En fin de… conte?
Il y a très longtemps, les grands-mères racontaient des histoires à leurs petits-enfants pour les aider à dormir et surtout pour participer à leur éducation en transmettant des valeurs véhiculées par ces histoires mais cette pratique va inexorablement vers la disparition à cause du nouveau mode de vie.
Vecteur de transmission du patrimoine immatériel oral, le conte ne doit sa «survie» à Oran qu’au travail acharné de certaines associations – dont le Petit Lecteur qui s’entête à organiser chaque année le Festival du conte – et la volonté des organismes culturels étrangers – en l’occurrence les instituts Français et Cervantès – de contribuer à la sauvegarde de ce genre littéraire.
C’est ainsi que depuis 7 années, au mois de mars, le Petit Lecteur – qui soutient que «l’art du conte a pour but de rassembler, de contribuer à la transmission, à l’enrichissement du patrimoine immatériel oral, narratif et littéraire d’une société» – réussit à rassembler un large public autour de conteurs, désormais venus d’Afrique et de nombreux pays du pourtour méditerranéen, pour des soirées dédiées au conte; ce que, jadis, l’art de la narration en moins, beaucoup d’Algériens pouvaient vivre chez eux, à la maison, grâce aux grands-mères dont la mémoire préservait presque intactes les fables et récits reçues des aïeux: «Malheureusement, ces soirées ont presque totalement disparu et, de plus en plus, l’être humain a tendance à s’isoler avec son smartphone ou sa tablette. L’ère du partage et de l’échange réel est révolue», constate un enseignant universitaire avec beaucoup de regrets.
Organisées au théâtre régional, au conservatoire, dans les établissements scolaires ou en plein air, sur des sites historiques, ces séances de lecture attirent naturellement de plus en plus de monde à mesure que les années passent et, pendant les trois jours du festival, les imaginations s’affranchissent des contraintes de la vie moderne pour aller à la rencontre des légendes du monde.
Et il arrive même parfois que le «miracle» s’accomplisse dans une langue autre que l’arabe ou le français : en espagnol, par exemple, comme à l’occasion de l’édition de cette année qui a vu l’Institut Cervantès organiser deux sessions de conte destinées aux adultes et aux enfants, avec l’objectif annoncé de partager la culture espagnole.
Cette dernière édition 2013, qui a vu la participation de conteurs venus de plusieurs régions du pays et de l’étranger (comme le Liban, l’Espagne, la France, le Burkina Faso, le Congo… ), a été clôturée au jardin Ibn Badis (ex-Promenade de Létang) par une balade littéraire à l’initiative de l’association de protection du patrimoine Bel Horizon: «Cette manifestation annuelle permet de préserver un peu le conte et le sauver de la mort certaine qui le guette», estiment de nombreux et fidèles participants au Festival du conte.
Il est vrai que l’indifférence des pouvoirs publics au sort réservé aux librairies, la rareté – et la cherté – des livres de conte proposés par les quelques librairies qui existent toujours et la tendance naturelle à aller vers les nouvelles technologies, ne sont pas de nature à sauvegarder ce genre littéraire dont il a été démontré qu’il contribue à la construction des identités collective et individuelle.