« Jammeh » dire jamais!
Lundi 18 février, la Gambie fêtait le 48e anniversaire de son accession à la souveraineté nationale et internationale. C’est à cette date historique que la quasi-enclave du Sénégal s’est défaite de la férule humiliante du colonisateur pour se constituer en Etat indépendant.
48 ans de souveraineté, ça se fête, dira-t-on. D’ailleurs, depuis l’apparition des soleils des indépendances, ces évènements offrent toujours l’occasion aux chefs d’Etat africains de tester leur cote de popularité auprès de leurs homologues. Pour la circonstance, l’on fait souvent feu de tous bois pour «glaner» le maximum de têtes couronnées, histoire de mieux exulter. Mais Banjul aura donné à voir un spectacle sans éclat, à la limite terne et insipide.
Comme à ses habitudes, Yahya Jammeh aurait jubilé en solo si Macky Sall, président du Sénégal, n’avait pas honoré de sa présence cette cérémonie commémorative. Il se serait encore contenté de la timide présence de ministres que lui auront envoyés ses homologues africains. En réalité, c’est à cette unique occasion que Jammeh sent la solitude et le vide infini qu’il a construits autour de lui en faisant de son pays une tour d’ivoire où il s’est hermétiquement enfermé depuis sa prise du pouvoir en 1994.
Mais à la vérité, Sall même n’a pas fait le déplacement de Banjul à cause des beaux yeux de Jammeh. Au fait, l’axe Dakar-Banjul se porte mal. Il se porte d’autant plus mal que Dakar pointe un doigt accusateur sur Banjul, la taxant d’abriter les rebelles casamançais qui menacent sans cesse sa stabilité.
Sous Wade, il y a moins d’un an, le courant entre les deux Etats avait court-circuité. Macky Sall a dû être sonné par les exécutions, en septembre dernier, de ses compatriotes en Gambie. L’on se souvient encore que c’est Jammeh himself qui avait donné l’ordre à sa justice à la solde, de passer au poteau ces condamnés à mort malgré les cris de désapprobation qui fusaient de son voisin sénégalais. Et Sall effectue ce voyage dans ce pays au moment où d’autres Sénégalais attendent encore dans le couloir de la mort gambien.
On imagine que ce n’est ni le moment, ni l’occasion pour les deux présidents d’aborder des questions qui fâchent. Certes, on peut comprendre la société civile sénégalaise qui, en voulant jouer le rôle qu’on lui connaît, s’agitait encore, à quelques heures du départ de Sall en Gambie. Elle lui enjoignait de surtout interpeller son homologue gambien sur le sort de ses compatriotes.
Mais le président sénégalais ne risquerait sans doute pas de gâcher la fête en abordant des questions de droits de l’Homme avec un Jammeh qui n’y croit pas et en fait son souci cadet. A tout le moins, ce voyage de Macky Sall à Banjul, qui est la deuxième d’ailleurs après son arrivée au pouvoir, sonne comme un début de décrispation des relations entre les deux Etats.
Ce voyage vise sans doute à dégager l’horizon, pour des discussion ultérieures plus sereines et profondes. Le dégel entre Banjul et Dakar est indispensable à la paix en Casamance.