L’opération « Parchi Sicuri » (Jardins Publics en Sécurité) du nouveau Conseil de la Lega de Ferrara a un objectif spécifique: éliminer le trafic de drogue des espaces verts de la ville. Et pour ce faire, il a pensé à une solution drastique et plastique: enlever les bancs. La suppression a déjà été entamée avec 150 bancs dans les jardins publics pour éradiquer la vente de drogues. Une situation qui dans la ville a soulevé beaucoup de controverse, non seulement entre les partis d’opposition, mais aussi sur les principaux visiteurs de ces parcs: mères (et les enfants) et personnes âgées.
Au début, ce fut le maire Gentilini, à Treviso. C’était en 1997: Ouste les bancs! «Parce qu’ils étaient utilisés par les immigrés»; furent même en grand danger, les arbres aussi, un lieu inoffensif pour le far-west présumé, où les Noirs (la cible du premier citoyen) accrochaient simplement des sacs avec leurs effets personnels: le shérif maire se disait être disposé à les scier. Plus de vingt ans se sont écoulés, mais la grammaire de la lutte contre la dégradation ne semble pas avoir évolué, du moins dans un certain domaine politique.
«Je l’avais promis: lutte acharnée contre ceux qui vendent la drogue dans les jardins publics, ceux qui bivouaquent et ceux qui se croient les maîtres dans les parcs à jeux. C’est une action forte qui, j’en étais sûr, aurait certes déclenché une alarme mais nous n’enlèverons pas tous les bancs, mais seulement ceux où se passe le trafic de drogue parce qu’ils sont cachés et isolés, et ils seront déplacés près des carrousels», assure l’adjoint au maire de Ferrara, Nicola Lodi. Son parti avait fait de la zone de Gad, qui s’étend entre la gare et le stade, l’exemple le plus criant de la campagne électorale, de la nécessité d’inverser la tendance pour enrayer et réprimer la dégradation. C’est en fait la zone de la ville de Ferrara où le taux de vente est le plus élevé, mais c’est aussi une zone populaire et peuplée.
Dans la ville, sous les arcades, dans les assemblements dans les jardins et sur le Net, les blagues et même les controverses sur la solution des bancs à enlever se gaspillent.
«La vraie absurdité, c’est qu’ils ne veulent pas tous les enlever. Seulement les mauvais bancs qui hébergent les dealers. Vont-ils faire des listes d’interdiction pour les bancs?», écrit un utilisateur sur la page de Gad-Gruppo Anti discriminations de Ferrara. Et ce n’est qu’une des voix qui soulève des critiques à la fois sur la méthode et le mérite.
Bref, les bancs sont-ils vraiment ce qui favorisent l’activité de la vente de drogue?
«S’ils vendront la drogue debout, je ferai intervenir la police», insiste Lodi.
Lui répond le secrétaire régional du PD (Parti Démocrate) de Ferrara, Paolo Calvano: «Il faut maintenant espérer que les dealers ne s’assoient pas au sol ou sur les murs historiques de la ville car, dans ce cas, nous risquons que les jardins soient labourés ou les murs abattus », et si on pense à la détermination de Gentilini à l’époque, il y a de quoi avoir des frissons».
Comme s’il ne suffisait pas déjà la ligne de Lodi, à augmenter la dose, intervient à son tour le maire Alan Fabbri, très proche de Matteo Salvini (le leader de la Lega), en disant à sa ville: «Chacun d’entre nous s’est souvent retrouvé devant des consistants attroupements de trafiquants de drogue qui bloquent les passages et les pistes cyclables. Pour cette raison, au cours des deux dernières semaines, nous avons cartographié la plupart des bancs dans les zones à risque, devenus désormais des bazars de la drogue et des avant-postes du crime».
«Il n’existe pas de réponse simplifiée à des problèmes complexes. Bien sûr, il est plus facile de retirer les bancs des dealers que de chasser les dealers des bancs», attaque le chef de groupe du PD, Aldo Modonesi, qui a défié Fabbri aux urnes en mai et a été vaincu. Les oppositions s’insurgent et de nombreuses voix se lèvent de la société civile, les fréquenteurs civils des jardins sont en colère et ne veulent pas être privés du plaisir d’être en plein air, se retrouvant éloignés de ces mêmes zones qu’il faudrait au contraire vivre avec intensité pour repousser la dégradation: en est un exemple, le Parc de la Montagnola à Bologna qui, de symbole de la vente de drogue, est en train, avec l’engagement des organismes et associations de police et les citoyens, par le biais d’initiatives estivales et culturelles, de se transformer en un lieu fréquenté et donc fréquentable.
À Ferrara, ceux qui veulent lutter contre l’initiative de la Ligue ont lancé le hashtag #lasciatecilepanchine, remplissent les bancs de pancartes afin qu’ils ne soient pas enlevés, parce que utilisés par les enfants, les mamans, les résidents de la zone, qui n’ont rien à y voir avec la drogue. Mais le Conseil de la Lega de Ferrara ne semble pas vouloir faire marche arrière: choisissant de répondre à un problème visible et tangible par une solution tout aussi visible et tangible: laisser le vide entre les arbres.