La leçon burkinabé?
Après deux mandats passés à la tête de son pays, qu’il a conquis en 1994 aux commandes de l’Armée patriotique rwandaise, il a dit ne pas vouloir se représenter à la présidentielle de 2017.
Après deux mandats passés à la tête de son pays, qu’il a conquis en 1994 aux commandes de l’Armée patriotique rwandaise, il a dit ne pas vouloir se représenter à la présidentielle de 2017. Découlant du « 30 octobre » burkinabé, cette déclaration va créer une onde de choc sur tout le continent. Kagame donc sur les traces de Senghor, Ahidjo et Mandela…? L’Afrique reste encore divisée en deux camps composés de pro et anti-révision des textes constitutionnels dans plusieurs Etats, malgré le départ spectaculaire de Blaise Compaoré de la présidence du Burkina Faso, après 28 ans de pouvoir autocratique.
Pendant que les analystes se focalisaient sur les propos de François Hollande relatifs au respect par les dirigeants africains des règles du jeu démocratique définie dans leurs « lois fondamentales », Paul Kagame a créé la surprise en annonçant à la cantonade qu’il n’allait pas briguer un troisième mandat en 2017. Bluff ou réalité ? Il est difficile de se prononcer à ce stade. Les observateurs notent que l’homme fort de Kigali cherche visiblement à se façonner une image de démocrate.
On croit savoir qu’il ne veut pas revivre le cauchemar de son ex-homologue burkinabé, frappé de manière inattendue, au moment où il venait d’engager un bras de fer invisible avec le locataire de la Maison Blanche, en soutenant que l’Afrique a d’abord besoin d’hommes forts, ces personnages incontournables dans l’édification d’institutions fortes.
En revisitant l’histoire, on constate que Paul Kagamé tente de se placer dans la droite lignée des patriarches africains ayant volontairement renoncé à leurs mandats alors que rien ne les contraignait à la retraite politique. C’était le cas de Léopold Sedar Senghor du Sénégal, qui avait décidé de s’effacer de la scène en 1980, au profit de son Premier ministre, Abdou Diouf.
Il était suivi en cela par Amadou Ahidjo du Cameroun, en 1982, qui avait laissé le fauteuil présidentiel à son Premier ministre, Paul Biya. Il y a eu enfin Nelson Mandela, qui avait refusé de se présenter pour un second mandat en 1999, alors que tous les ingrédients politiques et économiques étaient réunis pour sa propre succession.
Il convient toutefois de signaler qu’Amadou Ahidjo, après avoir pris le chemin de la retraite, avait tenté de récupérer le pouvoir en tant que chef du parti unique dont il était le fondateur. Mal lui en prit car Paul Biya, solidement installé dans le fauteuil présidentiel, avait tôt fait de l’accuser de tentative de putsch et fait condamner à mort par contumace, un dossier qui a fait grand bruit en marge du 15me sommet de la Francophonie, à Dakar, 25 ans après sa mort en territoire sénégalais.
S’agissant de Paul Kagamé, les esprits avertis pensent à une manœuvre de diversion destinée à endormir des décideurs européens et américains apparemment décidés à mettre un terme à la caste des « présidents à vie » à travers le continent africain. Pareille stratégie lui avait déjà réussi en 1994, après l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana et la victoire des rebelles de l’APR (Armée Populaire du Rwanda) sur les FAR (Forces Armées du Rwanda), en plaçant à la tête du pays le Pasteur Bizimungu, un Chef d’Etat sans pouvoirs, qu’il allait écarter quatre ans plus tard.
Paul Kagame, renonçant effectivement à un 3ème mandat, se fera-t-il remplacer par un Chef de l’Etat de pacotille, qui ne contrôlerait rien? Au lendemain du dernier rappel de François Hollande au respect des Constitutions et du nombre des mandats présidentiels, la patronne de la diplomatie rwandaise, Louise Mushikiwabo, a déclaré haut et fort que la France devait cesser de considérer les pays d’Afrique comme ses colonies et qu’il appartenait aux Africains eux-mêmes de définir la forme de démocratie qu’ils entendaient appliquer. Réaction à découdre?