Un livre à « maître » dans la librairie!
Si vous aimez la lecture, il faut lire «Franco le grand maître», sorti aux Editions Centre de recherche sur les mentalités «Eugemonia». Je vous le conseille vivement. Il a tous les atouts pour être l’événement littéraire de l’année en République démocratique du Congo.
A la fois chronique, récit et analyse, ce livre est aussi une somme de recherches basées sur une documentation fouillée et des interviews inédites, même si la forme emprunte beaucoup au romanesque. Ce dernier aspect peut se justifier dès lors qu’il a vocation d’être un livre grand public.
Ce livre est préfacé par le professeur Kambayi Buatshia, historien des mentalités et directeur du Centre. Il est vendu chez African Queen, au prix de 30 dollars américains.
Selon le professeur Kambayi Buatshia, «Raoul Yema die Lala, par son opus « Franco, le grand maître », a voulu faire le devoir de mémoire collective; celle qu’un peuple porte sur lui pour toujours. Cette mémoire en évolution permanente et ouverte à la dialectique du souvenir et de l’amnésie inconscience, de ses déformations successives, vulnérables à toutes les manifestations susceptibles de longues latences et des soudaines revitalisations. L’auteur, loin d’avoir la prétention de combler le ‘vide épistolaire abyssal ‘ qui entoure Franco de Mi-Amor, de mon amour, loin aussi de vouloir se substituer à sa biographie, dans toute humilité avoue qu’il laisse ces tâches fascinantes aux historiens, journalistes, nouvellistes, écrivains, musicologues, etc.».
« Franco, le grand maître » est un prétexte pour l’auteur de nous parler, dans tous ses états, non seulement du personnage historique que fut le musicien, mais aussi de l’environnement social, économique et politique dont celui-ci fut le contemporain.
Raoul Yema die Lala, dont on soupçonne, au travers de quelques croustillants détails, de vouloir également nous suggérer une intrusion autorisée dans son propre parcours de la vie, réussit en 295 pages de nous faire (re) découvrir la cité d’ambiance des années 50 et «Kin Kiesse» des années 70 avec toutes leurs merveilles.
Mais l’essentiel est le portrait qu’il dresse, sans retouches, de ce grand guitariste aux ressources infinies qu’était Franco de Mi-Amor. Portrait intime et contrastant. Portrait saisissant et bariolé, éclairant les pans entiers de la vie d’un homme que nous croyions pourtant connaître.
Franco sentimental en privé, sémillant en public, visionnaire en politique, objecteur de conscience à sa façon, est «l’oncle de la société congolaise», c’est-à-dire le garant et l’obligé d’une société dont il croit être en déshérence et qu’il tente, toujours à sa façon, de redresser.
Guitariste de talent, chanteur inimitable, compositeur intarissable et diversifiant, à souhait, ses sujets sans pour autant s’éparpiller, Franco est à la fois adulé et déteste. Adulé par ceux qui croyaient en son art, détesté par ceux qu’il brocardait et devenus hélas, ses têtes de turc. S’impose alors de soi une empathie complice. D’une enfance troublée, au-delà des blessures narcissiques; il relève la tête et noue avec un parler cru et dru comme s’il voulait prendre sa revanche sur le sort.
De mon propre constat, Raoul Yema die Lala, en écrivant «Franco le grand maître», a harponné des instantanées en friche avant que le temps ne les avale. Sur ce point, il aiguise le goût et la saveur de la mémoire collective. Après trois décennies d’une carrière musicale intense et riche, fertile en innovations, Franco tire sa révérence le 12 octobre 1989, pas la même année que le prophète Simon Kimbangu, mais à la même date.
Qu’il y a-t-il donc en commun entre ces deux personnages, aux destins et desseins si différents et éloignés que seule la date de la mort a réuni? L’auteur répond: «Ils ont connu la notoriété mondiale : ils étaient d’authentiques hommes libres et de leur époque et de leur esprit. Les deux hommes, par leur intériorité, leur goût de la rencontre et celui des foules avaient témoigné de leur désir de servir»
De son vrai nom François-Dominique Luambo Makiadi, Franco est un sobriquet qu’il s’était choisi. Raoul Yema die Lala explique ce choix: «Il a choisi de s’appeler Franco parce que ce diminutif avait une consonance qui, pour lui, s’adaptait le mieux à son nouveau métier d’artiste et pour faire comme un autre guitariste du même prénom – François – qui avait une célébrité relative du coté de Casamar à Barumbu. A cette époque, il était un adolescent assez culotté et ambitieux pour être convaincu qu’il se ferait un jour, avec ce sobriquet, un grand nom».
FL. NL-NS