On ne veut guère de guerre!
L’Afrique se réveille tous les matins avec de nouveaux morts et des dizaines de personnes déplacées à cause des conflits armés, des crises politiques qui n’en finissent pas. Ce continent qui dispose de suffisamment de ressources naturelles et humaines pour sortir du sous-développement n’arrive toujours pas à sortir du trou noir, un demi-siècle après avoir réussi à arracher son indépendance des anciens empires d’Europe occidentale.
La lutte armée contre les groupes rebelles et les régimes dictatoriaux qui refusent de laisser place à l’instauration d’une vraie démocratie sur le continent montre combien la violence n’apporte que la violence aux Africains. Que doit-on donc faire pour sortir le Continent noir de ce cercle vicieux qu’est la guerre permanente ?
La semaine dernière, un sommet des chefs d’Etats africains a eu lieu à Addis-Abeba (Ethiopie) où se trouve le siège de l’Union Africaine.
Cette rencontre, qui sous de meilleurs cieux, aurait servi à parler de progrès et de développement, s’est malheureusement focalisée sur les guerres en cours dans de nombreux pays du continent. La crise sud-soudanaise, le conflit armé en Centrafrique, l’instabilité chronique en Somalie, en République démocratique du Congo, pour ne citer que ces pays, ont monopolisé l’essentiel des discussions à Addis-Abeba, sans pour autant aboutir à de vraies solutions concernant tous ces problèmes. L’Organisation panafricaine qui dispose de peu de moyens pour agir, pour ne pas dire que c’est plutôt le manque de crédibilité de ses représentants qui la paralyse, a sollicité une nouvelle fois l’Organisation des Nations unies pour l’aider à régler les crises politiques et conflits armés en cours dans plusieurs pays, notamment dans la Corne de l’Afrique et l’Afrique centrale.
Outre ces SOS adressés à l’ONU et aussi à l’Union européenne, l’UA a par ailleurs pris la décision de renforcer les effectifs des missions de paix en Somalie et en Centrafrique, en votant des résolutions prévoyant l’envoi de quelques centaines de soldats dans ces pays, dans l’espoir de les stabiliser pour une sortie de crise durable. Ainsi, l’UA a annoncé le déploiement de 4 000 soldats supplémentaires en Somalie, ce qui portera les effectifs de l’Amisom (Mission des Nations unies en Somalie) à 22 000 soldats, selon les chiffres officiels. En Centrafrique, les effectifs de la Misca (Mission de maintien de la paix de l’UA) sont de 4 400 soldats. L’organisation panafricaine compte augmenter ce nombre à 6 000 soldats, en plus des 1 600 soldats français déjà présents à Bangui et ses environs, sans oublier évidemment les 500 autres promis par l’Union européenne pour les prochaines semaines.
De l’argent est aussi débloqué pour soutenir ces missions de maintien de la paix et pour financer les programmes d’aide humanitaire dans les camps de déplacés onusiens, souvent débordés par l’important flux de réfugiés qui fuient les exactions des groupes rebelles et les représailles de certains soldats zélés. Mais si on observe de près l’évolution de la situation dans l’ensemble des pays africains, sur le moyen et le long terme, l’on se rend malheureusement compte que l’option militaire constitue une solution aux effets limités dans le temps. Les vieux démons se réveillent à chaque fois pour replonger les mêmes pays dans la même tourmente, voire dans le chaos dont le coût humain atteint parfois le stade du génocide ethnique. Sur le plan interne, depuis l’indépendance, la lutte pour le pouvoir a fait oublier à ceux qui l’ont de construire de véritables institutions publiques, préférant jouer la carte du fonctionnement tribal et ethnique pour diviser leurs gouvernés au nom de l’appartenance ethnique ou religieuse. Construire une nation, dans ces pays où l’esprit tribal, devrait inévitablement passer par la promotion de la diversité culturelle, religieuse et linguistique en se fixant des objectifs économiques, politiques et sociaux communs et qui ne marginalisent aucune composante de la société.
La sécession du Soudan en deux pays avait pour origine la marginalisation de la composante chrétienne et animiste par la majorité musulmane au pouvoir à Khartoum. Aujourd’hui, le même phénomène est à l’origine de la guerre au Soudan du Sud, entre deux tribus qui veulent prendre le contrôle du pouvoir à Juba. Les richesses minières sont aussi un facteur de violence en Afrique où les acteurs politiques sont aussi impliqués dans le trafic minier que des groupes rebelles manipulés et armés par les multinationales, dans un contexte de bouleversement des rapports et équilibres géostratégiques à travers le monde et desquels l’Afrique n’est pas isolée.
Par ailleurs, le rôle de la communauté internationale devient un élément important dans la résolution des conflits et crises en Afrique. Le soutien apporté à certains Etats aux régimes politiques dictatoriaux constitue une partie de la solution que peut apporter la communauté internationale à cette instabilité chronique sur le continent où l’argent de la rente et les projets d’investissements font oublier au reste du monde les atteintes aux droits de l’Homme, le sous-développement, l’état lamentable des secteurs de la santé, de l’éducation, l’absence d’infrastructures élémentaires dans la majorité des pays où les ressources minières sont bradées en contrepartie d’un soutien diplomatique à des tyrans. Sans ingérer dans les affaires internes des pays en crise, exercer des pressions diplomatiques sur les dignitaires des régimes dictatoriaux pourrait les contraindre à plus d’ouverture politique et de transparence.
Cela pourrait paraître utopique mais la bonne volonté politique finit toujours par ouvrir des brèches pour de vraies solutions à ces violences qui ne finissent pas d’endeuiller l’Afrique et de la laisser à la traine en matière de démocratie, de respects des droits élémentaires de l’individu. Au-delà d’une solution internationale aux problèmes africains, il est aussi nécessaire de souligner que la stabilité de n’importe quel pays sur le continent passe par une entente de l’ensemble de ses voisins qui devraient avoir un projet régional commun, des intérêts communs, comme cela est le cas, à titre d’exemple, en Europe avec l’Union européenne.