Un bon bond au Gabon!
Après 4 années à la tête des Etalons du Burkina Faso, qu’il a conduits deux fois de suite aux CAN 2010 et 2012, Paulo Duarte a entamé une autre aventure avec l’équipe nationale du Gabon, les Panthères, victorieuse contre les memes Etalons, le 9 juin, à la 2ème journée des éliminatoires de la coupe du monde, zone Afrique, par 1 but à 0 à Libreville. Dans cette interniew, Paulo Duarte a échangé sur le match et son passage au Burkina.
La victoire des Panthères face aux Etalons était-elle une revanche pour vous quand on connaît les conditions dans lesquelles vous avez quitté le Burkina?
Ce n’est pas une revanche parce que jamais, je ne pourrai regarder le Burkina comme un ennemi. Le Burkina est comme une famille pour moi, un pays qui m’aime. Mais, c’est la façon dont j’ai quitté le pays qui n’est pas bien. Il ne restait qu’un mois et une semaine pour la fin de mon contrat.
Il m’a été dit qu’il n’allait pas être renouvelé ou que j’allais être démis. La meilleure manière aurait été d’attendre la fin du contrat pour me dire merci pour le travail qui a été fait. Je suis avec le Gabon pour gagner parce que je suis un professionnel.
Ce ne fut pas un match spécial mais, ce qui me fait un peu mal au coeur, c’est le fait d’affronter une équipe avec des joueurs auxquels j’étais habitué et d’entendre un hymne que j’avais l’habitude d’écouter.
Comment expliquez-vous, au-delà de la victoire, que ce soit les Etalons qui aient le plus marché sur votre équipe alors que vous dites bien connaître la plupart des joueurs?
Le Burkina a une équipe de qualité qui a contrôlé la première partie du match, mais le vrai problème pour nous, c’est d’avoir enregistré l’absence de sept titulaires et pas des moindres puisqu’ils étaient titulaires à la dernière CAN.
Il y a, entre autres, Eric Mouloungui, Nguema, Moubamba, Apanga et quant à Pierre Aubameyang, il sort d’une blessure qui ne lui a pas permis de jouer contre le Niger et qui a fait beaucoup de sacrifices face au Burkina.
Cela nous a permis aussi de voir d’autres joueurs. Peut-être que ces absences ont un peu plus motivé les Etalons mais, c’est le fait que nous avons un groupe mentalement fort qui nous a permis de prendre le dessus.
Avec le Gabon, pensez-vous avoir les joueurs pour atteindre les objectifs qui vous ont été fixés?
Ce ne sera pas facile dans un premier temps pour la coupe du monde où nous disputons une place face à des équipes comme le Burkina, le Congo et le Niger ;
mais, nous avons la qualité pour y parvenir. Si je suis en possession de tous mes joueurs, nous mettrons en place un groupe fort et compétitif avec lequel nous ferons une bonne campagne dans ces éliminatoires de la coupe du monde.
Comment s’est passée votre séparation avec la Fédération burkinabè de football?
Mon départ du Burkina a été un véritable cirque. J’ai travaillé avec le soutien de la FBF, du ministère des Sports et des loisirs, de la presse et des supporters. J’ai réussi ce qu’aucun autre n’a fait en qualifiant le Burkina à deux CAN consécutives. Nous avons même été 4e au classement africain et 36e au niveau de la FIFA.
On a fait croire aux Burkinabè que mon départ était lié à notre échec à la CAN 2012 et que je suis un entraîeneur qui coûte cher. Mais, si nous avons fait une mauvaise CAN, c’était à cause du rôle que chacun a joué, de certaines erreurs pendant les matchs et non à cause de la qualité du travail et de la tactique de jeu.
Au-delà de tout cela, je regrette la façon dont on s’est séparé de moi puisque nulle part, je n’ai vu des dirigeants agir ainsi. Il faut aussi dire que j’étais l’entraîneur le moins cher de la dernière CAN.
Est-ce que cette façon de vous séparer n’était pas due au fait qu’à un certain moment, vous en faisiez à votre guise, en prenant des décisions sans consulter la fédération mais avec la caution du ministère des Sports en son temps ? Et même que vous aviez signé au Mans sans que l’instance du football national ne soit informée mais avec la caution du ministère des Sports?
Ce n’est pas vrai. Le président Zambendé Théodore Sawadogo était informé et avait accepté que je parte au Mans. J’ai beaucoup de respect pour la fédération mais à partir du moment où il y avait des gens qui ne voulaient pas travailler avec professionnalisme, j’ai adopté une autre attitude.
Lorsque je convoquais les joueurs, il n’y avait aucune réaction à la fédération, ni même pour l’organisation des matchs. J’ai constaté que ça ne bougeait pas et j’avais perdu confiance en la fédération. J’en ai parlé plusieurs fois au président Zambendé qui n’a pas fait changer les choses.
Comment les contacts se sont-ils passés pour que vous vous retrouvez au Gabon?
C’est mon agent qui m’a fait savoir que le Gabon s’intéressait à moi. J’ai posé des conditions et avec la Fédération gabonaise de football, le travail est différent puisqu’en plus d’être entraîneur de l’équipe A, je suis le directeur technique national avec pour objectifs la qualification à la CAN 2013 et à la coupe du monde 2014.
Gagnez-vous mieux au Gabon qu’au Burkina?
Ce n’est pas important, mais je gagne ce que le Gabon peut me payer.
Quel rôle joue l’ancien international burkinabè, Narcisse Yaméogo, que nous avons aperçu à vos côtés lors du match?
C’est mon adjoint. Narcisse Yaméogo pouvait jouer encore une à deux saisons. Mais après mon invitation, parce que c’est un grand monsieur du football, un leader et qu’il avait des ambitions de devenir entraîneur, il a accepté de travailler avec moi et dans sept ou huit ans, il sera un grand entraîneur d’équipes nationales.
C’est par l’entremise de Zico que je suis venu au Burkina
Est-ce que cela ne confirme pas les informations selon lesquelles votre venue au Burkina a été rendue possible grâce à des Etalons dont Narcisse Yaméogo?
Non, ce n’est pas vrai. C’est par l’entremise de Kassoum Ouédraogo, «Zico», que je suis venu au Burkina pour m’occuper des Etalons.
Que gardez-vous comme souvenir du Burkina?
Quatre années magnifiques, de sacrifices, de victoires et ce fut les meilleurs moments de ma vie. C’est un pays que j’aime et qui m’aime également avec un président extraordinaire qui aime le football et les Etalons.
C’est dans ce sens que j’ai adressé une correspondance au président du Faso parce qu’il a une part de responsabilité dans nos succès et ce fut un honneur pour moi de l’avoir connu.
Grâce à lui, j’ai été décoré ; malheureusement, je n’ai pas réussi à remporter une compétition majeure avec les Etalons mais, pour 18 matchs officiels, nous avons enregistré 14 victoires, 2 nuls et 2 défaites.
Serez-vous prêt à répondre présent si le Burkina vous faisait de nouveau appel pour reprendre l’équipe nationale?
Je suis actuellement au Gabon, mais je sais que je vais retourner un jour au Burkina. Si le Burkina m’invite et que je suis libre, je vais revenir parce que j’aime le pays. Je suis un entraîneur professionnel mais, la porte reste ouverte.
Pensez-vous déjà au match retour à Ouagadougou et imaginez-vous l’accueil qui vous y attend?
Ce sera difficile parce que je vais retourner dans le pays qui m’aime en tant qu’adversaire. Je pense au stade du 4-Août où nous avons enregistré des victoires avec un public qui m’aime et qui va ovationner son idole avec un hymne que j’avais l’habitude d’écouter. Mais, c’est le football ; je suis de l’autre camp et obligé de bien faire mon travail.
Qu’auriez-vous aimé dire que nous n’avons pas abordé?
J’ai deux familles. Il y a celle qui est constituée de mes parents et ma deuxième famille est burkinabè. Je ne le dis pas pour faire plaisir à qui que ce soit mais le Burkina est ma deuxième patrie. Je suis quelqu’un de spécial et dans mon cœur, il y a une petite fenêtre spéciale pour ce pays.
Mes enfants vont connaître le Burkina et je remercie ce pays pour ces quatre bonnes années passées ensemble. Dommage que nous n’ayons pas atteint un bon résultat à la CAN. Nous allons y parvenir un jour.
Antoine Battiono