La récente élection d’Idriss Déby à la tête de l’Union africaine constitue un véritable espoir pour la lutte contre le terrorisme au Sahel et dans le reste de l’Afrique. Depuis trois ans, le président tchadien a réussi à faire reculer Boko Haram en Afrique centrale grâce à l’intervention de l’armée tchadienne en dehors de ses frontières, qui a donné naissance à une force militaire à l’échelle régionale.
La lutte antiterroriste était sans surprise au cœur du discours d’investiture d’Idriss Déby, samedi 30 janvier à Addis-Abeba, à la suite de sa nomination pour un an à la présidence tournante de l’Union africaine. Succédant à Robert Mugabe, président du Zimbabwe, le chef de l’État tchadien a appelé ses 53 homologues de l’organisation panafricaine à prendre en main leur destin en assurant eux-mêmes la sécurité du continent.
Visiblement déterminé à défendre coûte que coûte les intérêts de l’Afrique, Idriss Déby a commencé par faire l’autocritique de l’institution africaine, dont il a déploré l’immobilisme. « Nous nous réunissons souvent, nous parlons toujours trop, nous écrivons beaucoup, mais nous n’agissons pas assez, et parfois pas du tout, a-t-il déclaré. Nous n’anticipons pas assez, nous attendons tout de l’extérieur ». Pointant tout particulièrement les crises dans les zones vulnérables que sont le Burundi, le Soudan du Sud, la Libye, la Somalie, le Sahel et le bassin du lac Tchad, il a enjoint les dirigeants africains à y mettre fin « par la diplomatie ou par la force, selon leur nature. Vous ne pouvez pas parler de développement sans la paix et la stabilité. Quand une partie du continent est malade, c’est l’ensemble qui en souffre», a-t-il confié.
Préoccupé par les récentes violences au Burundi, Idriss Déby a affirmé que l’Union africaine interviendra militairement si la situation dégénère, plaidant pour la création d’une force armée africaine. Nul doute que l’annonce ne sera pas prise à la légère au vu des nombreuses avancées militaires qui ont vu le jour à son initiative en Afrique centrale ces dernières années…
Président du Tchad depuis 25 ans et candidat à sa réélection le 10 avril prochain, Idriss Déby a joué un rôle déterminant dans la lutte antiterroriste dans le bassin du lac Tchad ainsi que l’ensemble du Sahel. Depuis trois ans, les troupes tchadiennes sont régulièrement déployées à travers l’Afrique centrale pour prêter main forte aux troupes sur place. En janvier 2013, 2 000 soldats tchadiens ont ainsi prêté main forte aux militaires français pour l’opération Serval au Mali, tout comme deux ans plus tard au Cameroun, où 1 500 soldats tchadiens sont venus soutenir l’armée camerounaise pour faire face à la multiplication des attaques de Boko Haram.
Répression et prévention pour contrer Boko Haram
Durant l’été 2015, cette coalition entre les Etats est devenue officielle sous l’impulsion d’Idriss Déby et de Muhammadu Bulhari, nouveau président du Nigéria. La force militaire régionale qui a vu le jour est composée de près de 9 000 soldats venant du Cameroun, du Nigéria, du Niger, du Bénin et du Tchad, dont l’armée très expérimentée et bien équipée contribue à plus d’un tiers du contingent. Les troupes de la coalition ont d’ailleurs établi leur quartier général à N’Djamena, la capitale tchadienne, qui abrite également l’état major de l’opération française Barkhane de lutte contre les groupes terroristes au Sahel.
Sur le plan national, Idriss Déby s’est également illustré par son pragmatisme dès le début de la percée djihadiste sur le territoire tchadien. Dès juin 2015, après un double attentat suicide ayant fait 33 morts, il décide de faire interdire le port de la burqa, ou voile intégral, vêtement dont se sert Boko Haram pour dissimuler des explosifs. La sécurité est par ailleurs renforcée aux abords des endroits touristiques et stratégiques, les mariages se tiennent en petits comités. Autant de mesures qui peuvent sembler anecdotiques, mais participent en fait d’une prise en compte à la fois globale et précise de la menace terroriste.
Cette répression active contre Boko Haram a porté ses fruits puisque le groupe affilié à l’État islamique est maintenant en recul sur ces territoires et ne subsiste plus que dans quelques zones isolées entre le Nigéria et le Cameroun ainsi qu’autour du lac Tchad. En complément de son impact militaire, le Tchad a mis en œuvre un programme de prévention auprès de la population afin d’éviter que le terrorisme ne devienne une échappatoire à la misère. Preuve que l’action d’Idriss Déby est efficace, le président tchadien est devenu la nouvelle cible des vidéos de propagande de Boko Haram. Pour lui venir en aide, la communauté internationale s’est engagée à verser 250 millions USD à la Force du bassin du lac Tchad.