Via Crucis!
Le pape François a présidé, vendredi 29 mars soir, son premier Chemin de croix au Colisée, priant avec les milliers de fidèles pour l’Orient en guerre et contre l’avortement et l’euthanasie.
Au lendemain d’une cérémonie inédite du Jeudi Saint dans une prison pour mineurs de Rome, où il avait lavé les pieds de deux musulmans et de deux femmes, le pape âgé 76 ans, portant un long manteau blanc, a suivi avec concentration dans la nuit les méditations du Chemin de croix et ses 14 stations.
Il n’a pas porté la croix lui-même. Il s’était installé comme son prédécesseur Benoît XVI sur une terrasse du Palatin, sous un dais rouge, dominant le célèbre amphithéâtre où des milliers de chrétiens avaient été martyrisés aux premiers siècles.
A l’arrière-plan, une grande croix sur laquelle des torches étaient allumées illuminait la nuit profonde. Une foule dense de quinze mille personnes environ, dont beaucoup portaient des lumignons, était très recueillie au cours de la commémoration de la montée de Jésus au Golgotha.
Des séminaristes chinois, des familles italiennes, des religieuses du Liban et du Nigeria, des jeunes du Brésil –où se dérouleront les prochaines Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) fin juillet en présence du pape François– ont porté la croix sur le parcours autour du Colisée.
Les méditations ont mis l’accent sur les guerres au Moyen-Orient, sans citer nommément le conflit syrien : « Que le sang des victimes innocentes soit la semence d’un Orient plus fraternel » qui redevienne « berceau des civilisations ».
Leur rédaction avait été confiée à deux jeunes Libanais par le cardinal maronite Bechara Boutros Raï, selon le souhait du pape Benoît XVI.
François a rappelé le voyage de son prédécesseur au Liban en septembre, rendant hommage aux musulmans : « nous avons vu alors la beauté et la force de la communion des chrétiens de cette terre et de l’amitié de tant de nos frères musulmans et de beaucoup d’autres ».
Un chant des chrétiens maronites en arabe accompagnait la cérémonie. Les fidèles du Moyen-Orient vivent une coexistence parfois difficile avec les musulmans, la montée de l’islamisme, le départ de nombre d’entre eux vers l’Occident.
Les textes des deux jeunes Libanais ont plaidé en faveur des « Eglises orientales -en proie à diverses difficultés« , parfois même à « la persécution ».
Les méditations ont aussi porté sur les menaces dans les pays occidentaux, que selon l’Eglise, constituent : l’avortement, l’euthanasie, les manipulations génétiques : « prions pour tous ceux qui promeuvent l’avortement. Pensons aussi aux défenseurs de l’euthanasie et à ceux qui encouragent des techniques et des procédés qui mettent en danger la vie humaine ».
Elles ont renvoyé dos à dos « fondamentalisme violent » et « laïcisme aveugle qui étouffe les valeurs de la foi et de la morale au nom d’une supposée défense de l’homme ».
Le pape François a clos de quelques mots simples cette cérémonie qui s’est déroulée dans un profond recueillement : « En cette nuit une seule parole doit demeurer, c’est la Croix elle-même. La Croix de Jésus est la Parole par laquelle Dieu a répondu au mal du monde« .
Parfois, a relevé le pape jésuite, « il nous semble que Dieu ne répond pas au mal, qu’il demeure silencieux. En réalité, Sa réponse est la Croix du Christ : une Parole qui est amour, miséricorde, pardon. Les chrétiens doivent répondre au mal par le bien« , a-t-il recommandé.
Auparavant, au cours de la célébration de la Passion, sous les marbres de la basilique Saint-Pierre, le prédicateur de la Maison pontificale, le père capucin Raniero Cantalamessa, avait appelé François, 266ème pontife de l’Eglise catholique, à « la faire revenir à la simplicité », à la réformer.
« Au fil des siècles, pour s’adapter aux exigences du moment, les vieux édifices se sont remplis de cloisons, d’escaliers, de salles« . Désormais, les « adaptations » qui se sont succédé « ne répondent plus aux exigences. Il faut avoir le courage d’abattre tout cela« , a-t-il dit, en écho à ceux qui réclament une réforme de l’Eglise éclaboussée par des scandales.
Il a énuméré les obstacles : « l’excès de bureaucratie, les vestiges d’apparats, les lois et controverses dépassées« .
Le marathon pascal devrait se poursuivre samedi et dimanche. Seul changement de taille annoncé : François a voulu que plusieurs lectures et processions soient raccourcies.
« Cela répond au désir de simplicité du pape« , a dit le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi.
La passion du Christ a été célébrée un peu partout dans le monde, notamment aux Philippines où des catholiques ont été provisoirement cloués sur des croix ou se sont flagellés, formes de dévotion réprouvées par l’Eglise du pays.
A Jérusalem, des dizaines de milliers de pèlerins ont parcouru la Vieille ville sous la surveillance de la police israélienne, en parcourant la célèbre Via Dolorosa.