Pigeon voyageur pris au… vol?
La police a interpelé Francis Dooh Collins, mardi 7 mai à l’aéroport de Nsimalen, en possession d’un passeport français et l’a relâché mercredi.
Francis Dooh Collins est à nouveau en liberté. Il sort tout juste d’une brève période de détention dans les locaux de la direction de la Police judiciaire, qui a duré près de 24 heures, de mardi à mercredi. Il a été libéré, sur ordre du directeur de la Police judiciaire.Il a été interpellé dans la nuit de mardi 7 mai dernier à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen, au moment où il s’apprêtait à prendre place dans un vol.
La vigilance des policiers du commissariat de l’aéroport a empêché ce voyage. Concernant le document de transport utilisé pour essayer de quitter le Cameroun, que Francis Dooh Collins était détenteur d’un passeport français récent (renouvelé?) et daté de février 2013 à Paris. On ignore pour l’instant les circonstances de sa remise en liberté tout comme rien n’est encore clair sur les motifs réels de sa brève interpellation. On ignore notamment si son passeport français lui a été restitué.
Francis Dooh Collins est actuellement sous le coup d’une interdiction de sortie du Cameroun décidée par le parquet. Et il aurait tenté de braver cette interdiction grâce à l’utilisation d’un passeport français.
Qui est ce Francis Dooh Collins? Francis Dooh Collins est membre d’une fratrie bien connue au Cameroun et dont les illustres frères sont le député Rdpc de la circonscription du Wouri, Albert Dooh Collins, et le très renommé publicitaire Georges Dooh Collins. Mais il est surtout connu pour avoir accompagné le Vice-Premier ministre Amadou Ali, du temps où celui-ci officiait comme ministre de la Justice, chargé de la lutte contre les détournements de deniers publics.
Francis Dooh Collins aurait, en ce temps-là, fourni des prestations de services toutes particulières, notamment des recherches d’informations sur les comptes bancaires à l’étranger de hautes personnalités de la République. C’est d’ailleurs l’effectivité ou non de ces prestations de services qui sont à l’origine de ses ennuis judiciaires.
Tout est parti d’un câble de Wikileaks indiquant que Amadou Ali aurait confié à M. Dooh Collins de fortes sommes d’argent, environ 800 millions FCfa, afin de mettre la main sur les fonds détournés et placés à l’étranger par de hauts dignitaires du pays, emprisonnés pour la plupart. Le même câble laissait croire cependant que lesdits fonds n’auraient pas été utilisés pour ladite mission, pressentant une prestation de services fictive.
La presse a d’ailleurs récemment révélé toute la difficulté du procureur général près le Tribunal criminel spécial, Emile Zéphirin Nsoga, à obtenir, sur procès-verbal, les explications de M. Dooh Collins sur cette rocambolesque affaire.
«Si M. Dooh Collins a été libéré 24 heures après son interpellation à l’aéroport, c’est certainement parce que l’enquête sur l’affaire des 800 millions CFA n’est pas encore bouclée et rien ne permet pour l’instant de le garder», indique une source.
Après avoir tenté de s’enfuir, certaines sources indiquent que l’expert-comptable devait etre entendu au Tribunal criminel spécial.
Pour de nombreux observateurs, les jours de Françis Dooh Collins en liberté sont désormais comptés. D’après de nombreuses sources, «l’expert comptable » a été refoulé de l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen la semaine dernière alors qu’il s’apprêtait à embarquer à bord d’un vol Air-France à destination de Paris. Pour la circonstance, il utilisait un passeport français. Son passeport camerounais, lui ayant été retiré, d’après certaines sources, il y a plus d’un mois à l’aéroport de Douala, alors qu’il s’apprêtait également à embarquer à destination de Paris où se trouve son cabinet.
Il a passé la nuit de mardi à mercredi dans les locaux de la police judicaire avant d’être finalement libéré. D’autres sources indiquent « qu’il a de fortes chances d’être entendu par le procureur du tribunal criminel spécial cette semaine».
Dooh Collins, a-t-il tenté de s’enfuir ? On serait tenter d’y penser car depuis ces dernières semaines, l’étau semble s’être refermé sur celui qui est régulièrement présenté comme un protégé d’Amadou Ali, ancien ministre de la Justice. Le texte signé par le chef de l’Etat le 3 mai dernier en est certainement pour beaucoup. Car une rivalité peu ordinaire a pu être observée ces dernières semaines entre le procureur près du tribunal criminel spécial, Emile Zephirin Ntsoga et le directeur général à la Sûreté nationale, Martin Mbarga Nguelé. Le premier demandant au second de faire entendre Françis Dooh Collins.
Le chef de l’Etat Paul Biya a signé un décret portant création, organisation et fonctionnement du corps spécialisé d’officiers de police judiciaire (Opj) du tribunal criminel spécial (Tcs) dont la compétence est nationale. Ces Opj, comme on les appelle vulgairement, sont placés directement sous la direction et le contrôle du procureur général près le tribunal criminel spécial. D’après l’article 3 du texte, les Opj ont pour mission : « de diligenter les enquêtes relatives aux infractions de détournement de biens publics et infractions connexes lorsque le préjudice est d’un montant minimum de cinquante millions Fcfa (50 000 000 Fcfa) ». Ils se doivent par ailleurs, « d’exécuter les mandats de justice et les commissions rogatoires relevant de la compétence du tribunal criminel spécial ».
Ainsi Françis Dooh Collins va devoir s’expliquer devant les autorités judiciaires sur la manière dont il a géré les 880 millions de Fcfa que lui a remis l’ex-ministre de la Justice, Amadou Ali, pour traquer les présumés comptes des hauts commis de l’Etat à l’étranger. A la suite du rejet de cette liste par de nombreuses personnalités, un câble de wikileaks datant de 2009 est venu indiqué que les Américains ont sérieusement émis des réserves sur les compétences de Dooh Collins à mener de telles investigations.
«Dooh Collins a déclaré que les fonds étaient nécessaires pour assurer la coopération des gouvernements étrangers et d’autres partenaires dans l’enquête. Il a commencé par expliquer que les fonds ont été utilisés pour «attirer» l’intelligence française et suisse de fournir des renseignements pertinents parce qu’ils étaient occupés ailleurs et ne s’intéressent pas à aider le Cameroun. Il a poursuivi en indiquant qu’il a également fourni des fonds à l’intelligence Royaume-Uni en vue d’obtenir leur aide et a terminé son explication en affirmant qu’il utilisait les fonds pour subventionner le voyage et le travail accompli par le secrétaire général adjoint, en particulier au ministère de la sécurité intérieure aux Etats-Unis pour deux agents de la place pour se consacrer au dossier du Cameroun et de subventionner leur voyage».
Après vérification, les américains découvrent que Dooh Collins n’a jamais pris contact, ni avec un cabinet américain, encore moins avec des officiels. Qu’a-t-il donc fait de l’argent? C’est la question que les autorités judicaires camerounaise devront éclaircir.