Les reproches des proches!
En France s’est ouvert depuis quelques jours, le procès des militaires accusés d’assassinat du « coupeur de route », Firmin Mahé. Les militaires français jugés à Paris pour l’avoir tué n’ont aucun doute, Firmin Mahé était un criminel, un « coupeur de route ». Mais les proches de la victime sont venus d’Abidjan pour affirmer, lundi 3 décembre, devant la cour d’assises qu’ils avaient éliminé un innocent.
« Mahé, c’est un parent à moi, il venait faire des travaux de plomberie chez moi, ce n’est pas un coupeur de route. C’est un mensonge« , a déclaré Madeleine Monahin, 62 ans, appelée à la barre en tant que témoin.
Pasteur, elle s’occupe du fils de Firmin Mahé, qui a 8 ans et n’est pas venu parce qu’il est à l’école, a-t-elle dit.
Quatre militaires français, anciens membres de la force Licorne en Côte d’Ivoire, sont jugés depuis le 27 novembre pour le meurtre de Firmin Mahé, étouffé le 13 mai 2005 avec un sac plastique alors que, blessé à la jambe, il était transporté dans un véhicule blindé entre Bangolo et Man, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire.
Depuis le début du procès, les accusés, qui disent avoir agi sur ordre, et plusieurs militaires cités comme témoins, ont affirmé leur certitude quant aux activités de la victime.
Pour eux, Mahé était un chef de bande de coupeurs de route, dépouillant les voyageurs et semant la terreur dans la zone tampon, dite « zone de confiance », instituée entre le nord du pays tenu par la rébellion et le sud loyaliste.
Selon les militaires, les autorités de son village auraient même refusé de récupérer son corps, tant il avait déshonoré les siens. Autre preuve qu’ils avaient bien ciblé le « bon » Mahé, les exactions se sont arrêtées après sa mort.
La famille, elle, estime qu’il y a eu confusion entre Firmin Mahé et un homonyme, Nestor Mahé, qui se faisait appeler « Zas » et a été arrêté à la même époque.
L’enquête française avait toutefois estimé que ces affirmations ne résistaient guère à l’analyse, ce que des proches de Mahé comptaient contester encore une fois à l’audience.
Depuis le début du procès, la famille était bloquée en Côte d’Ivoire par des problèmes de passeports et de visas.
Mais outre Madeleine Monahin, une ancienne compagne de la victime, un frère et un cousin sont finalement arrivés à Paris et devaient être entendus en fin de journée par la cour d’assises comme parties civiles.
Tous trois, visages graves, emmitouflés dans des anoraks, sont entrés dans la salle d’audience peu avant midi et ont pris place à la gauche des accusés, assis eux les uns derrière les autres, par grade décroissant.
Au premier rang, le colonel Eric Burgaud, qui a reconnu avoir transmis l’ordre que Mahé n’arrive pas vivant à destination. Derrière, l’adjudant-chef Guy Raugel, qui a étouffé Mahé, le brigadier-chef Johannes Schnier, qui maintenait la victime, et le brigadier Lianrifou Ben Youssouf, qui conduisait le véhicule.
L’audience avait repris lundi avec le témoignage du lieutenant-colonel Arnaud le Secretain du Patis, chef d’escadron à l’époque des faits.
« Dans le métier qui est le mien, on ne se réjouit jamais de la mort d’un homme, fût-il un ennemi. En revanche, ce qui est factuel, c’est que cet événement a ramené la paix » dans la zone de confiance, a-t-il déclaré.
« Aussi illégale que soit la mort de Firmin Mahé, est-il possible qu’elle ait été légitime?« , lui a demandé Alexis Gublin, avocat du colonel Burgaud. « Cette question occupe la pensée militaire depuis le début de cette affaire, la réponse n’est vraiment pas simple… »
Le témoignage très attendu du général Henri Poncet, qui commandait la force Licorne en 2005, est prévu mardi après-midi. Eric Burgaud dit avoir tenu de lui l’ordre implicite de tuer Firmin Mahé, ce que le général a toujours nié.
(Photo: Me Fabien Ndoumou, avocat de la famille de Firmin Mahé, devant la cour d’assises au palais de justice à Paris, le 27 novembre 2012)