Le rêve est… « en train » de se réaliser?
Lancé le 7 avril 2014 à Niamey par le chef de l’Etat nigérien, Issoufou Mahamadou, en présence de ses homologues du Bénin et du Togo, le projet du chemin de fer dit de la «Boucle ferroviaire» devant relier Cotonou-Parakou-Dosso-Niamey-Ouagadougou-Abidjan est en train de prendre forme.
Lancé le 7 avril 2014 à Niamey par le chef de l’Etat nigérien, Issoufou Mahamadou, en présence de ses homologues du Bénin et du Togo, le projet du chemin de fer dit de la «Boucle ferroviaire» devant relier Cotonou-Parakou-Dosso-Niamey-Ouagadougou-Abidjan est en train de prendre forme. Le premier mémorandum pour sa mise en œuvre avait été signé à Cotonou le 07 novembre 2013, entre le Bénin, le Niger et le Groupe Bolloré en sa qualité de partenaire stratégique technique et financier. Les dispositions du mémorandum d’entente portent sur la réhabilitation, la construction et l’exploitation de la ligne ferroviaire Cotonou-Parakou-Niamey.
Les chefs d’Etat du Niger et du Bénin ont décidé de confier la réalisation du rail à une société multinationale au capital social de 70 milliards CFA, réparti comme suit : 10% pour l’Etat béninois, 10% pour l’Etat nigérien, 20% pour le secteur privé béninois 20% et 20% pour le privé nigérien. Quant au partenaire stratégique représenté par le Groupe Bolloré, il conserve les 40% du capital.
Le projet titanesque de ce rail intégrateur devra nécessiter des investissements lourds, de l’ordre de 1 000 milliards de francs CFA. Ce qui explique le déplacement à Niamey de Vincent Bolloré, président-directeur général du groupe du même nom, au lancement des travaux. L’homme d’affaires français s’est engagé à réunir sans délais les fonds nécessaires et à assurer le portage des actions non libérées.
Fruit d’une longue réflexion sous-régionale, la «Boucle ferroviaire» se décompose en deux parties, à savoir la liaison Cotonou-Parakou-Dosso-Niamey et la liaison Niamey-Kaya-Ouagadougou- Abidjan. Elle s’étend sur 2 970 km dont 1 176 km de construction neuve et 1794 km de réseau à réhabiliter.
Une croissance régionale forte et durable
La réalisation de cette liaison ferroviaire devra contribuer à la création des conditions d’une croissance économique régionale forte et durable grâce au renforcement de l’intégration régionale, selon le ministre d’Etat nigérien du Plan, du Développement communautaire et de l’aménagement du territoire, M. Amadou Boubacar Cissé.
En effet, les récentes découvertes de gisements miniers dans les pays de la région, les contraintes de l’approvisionnement en produits de première nécessité et la volatilité des prix internationaux ont imposé le caractère «stratégique, nécessaire et urgent de ce projet », indique-t-on à Niamey où on se plait à souligner qu’il permettra notamment la réduction des coûts des transports et de l’entretien routier, ainsi que la sécurité des importations et des exportations par la diversification des corridors, tout en favorisant l’exploitation des ressources minières.
«C’est sans doute l’une des réalisations les plus structurantes des économies ouest-africaines depuis la disparition de la compagnie multinationale Air Afrique», insiste un spécialiste du transport, dans la capitale nigérienne.
Le président nigérien, Issoufou Mahamadou, qui en a fait un point d’honneur, vient de passer à la vitesse supérieure.
Son ambitieux Programme de Renaissance du Niger, lancé il y a trois ans, qui consacre le secteur des infrastructures et de l’énergie comme priorité stratégique et qui va porter l’émergence du Niger à l’horizon 2017, prend forme.
Depuis la période coloniale, différents gouvernements nigériens ont eu à cœur de le concrétiser dans l’optique de désenclaver le pays, mais de guerre lasse, le rêve d’une liaison ferroviaire Cotonou-Niamey, s’était arrêté finalement à Parakou depuis 1936.
En 1961, le Dahomey (ex-Bénin) et le Niger soumettent une requête auprès de la Communauté économique européenne (actuelle Union européenne) pour le prolongement de la ligne jusqu’à Dosso, au Niger. L’initiative fait long feu en raison des conclusions pessimistes sur la rentabilité du projet émises par un cabinet d’experts.
En février 1979, les deux Etats relancent l’initiative. Le bureau d’études français BCEOM, à qui est confiée l’investigation, conclut un an plus tard dans son rapport que le Projet est techniquement réalisable, économiquement rentable et financièrement viable.
Nouvelle dynamique
Aussi, dès son accession à la magistrature suprême en avril 2011, le président Issoufou Mahamadou impulse une nouvelle dynamique au projet, dès lors inscrit en bonne place dans le Programme de Renaissance du Niger dont il est porteur.
Des missions de haut niveau sont conduites par le Premier ministre, Brigi Rafini, auprès des pays membres du Conseil de l’Entente et des partenaires techniques et financiers. Elles permettent l’adoption d’une démarche régionale concertée et la mise en place d’un comité de pilotage et d’un secrétariat permanent.
Très vite, les conditions se mettent en place et dès le 29 novembre 2011 se tient à Niamey une table ronde pour le financement du rail.
Le 17 octobre 2013, en marge d’une réunion statutaire de la Conférence des chefs d’Etat des pays membres de l’OHADA, à Ouagadougou, au Burkina Faso, les présidents des pays membres du Conseil de l’Entente discutent largement du projet.
Ils rencontrent les deux grands opérateurs, en l’occurrence Bolloré et Frank Timis, qui se proposent de réaliser les différents axes de la ligne de chemin de fer.
Le 7 novembre 2013 à Cotonou, le Niger et le Bénin signent un protocole d’Entente pour la réalisation de la ligne ferroviaire reliant Cotonou et Niamey.
Les deux pays concluent avec un partenaire stratégique, le Groupe BOLLORE, l’accord de construction du chemin de fer Cotonou-Dosso-Niamey.
Un mois après, le 17 décembre à Niamey, la réalisation de la boucle ferroviaire est au menu des discussions lors de la Conférence des présidents des pays membres du Conseil de l’Entente.
Le 7 avril 2014 à Niamey, le rêve devient réalité. Les Nigériens qui ont attendu près de 80 ans peuvent enfin voir et siffler le train avec l’inauguration de la gare ferroviaire.
La cérémonie, organisée en grande pompe, a vu la participation des présidents béninois, Yayi Boni, togolais, Faure Gnassingbé et de représentants des présidents nigerian, ivoirien et burkinabé.
Les présidents du Niger et du Bénin, Mahamadou Issoufou et Thomas Boni Yayi, accompagnés de leur homologue togolais Faure Gnassingbé, ont roulé sur un demi-kilomètre de rails posés pour l’occasion dans le prototype d’un wagon de passagers, sous les regards amusés de la foule.
« Cela fait presque 80 ans que nous attendons le train! », a jubilé le président Issoufou. Et d’ironiser: « Nous avons fini par retrouver (celui) qui s’est égaré depuis 1936. »
Les chemins de fer construits à l’époque coloniale française n’ont en effet jamais abouti au Niger, comme c’était pourtant prévu.
Au sud, la voie ferrée s’est arrêtée en 1936 à Parakou (Bénin), à mi-chemin entre Niamey et Cotonou. A l’ouest, la Régie de chemin de fer Abidjan-Niger a eu Ouagadougou pour terminus, à 500 km de la capitale nigérienne, tout comme la ligne Dakar-Niger devait s’arrêter à Bamako, au Mali, à près de 1 000 km de là.
Événement historique
«La cérémonie qui nous rassemble aujourd’hui constitue un évènement historique majeur parce qu’elle symbolise le début de la réalisation d’un rêve, celui de voir notre pays, si fortement enclavé, relié à la mer par chemin de fer dont l’aventure, démarrée au début du 20ème siècle dans notre sous-région, a été interrompue, pour ce qui concerne le tronçon Dahomey-Niger, en 1936, il y’a de cela 78 ans, à Parakou, dans l’actuel Benin», a indiqué dans un discours de lancement des travaux le Président Issoufou Mahamadou.
«Aujourd’hui, a poursuivi le Chef de l’Etat nigérien, à l’image de nos voyageurs, nous reprenons la marche et nous avons décidé d’accélérer le pas.»
«C’est un moment très important parce que les habitants du Niger attendent depuis plus de soixante-dix ans qu’il y ait un train qui leur permette d’importer et d’exporter des marchandises, mais surtout qui permette aux habitants du Niger de se déplacer.
Donc, c’est le premier pas, le premier kilomètre, la première gare de Niamey. C’est très important», a souligné pour sa part le PDG du groupe Bolloré.
L’arrivée du train au Niger est également saluée par la Chambre de Commerce. «L’arrivée du train va impacter beaucoup sur l’économie du Niger et surtout, cela contribuera – en ce moment où tout le monde se plaint de la cherté de la vie- à une réduction des prix et à avoir des produits à des prix abordables», a déclaré son président, M. Moussa Sidi.
Les gains de temps seront importants : « une seule journée » pour acheminer les marchandises depuis Cotonou contre « des semaines entières » aujourd’hui, avance Elhadj Sadou, un commerçant nigérien.
Une fois opérationnels, les rails permettront l’acheminement rapide et sécurisé du fret nigérien, dont 80% transitent déjà par le port de Cotonou, à 1. 000 km de Niamey, par un réseau routier délabré et mal entretenu.
« Il y aura moins de pression sur nos routes car le fret lourd sera réorienté vers les rails », a expliqué le ministre nigérien de l’Equipement, Ibrahim Nomao.
Les rails achemineront également, via le port de Cotonou, plus de 4. 000 tonnes de minerais d’uranium extraits chaque année dans le nord du Niger par la société française Areva.
Le projet aura en outre un volet « développement durable ». Des panneaux solaires seront érigés le long du trajet pour « produire, conserver et distribuer l’énergie aux populations » riveraines, promet Vincent Bolloré.
Le chantier avancera au rythme d’un kilomètre par jour, a estimé Vincent Bolloré, pour s’achever au plus tard en 2016, ce qui coïncide avec la fin du premier mandat du président Issoufou.
Déjà l’engagement est pris par Bolloré pour que les travaux avancent à pas de géant afin que le président nigérien se rende à Dosso (140 km à l’ouest de Niamey) par train pour célébrer le 18 décembre 2014 l’anniversaire de la proclamation de la république du Niger.
M. Bolloré estime que d’ici deux ans, le Niger, enclavé au coeur du Sahel, va s’offrir un accès à la mer via un chemin de fer reliant Niamey au port béninois de Cotonou, où est acheminé par la route l’essentiel de son fret.