Qu’attend IBK de l’Elysée?
Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a entamé une visite d’Etat et de travail en France. Ce n’est pas la première fois qu’il séjourne dans l’Hexagone en tant que chef d’Etat, mais la présente visite de IBK revêt un caractère particulier à tous égards. Car c’est la première fois, en effet, qu’IBK aura droit à tous les honneurs d’une visite d’Etat au cours de laquelle il s’entretiendra avec le président français, François Hollande, le président du Sénat, Gérard Larcher et le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le tout couronné par une intervention à la prestigieuse université de la Sorbonne.
En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette visite élyséenne intervient au moment où le Mali se trouve dans une situation de ni paix ni guerre; ce qui n’offre aucune lisibilité dans le sens de la restauration de l’autorité de l’Etat. La preuve, si besoin en était encore, a été donnée, le 19 octobre dernier, où le ministre de l’Education nationale qui devait présider la cérémonie marquant la rentrée des classes, à Kidal, a été déclaré persona non grata par la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Loin d’être un fait anodin, cette attitude en dit long sur les intentions de la CMA qui, à dire vrai, n’a jamais renoncé à ses visées indépendantistes. Elle y tient comme à la prunelle de ses yeux, encouragée en cela par certaines grandes puissances occidentales qui soufflent le chaud et le froid.
Et le président IBK en est conscient ; car c’est un secret de Polichinelle de dire que sans le soutien de la France, le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) et alliés ne se permettraient pas certaines pitreries qui frisent parfois la condescendance. C’est pourquoi cette visite d’Etat, en plus de ce qu’elle vise la relance économique du Mali, doit être l’occasion pour le président IBK d’asséner certaines vérités à toutes les puissances du monde, notamment à la France qui, il est vrai, a joué un rôle déterminant dans la stabilisation du Mali, mais qui, faut-il le dire, est soupçonnée à tort ou à raison de tirer les ficelles. Les faits parlent d’eux-mêmes.
On se rappelle que la CMA avait, dans un premier temps, refusé de signer les accords de paix d’Alger et de Bamako, avant de se raviser sous la pression de la France. Toute chose qui avait retenu l’attention de bien des observateurs avisés qui y ont vu une proximité de fait entre les irrédentistes maliens et l’ex-puissance coloniale. C’est ce qui fait dire à certains que rien n’est véritablement encore joué au pays de Soundjata Kéita. Car, on a l’impression que chaque fois que IBK fait un pas vers la reconquête du Nord de son pays qu’il a perdu au propre comme au figuré, les grandes puissances, au nom de leurs intérêts personnels, lui tirent le boubou par derrière, laissant croire aux groupes armés qu’ils sont en position de force. Peut-être que la forteresse de Kidal était aujourd’hui sous le contrôle de Bamako, si le GATIA qui, naguère, contrôlait la ville d’Anefis, n’avait pas reculé sous la pression de la communauté internationale.
En tout cas, on ne peut pas résoudre durablement un problème aussi complexe que celui du Nord-Mali avec une attitude de deux poids deux mesures. Certes, les partenaires techniques et financiers annoncent le décaissement de sommes d’argent importantes pour le redressement de l’économie malienne, mais il convient de rappeler qu’aucun développement n’est réalisable si la question du Nord-Mali n’est pas totalement résolue. Et cela, IBK voudrait bien compter sur l’implication personnelle du président Hollande en tant que membre de l’International socialiste. Car, on ne le sait que trop bien, « les oiseaux d’un même plumage volent ensemble ».