Enfin la fin de l’apartheid électoral des Camerounais de l’Extérieur.
Les Camerounais résidant à l’étranger peuvent désormais voter lors des élections présidentielles. Une nouvelle loi a été votée par le Parlement et promulguée par le président de la République. C’est une satisfaction globale, mais pour les concernés le gouvernement peut mieux faire.
Jusqu’ici, les Camerounais vivant à l’étranger n’avaient pas le droit de vote. S’ils voulaient voter, ils devaient revenir au Cameroun. Cette situation relève désormais du passé. Après le vote du Parlement, le président Paul Biya a promulgué le 13 juillet une loi accordant le droit de vote aux Camerounais établis ou résidant à l’étranger. Du moins lors des présidentielles et des référendums.
Parmi les Camerounais résidant à l’étranger, certains expriment leur soulagement.
« L’apartheid électoral a pris fin au Cameroun. La forteresse du déni de citoyenneté du fait de la résidence est tombée. L’arrivée de la diaspora dans le processus électoral est un acte politique majeur. La légitimé du prochain élu à la présidence de la République en sera fortifiée« , se félicite Pierre Mila Assouté.
Même satisfaction chez Macaire Lemdja , qui précise toutefois que c’est « un premier pas timide vers la satisfaction des revendications de cette frange de la communauté nationale« , puisque selon lui, cette loi « en appelle d’autres« .
Pour d’autre Camerounais de la diaspora, la nouvelle loi a « un goût d’inachevé« .
Le CODE (Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora), un collectif des Camerounais vivant en Europe, émet quelques réserves, craignant que les Camerounais de l’étranger ne puissent voter en octobre prochain, lors de la présidentielle, en raison des délais trop courts.
« Le droit de vote accordé à la diaspora ne pourra pas avoir une traduction matérielle d’ici octobre 2011« , indique le CODE. Il sera en effet difficile pour les autorités de réunir toutes les dispositions nécessaires.
Le chef de l’Etat Paul Biya n’a d’ailleurs pas encore signé les textes réglementaires qui, selon la loi, « précisent les modalités d’application de la présente loi« .
Autre critique: les Camerounais ayant la double nationalité ne pourront pas voter. En effet, pour bénéficier de divers avantages, bien des Camerounais ont pris la nationalité de leurs pays d’accueil. Or, le Cameroun ne reconnaît pas la double nationalité.
« Les 90% des compatriotes vivant à l’étranger ont la double nationalité. Ce qui les exclut d’office de l’exercice du vote concédé« , indique le CODE. D’autres vivent sans papiers. Selon Jean Blaise Gweth, un Camerounais vivant en France, seuls 10 % de ses compatriotes pourront donc jouir de ce nouveau droit.
Par ailleurs, la disposition de la loi selon laquelle « des bureaux de vote sont créés au niveau des représentations diplomatiques et des postes consulaires, sur proposition du gouvernement » suscite également des critiques.
Pour les pourfendeurs de cette disposition, la création de ces bureaux de vote permettra au gouvernement d’avoir la main mise sur le processus mais aussi d’écarter les compatriotes de l’étranger n’ayant pas les moyens de se déplacer pour les ambassades et consulats.
« Certains parmi nous doivent parcourir de longues distances. Je ne vois pas un Camerounais partir de Strasbourg, de la Côte d’Azur pour aller voter à Paris ou à Marseille alors qu’il n’arrive même pas à trouver 10 euros par semaine pour s’acheter à manger« , affirme Jean Blaise Gweth, qui craint par ailleurs que certaines personnalités politiques camerounaises ne profitent de la situation précaire de leurs compatriotes pour acheter leurs voix.
Non satisfaits, les Camerounais de la diaspora revendiquent aussi « la reconnaissance de la double nationalité par la Constitution ainsi que la possibilité d’élire des députés ou des sénateurs de la diaspora au Parlement et au Sénat camerounais« , comme le dit Brice Nitcheu, le président du CODE.
C’est lors de sa visite officielle en France en juillet 2009 que le président camerounais Paul Biya s’était engagé à tout mettre en oeuvre pour légiférer le vote des Camerounais de l’étranger et la reconnaissance de la double nationalité.
Norbert Ngouma