Pillards de milliards!
Kweku Adoboli, un ancien trader d’UBS accusé de malversations ayant coûté 2,3 milliards USD à la banque suisse, a été reconnu coupable de fraude et condamné à 7 ans de prison par un tribunal londonien, mardi 20 novembre. Le jury l’a en revanche acquitté des chefs d’accusation de manipulation comptable qui pesaient sur lui.
L’accusation, qui l’a qualifié de « trader voyou », lui reprochait d’avoir dépassé les limites de courtage qui lui étaient fixées, en mettant sur pied des opérations fictives et en mentant à ses supérieurs pour chercher à faire progresser son bonus et ses perspectives de carrière.
Ayant plaidé non coupable, M. Adoboli, 32 ans, a affirmé au contraire durant son procès que ses supérieurs étaient au courant de ses activités et l’encourageaient à « repousser les limites ». Les agissements du trader avaient débuté en 2008 et duré jusqu’au moment de son arrestation, en pleine nuit, le 15 septembre 2011, dans son bureau de la City.
Visage rond et enfantin, toujours élégamment vêtu, le jeune financier d’origine ghanéenne a paru bouleversé plusieurs fois à l’audience, essuyant une larme quand il a appris que son père, ancien fonctionnaire des Nations unies à la retraite, était dans la salle pour le soutenir. Ou quand il a entendu les « évaluations brillantes » de lui faites un jour par un de ses supérieurs.
Son parcours avait, il est vrai, des allures de « success story », jusqu’à ce 14 septembre 2011 où, prétendant un rendez-vous chez le médecin, il a quitté son poste, laissant un mail à sa hiérarchie pour l’informer de ses pertes : une ardoise de 1,8 milliard d’euros pour la banque suisse.
Diplômé d’e-commerce et d’économie numérique, il décroche en 2002 un stage chez UBS, sésame qui lui ouvre les portes de l’établissement suisse. A l’époque, il ne « connaissait rien à la banque », comme il l’a raconté. Alors il a « travaillé très dur », grimpant les échelons jusqu’à se retrouver en 2006 au département ETF (Exchange Traded Funds) au sein de la division banque d’investissement.
Il est devenu responsable d’un portefeuille de 50 milliards de dollars, avec un seul collègue pour l’épauler, tandis que la crise se déchaînait sur les marchés. C’était « fou » d’avoir une telle responsabilité avec si peu d’expérience, a-t-il reconnu. « La moindre petite faute et c’était une perte énorme ».
Le trader passait « 15 heures par jour » à son travail et parfois davantage. Il se levait « à 3 heures du matin » pour suivre l’évolution des marchés, dormant même certaines fois sous son bureau car « à cette époque, il était impossible de quitter son desk ». S’il travaillait beaucoup, il gagnait gros, comme beaucoup des trentenaires qui forment les bataillons de la City. Son bonus annuel est passé de 15 000 livres en 2008 à 95 000 en 2009 et 250 000 en 2010 (318 000 euros).
Mais la machine s’est emballée à partir de 2008. Selon l’accusation, il voulait « faire progresser son bonus, son statut au sein de la banque, ses perspectives de carrière et bien sûr son ego », devenir une « star chez les traders ». C’est « un menteur convaincant », un « courtier véreux » qui « s’est pris pour Dieu », a martelé le procureur. « J’ai perdu le contrôle », « je ne suis pas un trader voyou », « UBS était ma famille, et tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour cette banque », a clamé le jeune homme aux jurés.