L’artiste chanteur sénégalais se sent «très mûr pour me lancer dans une carrière internationale».
Avec «Ndayaan», un 3ième album acoustique sorti en France (après «Miyamba» et «Ndam»), Omar Pène reste dans une logique: se faire un nom sur le plan international. Le chanteur met au goût de l’acoustique de vieux titres des premières années du Super Diamono, son groupe, qui a fêté 35 ans de musique.
«C’est un choix. Actuellement, le concept de world music a fait une percée mondiale, ce qui veut dire que si on n’est pas dans ce genre, peut être, on éprouvera des difficultés pour percer. C’est un concept qui a été créé, non pas pour « getthoïser » la musique du Tiers-monde, mais, plutôt, pour avoir un label sur le plan international. Un créneau au sein duquel les gens peuvent s’exprimer et proposer une musique qui peut faire le tour du monde. Je le prends dans ce sens là. C’est une musique très élaborée, très soft que les gens peuvent écouter.
En tant qu’Africain, si on se mettait à ne faire que du rythme, je pense qu’on aurait des difficultés, même si le rythme caractérise la musique. Il faut essayer de travailler dans un sens où cela devient une musique internationale comme celle anglo-saxonne que nous consommons sans comprendre les textes. C’est un produit qu’on nous a imposé et que nous avons accepté. Nous aussi, nous avons des créneaux qui peuvent nous permettre, éventuellement, de proposer ce que nous avons comme identité culturelle avec une musique d’ouverture».
Reprises de titres dans «Ndayaan»
«C’est la façon dont on a joué les morceaux. En écoutant cet album, on a l’impression d’écouter quelque chose de nouveau. Je l’ai fait dans un autre contexte, parce qu’effectivement les titres qui figurent dans « Ndayaan » datent de 35 à 40 ans. Mais, la façon dont on les réactualisés marque une différence. Quelque part, j’ai la chance d’avoir, dans mon grenier, quelque chose comme 500 titres. Sur le plan international, je ne suis pas très connu, c’est un travail qui a été fait, au préalable. Actuellement, j’ai la chance, la possibilité de m’ouvrir et de proposer ce que j’ai fait pendant 35 ans».
Collaboration avec d’autres musiciens
«La musique est universelle. Il y a des musiciens français qui enregistrent à Los Angeles, par exemple, des Chinois à Londres. Aujourd’hui, j’ai la possibilité d’enregistrer avec d’autres musiciens. Dans une certaine continuité, ces titres ont été joués différemment. Ces gens ne me connaissaient peut être même pas. Je suis arrivé à jouer avec eux. Dans une certaine mesure, j’ai amené quelque chose que j’ai pratiquée pendant longtemps. Et lorsque j’ai proposé mes titres, ces musiciens ont apportés leur couleur d’où l’aspect carrément musical que l’on peut voir dans l’album « Ndayaan ». Je pense qu’il faut savoir s’ouvrir aux autres. La maison de production n’a rien à voir là dans. A la limite, elle ne peut que proposer. Et en bon professionnel, sachant ce qui se vend le mieux sur le plan international. Les producteurs, ce qui les intéressent, c’est plutôt la logique commerciale. Sur le plan du travail, aussi, l’artiste ne propose pas n’importe quoi. Il s’agit de montrer aux gens qu’on est capable de faire comme nos amis africains le font».
Percée sur la scène internationale
«C’est mon plus grand souhait. C’est pourquoi j’ai développé le concept acoustique dans ma démarche musicale. Ce style fait partie de la world music et cela m’a permis de voyager pendant deux ou trois ans. Je ne suis pas resté très longtemps au Sénégal, parce qu’à la suite de « Myamba » en 2005, on a fait « Ndam » en 2009 qui m’a fait faire le tour du monde. Sur le plan feedback, accueil, l’album a été bien accueilli sur l’international. Et je me suis dit pourquoi ne pas continuer dans ce sens. C’est important pour moi».
Omar et le Super Diamono…
«Sur l’international on dit Omar Pène. En occident, les gens citent le nom de l’artiste. Ce qui est important pour eux c’est l’artiste. Aujourd’hui, si on dit Omar Pène, c’est le Super Diamono, ce qui est vrai. Le groupe est un patrimoine qui capitalise plus de 35 ans de présence musicale. Ce qui est intéressant et important, pour moi, aujourd’hui, c’est de travailler mon nom, parce que c’est le nom de l’artiste qu’on peut proposer et vendre aux gens. Le style « Diamono » que les gens ont connu depuis 35 ans est un acquis. Si les gens le veulent, demain, je peux le faire. Je n’éprouve aucune difficulté à me produire ici au Sénégal en faisant comme d’habitude, au travers des concerts, des soirées dansantes. Je peux faire danser les mélomanes de minuit à quatre heures du matin.
Aujourd’hui, en tant qu’artiste j’ai envie d’explorer d’autres horizons. C’est de mon devoir, dans ma nature, mon feeling de proposer autre chose. Mon public n’est pas désorienté. Ceux qui connaissent l’histoire du Super Diamono ne sont pas surpris par cette tournure dans la musique d’Omar Pène. Il s’agit de montrer au public sénégalais, aux fans un produit différent. Ils ont été agréablement surpris de voir un pareil album. C’est dans le souci de progresser et de proposer autre chose à mon public qu’on a opté pour ce genre musical».
35 ans du Super Diamono?
«Je pense que pour organiser une telle manifestation il faut un budget assez conséquent. Ensuite, il y avait la sortie de l’album « Ndam » en 2009. On était en pleine tournée de promotion, ce qui ne nous a pas donné de temps pour nous concentrer sur ce projet qui demeure toujours. Il y avait également le décès de la mère du guitariste du Super Diamono, Doudou Konaré. A chaque fois qu’on diffère l’événement, il y a de nouveaux éléments qui nous sont proposés. Je pense que nous allons vers une manifestation grandiose, on a en plus d’autres propositions qui vont nous permettre de ratisser large. Au lieu de rester seulement à Dakar, on aura, peut être, à faire les autres régions du Sénégal. Je crois que ce projet sera concrétisé en 2012».
Un album 100% sénégalais?
«En début 2012, avant d’aller en tournée internationale au mois de mai. On a proposé aux fans de le faire. Ousmane Faye (ndlr : son manager), et le staff y travaillent. Maintenant, on est à même de le faire. Il est temps de le réaliser. Le projet s’appelle « Le choix des fans » et ce sont eux qui choisissent les titres. L’idée est de s’inscrire dans la célébration des 20 ans d’Afsud (Association des fans du Super Diamono). Nous avons demandé aux fans de puiser dans le répertoire du groupe et ensuite nous ferons un choix définitif. Aujourd’hui, on est tellement avancé, on ne peut plus reculer».
Engagement de l’artiste
«J’ai constaté qu’au Sénégal les gens font beaucoup plus confiance aux artistes qu’aux politiciens. C’est une réalité. En ce qui me concerne, et surtout par rapport à la jeunesse, je pense que le message que nous délivrons est bien perçu. Sur le plan politique, les artistes n’ont jamais associés ou impliqués en quoi que ce soit. Je le pense sincèrement. On a toujours était laissé en rade. L’artiste est perçu, aujourd’hui, comme l’amuseur public. Juste pour faire rire, égayer, danser les gens. Par contre, en occident, ils sont mieux considérés. En dehors du Sénégal, nos artistes sont connus et respectés. Ils n’ont que leurs idées à proposer. Par exemple, nous chantons pour la paix, apportons la bonne parole pour que les gens se retrouvent.
Par rapport à l’actualité, on est vraiment engagé, parce qu’on a un créneau pour nous faire entendre. Peut-être que tous les artistes ne font pas la même chose, mais il faut savoir l’utiliser à bon escient. Je pense qu’ils peuvent jouer un rôle très important dans ce qui pourrait amener un climat apaisé».
Piratage musical
«J’ai toujours dit qu’on ne peut pas, tel sur un coup de baguette magique, éradiquer le piratage. Si on avait pénalisé, par exemple, cette pratique, cela pourrait emmener les gens à réfléchir. Je considère le piratage, chez nous, comme un vol « légal ». A chaque coin de rue, tu retrouves un jeune qui te vend ton propre disque. Vous n’y pouvez rien. Avec cette crise financière internationale qui sévit et n’épargne pas le secteur de la musique, le piratage ne nous aidera pas sortir de l’ornière».
Taux de vente
«Depuis « Myamba », les ventes se portent pas trop mal. La crise a fait aussi que les ventes diminuent. Même les plus grands artistes ont du mal à vendre leur disque. Seulement, il y a d’autres créneaux, comme l’internet, pour vendre sa musique. Aujourd’hui, c’est la scène qui nourrit, le plus, l’artiste. Il suffit de sortir un nouvel album avec derrière une cinquantaine de dates pour la tournée, je dis que c’est intéressant. Par exemple, à la fin d’un concert, l’artiste qui a ses disques avec lui peut écouler beaucoup d’exemplaires. On vend beaucoup plus de disques sur scène que dans les bacs. C’est ça qui fait vivre le musicien».
Tournées en 2012
«Absolument. Cela commencera au mois de mai pour se poursuivre en juin et juillet. Il y aura beaucoup de festivals, parce que ce que l’on a fait l’année dernière a laissé une bonne impression. Les organisateurs de festivals se connaissent tous, à travers le monde. Le nom d’Omar Pène commence à circuler dans le milieu. Même avant la sortie de « Ndayaan », mon agent était en train de régler quelques dates».
Carrière tardive sur la scène internationale…
«Pas de regrets. Je suis même très content que cela arrive maintenant. En 1983, lorsque j’ai sorti « Soweto » avec Gilles Lallemand, il m’avait proposé de rester en France pour y vivre, parce que j’étais en plein dans la world music. A l’époque, j’avais refusé, parce que je n’étais pas prêt. Aujourd’hui, je me sens très mûr, avec beaucoup de bagage et d’arguments, pour me lancer sur l’international».
Coupe d’Afrique de football
«En tant que supporter, si j’ai les moyens, j’irai à Bata (Guinée équatoriale). J’aime le football, c’est ma passion. Tout ce qu’on peut faire, aujourd’hui, c’est de prier pour qu’Amara réussisse son pari. Comme vous le savez, il y a autant de supporters que de sélectionneurs au Sénégal. Il a publié sa liste, il est critiqué, on s’y attendait. Ce qu’il faut, c’est l’accompagner pour aller au-delà de l’objectif fixé. Il a un effectif de qualité qui peut rapporter la coupe. Un entraîneur qui gagne a raison, s’il perd il a tord. Laissons Amara travailler!»