Camarade Camara!
L’écrivain guinéen, Camara Laye, longtemps réfugié et décédé à Dakar, est un éternel incompris, surtout avec son roman autobiographique «L’Enfant Noir» publié en 1953. Il lui a été très souvent reproché de n’avoir pas dénoncé la colonisation.
De Camara Laye, on retiendra «L’Enfant Noir», un des plus grands classiques de la littéraire africaine même si, soutient Coudy Kane, docteur ès lettres, critique littéraire, chef de la division transcription et rédaction de l’Assemblée Nationale, chercheur à l’Université Cheickh Anta Diop, observant qu’«il est contesté par certains de ses contemporains car, à leur avis, Camara Laye ne dénonçait pas la colonisation». Même elle convient que «L’enfant Noir» demeure à ce jour un roman d’une grande portée.
Selon elle, ce roman retrace le royaume d’enfance en plusieurs étapes et aussi le contact avec l’Europe de l’auteur qui y est parti pour poursuivre ses études. Dans les écrits, poursuit-elle, il y’a cette approche narrative qui consiste à idéaliser l’enfance africaine dans un pays colonisé. Les croyances et valeurs africaines y sont ressuscitées avec le totem, (le serpent), les rites initiatiques et autres.
Mais Camara Laye passe sous silence la colonisation au moment où les autres auteurs étaient engagés. Un reproche pas nécessairement justifiée, pense la critique, car «l’écrivain doit être libre dans sa pensée et il fallait que l’on sache comment était l’Afrique profonde du temps de la colonisation; ce qu’a essayé de montrer l’auteur». Malgré tout, ce roman est un grand classique de la littérature africaine et, plus tard, Camara Laye va publier «Le Regard du Roi» en 1954, pour traiter des mythes.
Et encore la critique lui retombe dessus, rappelle Mme Kane, car, pour beaucoup, le guinéen n’était pas l’auteur de ce roman. Des réprimandes qui remettent au goût du jour, encore une fois, cette vive contestation entre Camara Laye et les autres écrivains qui lui reprochent son manque d’engagement. C’est ainsi que son plus grand pourfendeur, le camerounais Mongo Béti, dans la dénonciation de ses oeuvres, dira: «Écrire sur l’Afrique noire, c’est prendre parti pour ou contre la colonisation».
Dans divers écrits et contributions, l’écrivain camerounais évoquera «le style d’écriture pittoresque» de Camara Laye. Et pourtant, aussi paradoxalement que cela puisse paraitre, Camara Laye s’engage politiquement après les indépendances.
Il publie «Dramous» (A dream of Africa), une production qui visait Sékou Touré et dans laquelle il utilise des subterfuges pour parler de l’homme fort de Conakry, rappelle la chef de la division transcription et rédaction de l’Assemblée Nationale.
Ce qui lui a valu quelques tracas avec un emprisonnement sommaire jusqu’à l’exil en Côte d’Ivoire puis au Sénégal où il a travaillé comme chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noir.
Son classique «L’Enfant Noir» a reçu le Prix de Charles Veillon en 1954.