Discorde sur la concorde?
Alors que l’on croyait revenue pour toujours la concorde en Côte d’Ivoire, on se rend étonnamment compte qu’il y a encore de l’eau dans le gaz. Le pays vit toujours un calme précaire et il suffit d’une moindre bisbille pour réveiller les vieux démons qui, en réalité, n’ont même pas encore eu le temps de fermer l’oeil.
En effet, pas plus tard que le 20 juillet dernier, pour venger la mort de quatre personnes tuées au cours d’un braquage violent, des centaines de jeunes ont attaqué et complètement détruit le camp de déplacés de Nahibly, à la sortie sud de la ville de Duékoué. Et comme bilan, on y dénombre treize morts sur le carreau, des dizaines de blessés et près de 5 000 déplacés. Oh que diantre ! On pouvait s’attendre à tout sauf à une telle animosité.
C’est la preuve, s’il en est, que la sécurité en Côte d’Ivoire demeure jusqu’à ce jour une vue de l’esprit, tant les rancoeurs sont encore tenaces et les abcès difficiles à crever. La braise est toujours incandescente si fait que la réconciliation que le président Alassane Ouattara appelle de tous ses voeux risque d’en prendre un coup. Surtout que Duékoué, rappelons-le, fait partie des villes qui ont souffert le martyre durant la sanglante guerre civile qu’a connue la Côte d’Ivoire et cela, du fait de son attachement au régime défunt de Laurent Gbagbo.
De pareilles violences, quoiqu’isolées, ne sont pas de nature à calmer les esprits ni à convaincre les exilés de retourner au pays au risque de se faire prendre dans une souricière. Il revient donc au président Ouattara de rassurer l’opinion en déployant un dispositif sécuritaire nécessaire pour protéger les civils, tout en diligentant une enquête pour situer les responsabilités sur les récents affrontements. Pas d’impunité ou d’immunité pour les fauteurs de troubles quelle que soit leur appartenance politique.
C’est la seule urgence du moment. Car, si revanche des pro-Gbagbo il devrait y avoir un jour, elle viendrait de l’Ouest de la Côte d’Ivoire qui, depuis le dénouement de la crise postélectorale, n’a pas encore fini avec ses remous sociaux. Chaque jour qui passe apporte son lot de surprises désagréables, tant et si bien que la paix et la cohésion sociales y sont constamment menacées.
Donc, plutôt que de passer le temps à se jeter la balle sur la responsabilité de l’attaque du camp, le gouvernement et les forces de l’ONUCI se doivent de conjuguer leurs efforts pour aller au secours des populations qui, à vrai dire, en ont maintenant ras-le-bol. En tout cas, il faudra tout faire pour que plus jamais aucune vie ne soit encore fauchée en Côte d’Ivoire pour une raison farfelue. Et cela passe nécessairement par l’instauration d’un véritable Etat de droit doté d’une justice forte et équitable.