Bolt le showman contre Blake le stakhanoviste?
Le choc sur 100 m entre le Jamaïcain Usain Bolt, triple champion olympique 2008, et son jeune compatriote Yohan Blake, également partenaire d’entraînement, est attendu comme le méga-événement planétaire des jeux Olympiques de Londres, avec la finale dimanche soir.
Depuis la démonstration époustouflante des Jeux de Pékin, où il avait aussi battu trois records du monde à 21 ans, affichant une domination insolente dans les épreuves individuelles (100/200 m), Bolt est une icône.
On l’attend autant pour ses prestations chronométriques que pour son cérémonial d’avant-course, un spectacle à lui tout seul. Le rituel est bien huilé: les bras dessinent l’éclair, les mains « brossent » la tête rasée court et le visage. Quand, enfin l’idole a pris place dans les starting-blocks, il y a ce signe de croix avec l’index droit pointé vers le ciel.
Bolt a finalement amplifié le « show », remodelé à sa personnalité, que les sprinters US avaient mis au point. Dans un monde où le spectacle est roi, cela a son importance médiatique. Blake, 22 ans, n’a pas cette facilité à communiquer et à se mettre en scène. Et le contraste est évidemment vendeur, autant que les différences morphologiques qui avantagent l’aîné du haut de son 1,93 m, contre 1,80 m tout en muscles pour Blake.
Il y a d’ailleurs du KO dans l’air, sur le style du match du siècle entre les poids lourds américains Mohamed Ali et George Foreman, le 30 octobre 1974 à Kinshasa.
L’opinion publique, des entraîneurs confirmés aux spectateurs, s’est rangée à une forte majorité pour Bolt ‘La Foudre’. Pour beaucoup, il est toujours le roi légitime, détenteur du record du monde (9.58) depuis le titre mondial de Berlin en 2009.
Une amnésie: le roi s’est fait éliminer pour faux départ en finale des Mondiaux 2011 à Daegu, où Blake n’a pas été un vainqueur quelconque. Face à un vent de 1,4 m/s et sur piste moyennement rapide, le plus jeune champion du monde de l’histoire avait signé un éloquent 9 sec 92, reléguant son second, l’Américain Walter Dix, à 16/100e.
Depuis, l’élève, surnommé ‘La Bête’ eu égard aux charges de travail encaissées à l’entraînement, a légitimé sa couronne mondiale en dominant le maître il y a cinq semaines lors des sélections nationales à Kingston. Déjà en finale du 100 m, avec la meilleure prestation mondiale de la saison (9.75). Puis en finale 200 m.
Ces accrocs ont confirmé que, s’il reste grand, Usain Bolt n’est plus sur le nuage de 2008 et 2009, miné par des problèmes au dos et une fragilité mentale au départ. Longtemps la question fut: avec quelle avance va-t-il gagner? A Londres, c’est: va-t-il gagner? Bolt est redevenu un humain.
A l’assurance affichée par Bolt à son arrivée dans la capitale britannique, Blake a répondu que « le ciel » était « ma seule limite ». Samedi, les deux hommes ont assuré, sans pour autant impressionner. Les Américains Gay, Gatlin et Bailey, très solides en séries, peuvent aussi créer la sensation.
Le 100 m ne sera pas une fin. Une revanche sera accordée sur la distance du 200 m. Et si les deux se partageaient la mise, avant de s’unir pour une médaille en commun dans le relais du tour de piste.