Madame la présidente.
On est venu faire le procès de mes rapports avec le président Gbagbo. (Rires). Mais si on doit envoyer, ici, tous ceux qui fréquentent Gbagbo Laurent, les cellules de la CPI ne sont pas nombreuses ! Hamed Bakayoko, actuel ministre de Ouattara, fréquente Gbagbo Laurent.
Et ce n’est pas l’expert « indépendant » qu’on a présenté, dont je parlerai tout à l’heure, Zoro Bi Epiphane, qui dira le contraire. Guillaume Soro, actuel président de l’assemblée nationale de Côte d’Ivoire, qui a été Premier ministre de Gbagbo Laurent, qui a été Premier ministre d’Alassane Ouattara, et qui a été allaité au sein politique de Gbagbo Laurent, fréquentait Gbagbo Laurent.
Peut-être plus que moi. Et pourquoi il n’est pas ici ? Blé Guirao, membre de l’Udpci, parti allié à Alassane Ouattara, fréquentait Gbagbo Laurent. Pourquoi il n’est pas ici ?
Mais si je dois citer la liste, Madame la présidente, de tous ceux qui fréquentent Gbagbo, mais le livre qui a été trouvé, d’après eux, à la résidence de Gbagbo qui contient ses visiteurs, on va en faire beaucoup de tomes !
Parce que ce n’est pas suffisant ! Gbagbo Laurent est connu en Côte d’Ivoire comme un homme qui a la main ouverte, qui a le cœur bon. Même ses adversaires les plus farouches le fréquentent. Moi, j’étais là un samedi quand il recevait Alassane Ouattara. Pourquoi il n’est pas ici ? Puisque lui aussi le fréquente.
Madame la présidente, j’ai entendu trop d’énormités ici. Croyez-moi, en tant que jeune, je suis un peu troublé de par tout ce que j’ai appris à l’école, on veut renverser tout cela en moi. Mais non, non, et non, je vais garder mon calme. On a dit, ici, que Blé Goudé a traité Alassane Ouattara d’être un farceur.
On a dit, ici, que Blé Goudé a pris un matelas pour aller à l’ambassade de France pour une grève de la faim. Madame la présidente, est-ce qu’il y a une action plus pacifique qu’une grève de la faim ?
Pourquoi on célèbre alors Mahatma Gandhi ? J’ai fait une grève de la faim avec un matelas, c’est pourquoi on m’a emmené ici ? J’ai dit que M. Alassane Ouattara est un farceur. Mais Madame, nous sommes en campagne !
Quand Nicolas Sarkozy critique les actions de François hollande et vice-versa, pourquoi ils ne sont pas ici ? Pendant la campagne, Madame la présidente, ce qui se passe c’est qu’on critique les actions de chaque adversaire.
Alors, est-ce qu’il y a un article, dans le Statut de Rome, qui qualifie ce fait, le fait qu’un adversaire politique traite son adversaire de farceur. Est-ce qu’il y a un article du Statut de Rome qui nous convoque ici et pour lequel on doit nous punir ?
Est-ce qu’il y a un article qui demande qu’on condamne quelqu’un qui prend un matelas pour aller faire une grève de la faim ? Dites-moi ! Mon âme souffre, mon âme pleure. Je veux savoir pourquoi vous m’avez emmené ici.
Pour faire le procès d’une casquette noire. Il portait une casquette noire. Ça veut dire que c’est un code. Mais respectez la Cour pénale internationale qui va faire le procès d’une casquette noire. Un leader porte un t-shirt pour attirer ses partisans, c’est pourquoi on m’a emmené ici ?
Oui, il est arrivé à 19 h 05, Mangou est arrivé à 19 h 10, donc ils vont aller faire le Plan commun. C’est quoi çà ? Je regrette, Madame la juge, que Bensouda ne soit pas là. Avec tout le respect que je lui dois, elle qui a été ministre de la Justice du président Yaya Jammeh, sait très bien comment les réceptions se font à la Présidence.
Dans une salle d’entente, vous pouvez trouver plusieurs personnes qui sont là à la même heure, mais cela ne veut pas dire qu’ils vont faire un Plan commun !
Même dans le bureau d’un simple maire d’une commune, vous trouvez dans la salle d’attente plusieurs personnes qui arrivent à la même heure, mais elles ne sont pas venues pour faire un Plan commun ! Madame la présidente, je suis vraiment choqué. Je suis vraiment ahuri.
Et je n’ai pas fini. Blé Goudé a dit : » Il faut chercher tous les pro-Ouattara à Abidjan et dans toute la Côte d’Ivoire pour les tuer « . Je voudrais demander, Madame la présidente, avec votre aide, à l’accusation. Est-ce une citation ou un commentaire.
Si c’est une citation, qu’on vous dise quand, où j’ai dit cela. Si c’est un commentaire, c’est un commentaire dangereux. Parce que depuis que je suis assis ici, j’entends. Blé Goudé a fait un discours de la haine.
Dites-moi, de toutes les vidéos qui ont été présentées ici, quelle est la seule vidéo ou quel est le seul son qu’on a entendu ici où je suis en train de demander à des chrétiens d’aller tuer des musulmans ou je suis en train de demander à une ethnie d’aller tuer une autre ethnie. Je n’ai vu aucune vidéo ici ! Je me demande encore pourquoi on m’a envoyé ici.
Ce sont des commentaires ! » Il distille la haine « , c’est des commentaires ! Une seule vidéo de la haine, je n’ai pas encore vu où je suis en train de dire aux jeunes patriotes, » Allez ! Levez-vous ! Allez tuer les pro-Ouattara ! « . Où j’ai dit ça ? Je n’ai pas encore vu. On nous montre des photographies. « Oui, il était avec Mian, il est avec Zéguen, donc ils font un Plan commun « .
Pour tout le respect que je vous dois, c’est vrai, moi, j’appelle à un meeting, des gens viennent y assister, excusez-moi, je suis un peu poli, je ne chasse pas des gens à un meeting. Ce n’est pas une salle où on contrôle les entrées et les sorties, c’est un lieu public. Vous voyez, j’ai été éduqué et je ne peux pas chasser les gens d’une salle. Vous voyez Madame !
Blé Goudé, c’est celui par qui la violence est arrivée en Côte d’Ivoire. Madame la présidente, je voulais juste vous rappeler un petit fait qu’on peut juger anodin, mais qui est un fait majeur. J’étais en exil au Ghana du fait de cette crise quand il y a eu des élections législatives en Côte d’Ivoire. Le camp duquel je me réclame n’était pas du tout candidat.
C’étaient le Rdr d’Alassane Ouattara et le Pdci-Rda d’Henri Konan Bédié qui s’affrontaient dans les élections législatives. C’est-à-dire deux partis alliés.
Et KKB qu’on appelle Konan Kouadio Bertin, qui est le président de la jeunesse du parti allié de Ouattara, le Pdci-Rda, est allé battre campagne pour le parti allié de Ouattara, à Bonon, une localité de la Côte d’Ivoire. Madame la présidente, KKB a été passé à tabac, battu à sang. Moi, j’étais en exil. Moi qu’on dit être d’un parti allié qui est violent.
Je vous demande pardon, Madame la présidente, que l’on oriente les regards là où il y a la vraie violence. Qui a introduit la violence politique en Côte d’Ivoire ?
C’est une question à laquelle on doit répondre. Je vous en prie, soignons la fièvre, évitons de chercher à casser le thermomètre. Réclamons les dents de la panthère à celui qui a consommé sa tête. Madame la présidente, ce n’est pas moi qui ai envoyé la violence en Côte d’Ivoire.
Ici, on parle de Martin Luther King ou de Mandela. (Rires) On va parler de Mandela. Nelson Mandela, en 1963, comme si on était dans cette salle, a été condamné à perpétuité, traité de terroriste, de poseur de bombes comme l’accusation est en train de le faire pour moi ici.
Je ne suis pas Mandela, je ne peux pas avoir cette prétention, comparaison n’est pas raison, mais l’histoire nous permet de mieux appréhender le présent et de mieux scruter le futur. Mandela a été accusé de terroriste, de poseur de bombes.
Et c’est 80 d’années plus tard qu’on est venu le célébrer. On lui a perdu 27 années de sa vie dans une cellule où on l’a maltraité. C’est de lui qu’on parle aujourd’hui. Et pourtant, on l’a célébré quelques années plus tard.
Martin Luther King dont on parle, on lui jetait les chiens dessus pour que les chiens le mordent. Il était traité de tous les noms, mais l’Onu le célèbre aujourd’hui. Vous allez me condamner certainement aujourd’hui, je ne sais pas, un jour, l’histoire m’acquittera.
Je ne suis pas le criminel qu’on veut vous présenter Madame la présidente pour vous dire que le respect de la mémoire des victimes décédées, pour penser les meurtrissures physiques et morales des victimes blessées, pour apaiser la douleur de leurs familles, il aurait fallu et il aurait été même salutaire que la responsabilité de tous les acteurs de la crise qui a endeuillé la Côte d’ivoire soit située.
Hélas, quand j’ai fini d’écouter le procureur, qui dit et je cite : » Blé Goudé par son art oratoire, veut imputer la responsabilité de la crise au camp Ouattara « , c’est clair, je n’ai plus d’illusion à me faire. Donc quand on dit : » on va poursuivre plus tard les autres « , non !
On n’est pas dupe. C’est très clair. Mes les Ivoiriens, croyez-moi, ne vont pas désespérer de la Côte d’Ivoire. Madame. Parce qu’ils savent que qui n’a jamais été mis à l’épreuve ne sait rien de la vie. Ils le savent.
Moi, j’avais espéré que cette audience serait l’occasion rêvée pour l’accusation de me confondre afin que se taisent les allégations dans un silence sans gloire, pour que restitués, dans leur contexte, les faits s’expriment.
Loin des campagnes médiatiques de diabolisation planifiées par les adversaires, loin aussi des rapports d’Ong ou de certaines Ong, pour ne pas toutes les accuser, dont les rapports contrastent souvent avec la vérité.
Ces Ong, qui aujourd’hui, subitement sont devenues muettes comme des carpes face à la torture que sont en train de subir, en ce moment, certains prisonniers politiques en Côte d’Ivoire. Ces Ong qui ont fermé les yeux sur les domiciles privés réquisitionnés dans lesquels on torture les Ivoiriens.
Madame la présidente, j’en ai fait moi-même l’expérience. Pendant quatorze mois, j’étais détenu dans une cuisine. J’étais enchaîné pendant deux semaines par ceux qui sont au pouvoir dont parle aujourd’hui. Il pleuvait sur moi. On me frappait. Et pourtant, on faisait croire aux Ivoiriens que j’étais traité comme un cuitané.
Madame la présidente, moi j’ignore quand prendra fin et comment prendra fin la procédure qui a été ouverte contre moi. Mais Madame, elle nous donne au moins la possibilité, le procureur et moi, de nous trouver face à face pour que nous nous parlions.
Preuves contre preuves. Je ne parle pas de commentaire. Qu’on me sorte les vidéos où j’ai dit à des Ivoiriens d’aller tuer d’autres Ivoiriens. Je veux savoir. Qu’on me sorte les vidéos où j’ai dit aux chrétiens d’aller tuer les musulmans. Qu’on me sorte les vidéos où j’ai dit aux Ivoiriens : » Cherchez tous les partisans de Ouattara, allez les tuer pour que Gbagbo soit président « .
Madame la président, ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai. Mais je comprends. Je comprends. Je comprends surtout Madame Massida. Et mon conseil, maître N’Dri, n’a pas eu tord de dire que elle a été induite en erreur. C’est vrai. Parce que, ici, à l’ouverture, on nous a présenté un expert indépendant de justice. Un expert, un juriste indépendant.
Madame, la cour pénale international, c’est notre cour, c’est notre cour de justice à nous tous. Il n’y a pas les bons et les mauvais, il n’y a pas les gentils et les méchants.
Quand on vient ici et qu’on dit que les gens sont indépendants, il faut que cela soit prouvé parce que c’est le monde entier qui nous regarde. Et cette cour doit être respectée. Quand on prête serment pour dire qu’on est indépendant, on doit être vraiment indépendant.
Suivez mon regard Madame la présidente. Zoro Bi épiphane qu’on a présenté ici comme un indépendant, Madame, à un meeting ouvert du parti de Ouattara, il a montré sa carte de militant d’Alassane Ouattara.
Il a même tenté d’être candidat sous la bannière du parti de Ouattara à Sinfra, sa ville. Est-ce que quand on est militant d’un parti politique, on peut être indépendant ?
Est-ce que quand on a pris la carte de militant d’un parti politique parce que dans un parti politique, il y a ce qu’on appelle la discipline du parti, où on reçoit les ordres de son président. Madame la présidente, mais c’est à son parti là que je suis opposé. Quel conseil il peut donner parce que c’est ce qu’on appelle les personnes ressources.
Je considère que Massida ne connaît pas la Côte d’Ivoire. Donc quand elle arrive, elle a besoin d’une personne ressource qui peut la guider.
Mais si la personne ressource elle-même a déjà un parti pris, on ne peut avoir que de tels résultats. Je voulais faire cette précision Madame la présidente pour vous dire que beaucoup a été dit sur moi Madame la présidente. A ce stade de mon propos, je pose une question.
Quand je finis d’écouter le procureur, je me rends compte que mon arrivée ici est le résultat d’une loterie judiciaire ; manque de chance, la procureure a parié sur le mauvais cheval. Et moi je me pose une question : quel monde voulons-nous bâtir ?
Pour qui écoutons la justice, un monde où il faut seulement apprendre à gagner sans avoir raison, comme le disait Check Amidou Kane, dans son célèbre roman « l’aventure ambiguë « ?
Sommes-nous dans un monde ambigu ? Je veux savoir ! Or, ce qui fait la grandeur d’un peuple, c’est de défendre les valeurs qui le fondent. J’y ai cru hier, j’y crois encore et j’y croirai toujours.
La procureure devrait porter haut ces valeurs pour que les justiciables ne désespèrent pas de la justice, surtout pas de la justice internationale, en ce qu’elle a la lourde responsabilité de faire en sorte que dans ce monde où nous vivons ne soit pas une jungle où les plus forts qui ont les carnets d’adresse n’écrasent pas les plus faibles et transforment le tort en raison.
Et vice-versa. Ces questions-là me viennent en tête. Et si j’ai bien entendu, la procureure a dit dans son discours d’ouverture et je cite : » Ce procès n’est pas un procès politique, nous voulons envoyer un message fort à tous ceux qui, par la voie de la force veulent conserver le pouvoir ou s’y maintenir «
Mais, Madame, le procureur ne dit rien de différent de ce que je dis depuis plus de dix ans. C’est moi qui ai dit aux rebelles, aux partisans de Ouattara qui ont érigé la violence en programme politique qu’on n’entre pas en politique avec des armes.
On entre en politique avec une trilogie : l’idéologie politique, le programme de gouvernement et un projet de société. Pour être ce qu’on a appelé un déviant politique. C’est-à-dire améliorer la vie de ses concitoyens et être patient. C’est moi qui l’ai dit, donc le procureur et moi, on devait faire un. Alors je conclus que le procureur me poursuit à tort.
Madame la présidente, je voudrais vous dire qu’il est légitime d’avoir des ambitions, mais vouloir les réaliser sur les cendres de la vie des autres est malsain. Et mon cœur pleure encore.
Par ma voix, des millions d’Africains vous regardent et comptent sur vous pour ne pas permettre à des individus de se servir de cette cour pour réaliser des ambitions qui pourraient entacher l’image de notre cour. Parce que c’est notre cour. Moi j’ai beaucoup de respect pour cette cour.
Madame, suivez-moi très bien. Des témoins triés sur le volet, m’accusent, moi, d’avoir recruté des mercenaires, distribué des armes. Comme témoin qui déclare et je cite: » j’ai vu Blé Goudé à la télévision, brandissant une kalachnikov, mais comme il était de dos donc je ne l’ai pas bien reconnu, mais c’est lui. »
Je n’ai pas fini. Il y a un autre qui déclare : » j’ai vu une colonne de 4×4 qui est entrée au commissariat du 16ème arrondissement, c’est Blé Goudé. Je ne l’ai pas vu mais comme les gens criaient : Général ! Général ! Donc je dis que c’est lui ! » C’est quoi ça ? Je n’ai pas encore fini, Madame ! Au stade Jessy Jackson de Yopougon, quand nous jouons au ballon, au sein de notre club de football (Solidarité Maracana de Yopougon), pour célébrer un but, on utilisait l’expression : » y’a rien en face, c’est maïs « . (Vidéo)
Madame la présidente, sur ce terrain, il n’y avait pas de partisan de Ouattara. Il n’y avait pas d’élection. On jouait au ballon et c’est cette expression que j’ai utilisée lors de la campagne électorale pour agrémenter l’ambiance comme pour dire que l’élection aussi peu être un jeu.
Mais j’ai été surpris que le pouvoir d’Abidjan et le procureur instrumentalisent des témoins interprétant comme une volonté pour dire qu’excepté mon candidat Laurent Gbagbo, il n’existerait pas d’autres candidats ; et que pour eux, y’a rien en face, signifierait que nous avions prémédité de ne jamais reconnaître une défaite et que « maïs » signifierait que nous allions tuer et manger les pro-Ouattara. Quelle imagination négativement fertile ! Cette interprétation, je la juge erronée, étriquée, elle est le fruit d’une gymnastique judiciaire. Elle me semble partielle, parcellaire, donc partiale. »
Mdame la présidente, je vous ai cité trois déclarations. Voilà les déclarations sont aussi calomnieuses que ridicules sur lesquelles se base l’accusation pour me traiter de chef milicien.
Mais je pose une question : l’accusation cherche-t-elle vraiment les miliciens et leurs chefs ? Mais ils ne se sont jamais cachés à Abidjan et leurs chefs se sont toujours réclamés comme tels par presse interposée et c’est public.
Madame la présidente, à y voir de près, dans cette histoire, la seule difficulté dans cette affaire, c’est que le procureur cherche à fabriquer des miliciens. Disons plutôt qu’elle cherche forcément à faire de moi ce qu’elle aurait souhaité que je sois. Ce que je ne suis pas et que je ne serai jamais. Alors pourquoi refuse-t-elle de réclamer les dents de la panthère à celui qui en a consommé la tête?
Pourquoi ? Parce que moi Blé Goudé, de l’université d’Abidjan à l’université de Manchester, je n’ai jamais fréquenté une seule faculté où on enseigne au gens à devenir milicien. J’ai été formé par mes maîtres que je remercie ici pour devenir consultant en communication politique.
C’est ce que je suis. Et depuis que je suis au lycée, j’ai décidé de faire la politique. Pas pour tuer les gens, mais je prendrai tout mon temps.
Donc Madame la présidente, il serait indiqué de demander au procureur de chercher les miliciens ailleurs. Ils sont à Abidjan.
Vous savez ce que ça me rappelle cette histoire ? En 1988 mon pays a joué contre le Maroc et on avait un joueur qui marquait beaucoup de buts qu’on appelle Guédé Gba Ignace. Un défenseur a fait une faute dans la défense. Mais on a vu l’arbitre traverser tout le stade avec un carton rouge pour expulser Guédé Gba qui était en attaque. Alors qu’il n’a rien à voir avec la faute.
C’est dans ça que nous sommes. Il y a des gens qui disent qu’ils sont les chefs miliciens, que Blé Goudé n’est pas leur leader, et le procureur dit : non ce n’est pas vrai, c’est Blé Goudé. Mais pourquoi veut-elle forcément faire de moi ce que je ne suis pas ? Pourquoi m’a-t-elle envoyé ici ?
Madame la présidente, je voudrais vous dire qu’on passe ou qu’on veut passer par voies peu orthodoxes pour me tailler une sculpture ou m’attribuer une casquette qui est aux antipodes de la philosophie qui a fondé mon entrée en politique.
Est-ce qu’on peut me citer une seule vidéo où lors de mon meeting il y a eu des morts ? Où j’ai lâché mes chiens méchants vers les autres ? Jamais !
Je me suis toujours interposé pour rapprocher les Ivoiriens. Je n’ai fait que ce travail. L’histoire de mon pays est trop récente. Et ceux qui tentent de la falsifier en lui tordant le cou se livrent à un exercice au succès peu probable.
Madame la présidente comme je ne veux pas être la honte de ma génération et que je refuse qu’on me jette dans la poubelle de l’histoire, je voudrais apporter un peu de fraîcheur à la mémoire collective que tentent d’effacer ceux j’appelle les contrebandiers de l’histoire.
Parce que c’est comme ça qu’on doit les appeler. Et je voudrais qu’on m’écoute avec l’attention qui sied. Parce que c’est la seule occasion pour que je puisse au moins me défendre. La crise ivoirienne madame la présidente a opposé deux camps.
Le camp de ceux qui ont pris les armes pour déstabiliser les institutions de la République pour des raisons que j’expliquerai le jour où il plaira u bureau du procureur de les convoquer devant cette cour , je l’espère. Et de l’autre côté, les Forces de défense et de sécurité qui sont restées loyales à la République.
Voilà les deux forces belligérantes. Moi j’étais à Manchester, très loin, à des milliers de kilomètres. Il y a eu la population civile qui est descendue dans la rue, les mains nues pour dire non aux armes.
Madame la présidente, c’est de cette troisième tendance que moi je me réclame. Et ce choix de la non violence avec les manifestations aux mains nues, je l’ai fait librement, non par stratégie, non par faiblesse, mais par principe, et par culture démocratique.
Parce que je reste convaincu madame la présidente que les armes et la guerre sont les ennemis de la paix dans le monde. Je considère la rébellion armée comme la pire des expressions. C’est pourquoi, fidèle à ma philosophie politique pacifiste, connue de tous les Ivoiriens sauf le procureur, je n’ai jamais possédé d’armes, ni à titre individuel, ni à titre collectif.
Alors madame par quelle alchimie pourrais-je réussir à distribuer ce que je ne possède pas ? Jamais madame la présidente, je distribué d’armes à des citoyens pour aller tuer d’autres citoyens. Madame souventes fois, il y a des gens qui me traitaient de faiblard qui a peur de la guerre. Je leur ai souvent dit : » oui, Blé Goudé a peur de la guerre «
Je n’ai pas honte de dire que j’ai peur de la guerre. Parce que la guerre fait peur. La guerre détruit les familles. Je leur ai dit que je préfère être faible parmi les êtres vivants que d’être forts parmi des corps sans vie. Madame la présidente, convaincre et non vaincre, tel est mon crédo. C’est pourquoi je partais dormir derrière les rebelles, pour les convaincre de venir on va se réconcilier.
C’est ce que j’ai fait et on se moquait de moi. On m’appelait l’ami des rebelles. Mais je le faisais pour mon pays. Pas pour que Gbagbo reste au pouvoir.
Je le faisais pour ma génération, pour mon pays. Pour moi qu’on l’appelle Dieu, qu’on l’appelle Jéova, qu’on l’appelle Kolotcholo, qu’on l’appelle Gnamien Kpili , pour moi nous prions tous le même Dieu.
C’est pourquoi ouvert et tolérant de par ma culture j’ai toujours tenu à rendre visite à tous les évêques et à tous les Imams dans toutes mes tournées politiques.
J’ai même souvent réparé, réhabilité des mosquées dans lesquelles j’ai souvent fait des dons, ça le procureur n’a pas vu. Dans ma maison, sous mon toit, je vivais avec une burkinabé, puisqu’on dit que je fait contre les burkinabé.
Il ne suffit pas de le dire, il faut le vivre ! Elle n’ était ma servante, elle n’était pas à mon service. Je la prenais comme ma petite sœur. Pour le respect que je lui dois, je ne vais pas dire ce que j’ai fait pour elle. Vraiment sa famille et moi, on est en contact.
Et dans la vie de tous les jours je suis avec ceux que le procureur appelle les musulmans. Qui est donc ce monsieur qui est contre les étrangers, qui est contre les musulmans et qui vit avec eux, qui est avec eux dans sa maison ? Il les a dans sa vie.
Madame la présidente, vous voyez on m’accuse d’avoir incendié les lieux de culte des musulmans, ce n’est pas vrai. Je voudrais vous le rappeler, pour la paix dans mon pays, j’ai pris beaucoup de coups. J’ai pris beaucoup de coups pour la paix dans mon pays, madame la présidente.
Chaque fois, et je parle sous le regard des Ivoiriens, que le processus de paix a pris du plomb dans l’aile, j’ai fait ce que j’ai pu. Je n’ai peut-être pas fait ce qu’on espérait de moi, mais moi je ne suis pas Dieu ! J’ai pris des risques énormes, jusqu’à aller dormir à Bouaké, où personne ne pouvait aller. Parce que je voulais rassurer les Ivoiriens qu’on pouvait encore se parler. Je voulais convaincre l’adversaire qu’on pouvait défendre ce qu’on avait en commun. C’est-à-dire la Côte d’Ivoire.
Madame, j’ai sacrifié ma jeunesse pour mon pays.
J’ai sacrifié ma vie pour mon pays. Mes enfants n’ont pas bénéficié de l’éducation que j’aurais voulu leur donner. Mais j’espère qu’ils me comprendront un jour. Parce que je veux leur léguer des valeurs. C’est pour eux et les enfants de leur âge que je me bats. Pour que demain, ils puissent vivre dans un monde meilleur. Un monde où on ne transforme pas la raison en tort et le tort en raison. C’est pourquoi je me bats. Même mes proches, les personnes qui m’aiment et que j’aime continuent de souffrir de mon engagement. Ce pouvoir les traque. Les gens habitent toujours leurs maisons, les gens occupent toujours leurs forêts. Mon village a été incendié. Ça aussi le procureur ne l’a pas vu. Mon père est mort pendant cette crise. Je n’ai pas eu hélas la chance de l’accompagner à sa dernière demeure. Le procureur n’a pas vu ça. Et c’est moi qu’il vient traiter ici de criminel pendant que les vrais criminels sont en liberté en train de narguer mes parents. Mais madame pendant que je parcourais hameaux, villes et villages pour convaincre les ivoiriens à se pardonner les uns les autres, ceux avec qui je croyais parler de paix, préparaient la guerre en cachette. Je ne savais pas. Moi j’étais de bonne foi. J’ai été surpris, je ne savais pas. Madame la présidente, ils avaient érigé la violence en programme politique parce qu’ils voulaient le pouvoir à tous les prix. Pour vous dire, Madame la présidente, que les gens cherchent à faire de moi forcément ce que je ne suis pas. Mais, ironie du sort dans tout cela, c’est moi, le concepteur de la victoire aux mains nues, qui suis devant vous aujourd’hui pour répondre de crimes contre l’humanité. Pendant que ceux qui voulaient le pouvoir à tous les prix sont en liberté. Autant dire que c’est l’hôpital qui se moque de la charité. Madame la juge, je vais peut-être vous surprendre, mais je le dis et vraiment je le pense. Je vais vous rassurer. Moi je ne cherche pas forcément à être libre. Il faut le noter. La liberté, elle est dans l’esprit. Elle n’est pas dans le physique. Je cherche une seule chose: la manifestation de la vérité. Et j’y tiens. Seule la vérité pourra vous permettre de situer définitivement ma responsabilité. Parce que je ne veux pas qu’on me traite de criminel. Je me suis battu toute ma vie J’ai été emprisonné neuf fois par le pouvoir qui me poursuit aujourd’hui encore. Depuis que j’étais étudiant je fais la prison. Non content de m’avoir mis en prison au niveau national, on m’a maintenant déporté ici. Mais pourquoi ? Pourquoi ils font ça ? Pourquoi ? Parce qu’ils connaissent des gens ? Ce n’est pas juste. Ils ont un seul objectif qu’ils vous cachent. Ils ont peur de faire une compétition politique avec moi. C’est tout et c’est ça qui est la vérité. Ils veulent se servir de cette Cour pour se débarrasser d’un adversaire politique. Ils nous ont triés sur le volet. Sinon les chefs des milices sont à Abidjan. Ils les connaissent. Le procureur a un bureau à Abidjan. Ils ont tous les renseignements sur Abidjan. Mais pourquoi Blé Goudé parmi tous ces jeunes ?
Je prends un matelas pour faire la grève de la faim pendant que ceux qui ont pris les armes sont en liberté à Abidjan. Et c’est moi qu’on veut faire passer pour le bourreau. Mais pourquoi vous faites ça ? Pourquoi ? Et ils continuent toujours de me jeter la pierre. Moi je suis serein. Qu’ils continuent de me jeter la pierre, ceux qui se croient innocents. Peut-être que j’en aurai besoin pour ériger mon piédestal en faisant éclater la vérité dans ce procès. C’est pourquoi je dis que je suis en mission. Donc moi je suis tranquille. Je ne cherche pas forcément à être libre.
Pour vous dire Madame la présidente, que je voulais rappeler à Mme Massida : les victimes du commando invisible, les victimes d’Anokoua Kouté, ces populations sans défense, qui ont fui la mort pour aller se cacher dans des églises et dans des camps de réfugiés, mais que hélas la mort a rattrapées. Imbibées d’essence et incendiées par le commando invisible, le procureur n’a pas encore vu ça. C’est comme ça les gens fuyaient Abobo pour aller vers Yopougon. Et c’est comme ça que les gens ont fait les barrages pour se protéger. On appelle ça l’instinct de conservation. Même les propres témoins du procureur l’ont affirmé. Eux, partisans de Ouattara ont dit qu’ils ont érigé des barricades autour de la mosquée Doukouré pour se protéger. Donc ceux-là répondaient aussi aux mots d’ordre de Blé Goudé ? Demandez au procureur. Moi je parle de toutes les victimes sans distinction. Parce que pour moi, la vie humaine est sacrée. Et un corps sans vie n’a pas de couleur politique, n’a pas d’ethnie, n’a pas de parti politique. Malheureusement les représentants des victimes ont déjà choisi leurs victimes. Allez à Abidjan ! Pas à l’hôtel Ivoire ! Pas au Golf hôtel ! Pas à Pullman. Allez dans les confins de la Côte d’Ivoire, vous allez voir, près de mille Guérés ont été ensevelis dans une fosse commune. Et les droits de l’homme dont vous citez les rapports ici, le procureur n’a pas vu ça aussi ?
Madame la présidente, s’il a existé un plan commun en Côte d’ivoire, moi je n’en connais, ni les concepteurs ni les exécutants. J’ignore même les objectifs d’un tel plan. J’ai plutôt pris mon temps pour aller vers les victimes de la guerre. Pendant trois mois, j’ai fait le tour de la Côte d’Ivoire. J’ai même recueilli Prisca, une jeune fille qui a été violée.
Madame la présidente, elle a été violée par les rebelles. Je l’ai recueillie. Je l’ai transportée à l’hôpital. J’ai organisé un Found rising pour lui construire une maison. Moi, l’assassin dont on parle ici et qu’on veut vous présenter comme tel. J’ai tenté de réconcilier les Ivoiriens. C’est moi qui ai inventé cette expression: » la valeur du pardon réside dans la gravité de la faute pardonnée « . Le procureur n’a pas entendu ça dans toutes les chansons que j’ai fait enregistrer en Côte d’Ivoire pour rapprocher les Ivoiriens les uns des autres ? Madame la présidente, voici exposé le plan commun que moi je connais. Mais le procureur ne pouvait pas montrer ça. Parce que lui, veut présenter le Blé Goudé assassin, génocidaire. Mais moi, j’attends ici les témoins pour que eux et moi on parle de la Côte d’Ivoire et de sa crise. Pas de la Côte d’Ivoire de l’hôtel Ivoire, pas de la Côte d’Ivoire de l’internet, mais de la Côte d’Ivoire telle que la vivent les concitoyens ivoiriens dans sa réalité globale pour qu’on puisse réconcilier les Ivoiriens parce que la Côte d’Ivoire a besoin de ça. Et non de trier des leaders politiques dont on a peur pour les jeter ici.
Madame la présidente, les discours de la haine, je vous demande pardon, je vous demande de me présenter une seule vidéo, une seule où je suis en train d’inciter les gens à la haine. Quand je dis que le Burkina Faso est à la base de la crise ivoirienne, ce n’est pas la haine. C’est un fait. Les rebelles eux-mêmes le reconnaissent, ils ont été formés au Burkina Faso et c’est de là qu’ils sont descendus sur la Côte d’Ivoire. Et ce n’est pas moi qui l’ai dit. C’est ce qu’on appelle les faits historiques. Quand on dit que Hitler a mis les Juifs dans des camps de concentration, ça ce n’est pas la haine. Ce sont les faits historiques qu’on rappelle pour ne plus que ça se répète. Voilà Madame !
Donc, je n’ai pas incité les gens à aller tuer les Burkinabè, ce n’est pas vrai Madame la présidente. Mais, au terme de mes précisions et je vais bientôt terminer, vous comprendrez aisément que les allégations contre moi résistent peu à la rigueur du droit. Alors, je trouve injuste que l’on veuille faire supporter à mes frêles épaules la lourde responsabilité de la crise qui a endeuillé mon pays. Madame, dans mon combat légitime de non violence, aucune goutte de sang ne crie contre moi. J’ai les mains pures. Mon crime, s’il pouvait en exister un, c’est d’avoir crié pendant dix ans qu’il est immoral de vouloir parvenir au pouvoir par les armes. C’est pourquoi, il vous plaira, Madame, de demander à l’accusation d’orienter les enquêtes ailleurs et d’inscrire mon nom sur la liste des victimes de cette guerre. Oui Madame, je suis une victime sinon je ne serais pas ici quoique puissent en dire mes détracteurs.
Il a l’art oratoire ! C’est un défaut ? Il y en a qui vont même à l’école pour apprendre l’art oratoire. Pourquoi voulez-vous transformer des valeurs en quelque chose qui est mauvais ?
Il est charismatique ! Ce n’est pas un défaut. C’est ce même charisme que j’ai utilisé pour faire la caravane de la paix. Madame la présidente, je suis allé dans les mosquées, dans les églises pour rassembler les Ivoiriens, je suis allé à Bouaké prendre les rebelles pour les amener à Abidjan. Pourquoi le procureur n’en parle pas ? Elle vous a présenté trois vidéos, ils ont fait exprès pour extraire des parties.
Première vidéo qu’ils vous ont présentée, je vous cite la pièce de la vidéo, CIV-EP OO47-0604 où j’étais en chemise rayée et où je disais : » continuez de résister « , ce que le procureur n’a pas montré, je disais et je cite : » Restez et priez dans vos maisons dans vos quartiers partout où vous êtes. Fléchir les genoux est un devoir pour nous pour remercier Dieu, pour le glorifier, pour l’appeler au secours parce que nous les victimes, on nous faits passer pour les bourreaux « . Quelqu’un qui a distribué des armes en pleine guerre, il ne demande pas à ses partisans d’aller prier Dieu. Il leur dit plutôt prenez les armes et allez vous battre. Mais voilà Blé Goudé curieusement qui demande à ses partisans de fléchir le genou et de prier. Mais pourquoi le procureur ne dit pas ça ? Je ne trouve pas ça honnête excusez-moi !
Deuxièmement Madame la président, on vous a présenté une autre vidéo où je disais : » nous allons vous lancer un mot d’ordre bientôt, nous sortons d’une réunion « . Mais ce que j’ai dit juste avant ça et que le procureur n’a pas dit : » Evitons le piège de la guerre civile « . Pourquoi vous n’avez pas dit ça ? C’est dans la vidéo, parce que vous voulez me faire passer pour un criminel ?
Madame la présidente, j’ai mal. Je vous le dis sincèrement, pas de la manipulation comme on veut vous le faire croire. J’ai tellement mal que le procureur vous dit : » Blé Goudé dit : vous êtes devant et ne vous occupez pas des crimes passés « . Ce n’est pas vrai Madame. Nous étions à un meeting et nous étions nombreux. Donc j’ai voulu dire aux jeunes qui étaient là : » vous êtes tellement nombreux, mais vous ne voyez pas derrière. C’est parce que vous ne pouvez pas voir derrière que vous ne vous en rendez pas compte sinon nous sommes très nombreux ». A Abidjan on dit : » A connait pas a demandé « . Demandez-moi je vais vous expliquer, pourquoi vous vous compliquez la tâche comme ça? Ce n’est pas la peine de raconter des choses comme ça.
Madame je suis un homme convaincu de la force motrice de la mobilisation et des vertus de non violence.
Pour moi, Madame la présidente, celui qui accorde le pardon se débarrasse du fardeau encombrant de la haine, je l’ai toujours dit. Je peux parler avec force, peut-être avec des gestes forts. C’est ma nature, mais cela ne veut pas dire que je suis violent. Ce que je dis, je le dis avec mon cœur, avec mes gestes, avec mon corps, peut-être que c’est ça qui est la différence, vous voyez. Mais je ne suis pas le seul leader qui parle ainsi, parce que je regarde la télévision, je vois comment d’autres leaders font des gestes.
Madame la présidente, pardonner, c’est le fondement de ma philosophie politique, tout comme aller vers l’adversaire, la culture de la tolérance, la générosité politique. C’est pourquoi je partais vers eux, mes adversaires. M. Kauffman l’a dit et il ne croyait si bien faire, j’ai fait campagne pour qu’on accepte les rebelles en Côte d’Ivoire. Les gens m’insultaient pour ça, mais je l’ai fait.
Je voudrais vraiment vous le dire, je ne compte pas déroger à cette philosophie. On peut me condamner, mais, je continuerais toujours de dire aux gens qu’on n’entre pas en politique avec les armes, qu’on n’entre pas en politique avec des fusils. On entre en politique avec des idées, avec un projet de société. C’est ce qui est vrai.
Madame la présidente, je voudrais vous dire que toutes mes actions politiques ont été toujours guidées par un seul principe : ne jamais écrire mon nom du mauvais côté de l’histoire, pour ne pas léguer en héritage à ma progéniture et à mes proches, un nom ensanglanté du sang innocent de mes concitoyens. Jamais, je n’ai participé à cela. Et c’est moi qui ai dit, que je ne veux pas participer à la « rwandisation » de la Côte d’Ivoire. Le procureur n’a pas entendu ça non plus.
Madame la présidente, le nom Blé Goudé ne m’appartient plus. Il appartient aux Ivoiriens et aux Africains. Alors, j’ai toujours dit que ce qui doit gâter mon nom doit avoir un nom. Jamais je ne serai un criminel. Je suis peut-être chaud, je parle avec vigueur, mais je ne suis pas un criminel. J’ai fais tout ce que je pouvais pour éviter à la Côte d’Ivoire, ce qui lui est arrivé. Je suis allé voir le Représentant spécial de l’Onu, à la veille des élections pour lui dire : » Monsieur, je vous demande de faire quelque chose. Les partisans de Ouattara sont en train d’incendier la résidence du Directeur de campagne de Gbagbo à Korhogo Issa Malick, vous pouvez le vérifier sur internet. La maison de Gervais Coulibaly, porte-parole de Gbagbo, a été incendiée à Katiola « . Je suis allé voir le Représentant Spécial de l’Onu pour lui dire, il faut que Gbagbo, Bédié et Ouattara, fassent une campagne pour désarmer les cœurs avant les élections. On ne m’a pas écouté, parce que les gens voulaient le pouvoir à tout prix. Eux, ils avaient déjà leur plan commun. Ce sont eux qui avaient un plan commun, pas nous.
Madame la présidente, au nom de la balance que je vois ici sur tous les papiers en-tête de la Cpi, qui est le symbole de la justice, de l’équité, je vous serais reconnaissant de me laisser rentrer chez moi, auprès des Ivoiriens, pour construire et bâtir ensemble, la réconciliation et la paix, comme je l’avais déjà commencé. Et pour continuer de dire à ceux qui ne l’ont pas encore compris qu’on n’entre pas en politique avec les armes, mais avec des idées et un projet de société.
Madame, la prison, certes c’est dur. ça peut même durer, mais ça ne durera pas éternellement. Et Abraham Lincoln n’a pas eu tort en disant : » Pour une cause noble, on ne perd jamais son temps en prenant tout son temps « . Il disait ainsi aux partisans de la vitesse que la vie ne se résume pas aux aiguilles d’une montre, mais plutôt à la qualité de nos actes pendant notre séjour bref et passager sur terre. Pour dire que mes adversaires ont la montre, moi j’ai le temps.
Madame la présidente, et comme je refuse d’être la honte de ma génération, pour ce que je viens de vous dire, pour la non violence, pour la vérité, pour le dialogue, pour la paix, je porterai ma croix avec dignité et honneur. Mon père, Blé Gnépo Marcel que je n’ai pas eu la chance d’accompagner à sa dernière demeure, à qui je rends hommage ici m’avait dit : » mon fils, un fruit bien mur ne pourrit jamais en l’air, tient bon, il finit toujours par tomber. » Pour dire qu’on peut peut-être me condamner aujourd’hui, mais un jour, l’histoire finira par m’acquitter.
Madame le juge, non je ne suis pas un anti-français ! Non je ne suis pas chef de milice. Non, je ne suis pas le présumé assassin des ressortissants du nord et des musulmans de mon pays ! Non je ne suis pas un partisan de la violence ! Non je ne suis pas un génocidaire. Je souhaite une seule chose : que le droit nous départage et qu’on empêche que la politique entre ici, dans cette Cour pour ne pas que le droit sorte pas la fenêtre. Un jour, je suis convaincu qu’il fera jour et que je rentrerai chez moi.
Que Dieu bénisse l’Afrique et apporte la paix à la Côte d’Ivoire et partout dans le monde. Je fais confiance à la justice internationale. Je vous remercie.