C’est une étoile du ciel du Faso qui s’est récemment éteinte!
Avec la disparition de Georges Ouédraogo, c’est un véritable baobab de la musique burkinabè qui s’est écroulé, laissant tout le peuple et particulièrement les mélomanes et ses amis complètement désemparés et sans voix. Mais qui était cet homme qui a tiré sa révérence?
Auteur-compositeur burkinabè d’une grande célébrité, Georges Ouédraogo s’est assigné comme principale mission de populariser la musique moderne de son pays.
Chanteur et batteur à la fois, son professionnalisme dans ce domaine ne se dément pas. Il compose ses chansons surtout en « mooré », sa langue maternelle.
En 42 ans de carrière musicale, il a inscrit à son palmarès plus d’une cinquantaine de chansons originales. Son dernier album « Rosalie », sorti chez Seydoni production, ne fait que confirmer des talents innés et la réussite d’une longue aventure artistique commencée à 13 ans.
Une destinée étonnante!
Né vers 1947 à Gogo, village situé à une douzaine de kilomètres de Ouagadougou (Province de Bazèga), Georges Ouédraogo flirte avec l’école primaire avant de rejoindre la capitale où il apprend à connaitre le monde de la musique. Déjà séduit par celle-ci alors qu’il était à l’école, l’activité musicale empiète bientôt sur ses études.
Mais qu’importe, Georges avait déjà choisi sa voie. Il sentait que sa destinée était toute tracée et que la musique deviendrait son cheval de bataille. Pour lui, le rêve devait devenir réalité. Mais son entrée dans la musique est un épisode douloureux à cause de l’incompréhension dont il est victime dans sa famille.
D’abord ramasseur bénévole d’instruments de musique auprès des orchestres, Georges côtoie les musiciens de Ouagadougou et commence à apprendre la tumba.
Pourtant, quelques années après, il rejoint Bobo-Dioulasso, deuxième ville de la Haute-Volta d’alors, où il fait ses premières armes en tant que professionnel au sein de la célèbre formation, le Volta jazz. Passionné de rythme, c’est dans cet orchestre formé de jeunes talents que Georges va pouvoir montrer ses qualités de percussionniste.
De la tumba à la batterie des Bozambo!
Après s’être fait la main, Georges Ouédraogo s’embarque pour Abidjan pour tenter sa chance en 1965. Pris en sympathie par le grand trompettiste Fax Clark, il apprend et perfectionne le jeu de la batterie sous la direction de ce dernier.
Il joue dans les formations de jeunes à Abidjan ( les Freemen, le New System Pop…). Classé parmi les meilleurs batteurs de Côte-d’Ivoire à l’époque, il est vite remarqué par Jimmy Hyacinthe, célèbre guitariste ivoirien qui l’amène en Allemagne.
C’est ainsi qu’allait naitre le groupe Bozambo et l’aventure musicale de Georges en Europe. Le groupe donne des concerts à travers toute l’Allemagne fédérale. Il parcourt toutes les capitales et les grands centres européens, découvre l’Amérique et les pays nordiques. Georges Ouédraogo se révèle un batteur chevronné, l’un des meilleurs d’Afrique évoluant en Europe.
De la batterie à la chanson
Mais les Bozambo avaient surtout besoin, pour s’imposer dans le contexte européen, d’une musique d’inspiration africaine. Il fallait des oeuvres originales dénotant une certaine maitrise des langues mais aussi du folklore (au sens noble du terme) de la culture africaine. C’est là que le génie créateur de Georges éclate.
Très tôt, il avait déjà manifesté une prise de conscience de la richesse du folklore de son pays à travers sa première composition « Neba gomda vouni vouni« .
En tant que compositeur ingénieux, il est vite considéré comme la cheville ouvrière du groupe. C’est avec leur 1er 30 cm sorti chez Safari Ambiance par Mme Colette Lacoste, leur producteur, que Georges se distingue avec deux titres à succès : « Kato kato » et « Mbabila ».
Toute l’Afrique découvre alors le Bozambo et l’accueille avec enthousiasme. Le succès remporté par le premier disque stimule le groupe qui en sort un deuxième l’année suivante.
Les mélomanes lui réservent encore un bon accueil et Georges confirme de nouveau ses talents de compositeur, cette fois-ci, avec trois titres : « Pogzinga« , « Kombissé » et « Pougdba« .
Quelque temps après, le groupe sort un 45 tours qui rencontre encore un succès avéré. Ainsi, depuis l’Europe, le Bozambo devient une formation représentative de la musique africaine des années 70 et se hisse sur les tréteaux de la scène internationale. Tout ce succès, il le doit à Georges Ouédraogo qui a su imprimer sa personnalité propre à une musique africaine qui cherchait ses marques.
La rupture !
Malheureusement, suite probablement à un malentendu fatal, le Bozambo va se disloquer en 1977. Loin de se laisser ébranler par cette situation, Georges décide de faire cavalier seul.
Il sort un nouveau 45 tours avec des titres percutants « Winanfica » et « Rimbalé » qui confirment et renforcent sa notoriété internationale. A l’échelle du temps, « Winanfica » qui se savoure encore aujourd’hui par de nombreux fans de l’artiste, devient sa chanson fétiche.
Georges décide de rentrer au bercail ; et pendant un certain temps fait des va-et-vient en France pour la sortie d’autres oeuvres explosives.
L’enfant prodige de Gogo achève de convaincre son public qu’il était l’âme du Bozambo à travers un nouvel album 30 cm comportant 8 titres qui traduisent un don inné.
Georges le dit lui-même: «Je crois que c’est un don, car j’ai commencé à jouer sans savoir jouer à la guitare. Mais chaque fois que je compose une chanson, je garde le style de la musique, je le réussis».
Des titres comme « Gnanfou gnanfou« , « Tôrro« , « Bobo-Dioulasso« , « Kaoko », « Gnonr ya naaba« , « Gandaogo » et « Pougbéogo » ont fait danser les mélomanes; lesquels ont fini par reconnaitre en Georges, l’enfant terrible de la musique burkinabè. D’où le sobriquet le «Gandaogo national» tiré de sa chanson « Gandaogo« , qui lui est désormais attribué par la presse nationale.
Georges toujours égal à lui-même !
Pourtant, Georges Ouédraogo connaitra un grand passage à vide entre 1982 et 1998, car, dit-il, «sous la Révolution, on a voulu que je chante des choses que je ne voulais pas». Pendant 16 ans, Georges est rentré dans sa coquille. Ce fut très dur pour l’artiste.
Mais, comme il y a toujours un Bon Dieu pour les canards boiteux, Georges ré-émerge sur scène avec deux Best off de ses anciens morceaux, avec l’aide d’une personnalité.
Ainsi assisté, il signe son come back avec un nouvel album, qui connaitra comme par le passé un succès retentissant, dont le titre phare « Ya maam la woto » signifie «C’est moi ainsi», une façon de «Me revoilà!».
On croyait Georges fini, ce fut une grosse erreur. Le public se rendra compte que la traversée du désert n’a en rien émoussé la créativité de l’artiste; loin s’en faut.
Cet album enregistré à Abidjan relance plus que jamais la célébrité du Gandaogo national qui fêtera en 1999 ses 30 ans de carrière musicale, à la Maison du peuple de Ouagadougou. Un événement artistique qui fut à la hauteur de ce chanteur hors pair.
Par la suite, Georges sort deux autres albums avec la maison Bazar musique. Puis l’album « Youn n zemse » qui stigmatise à souhait l’éthylisme ravageur dans la société.
Avec son tout dernier album intitulé « Rosalie« , Georges achève de convaincre que malgré ses 57 ans, il est resté égal à lui-même, toujours fécond, vif et alerte dans ses compositions.
Son sacre par les Kundé d’or (édition 2003) comme «Meilleur artiste-musicien burkinabè de l’année» fut la cerise sur le gâteau, fruit de nombreuses années de travail sérieux.
Et la presse nationale de le qualifier de «lion de la savane sonore qui a toujours dominé la musique burkinabè par de nombreux albums à succès de 1975 à nos jours».
Ambassadeur de la culture burkinabè
Cependant, l’humilité de l’homme est tout simplement admirable. Georges Ouédraogo, malgré le surnom «Gandaogo» (le caïd) qui lui a été attribué, n’a jamais piqué la grosse tête.
Il entend toujours travailler dur au lieu de dormir sur ses lauriers. Son succès continu depuis plus de 40 ans prouve qu’il n’est pas venu à la musique par hasard.
«Pour avoir du succès, il faut de la patience et du travail. Aujourd’hui, les jeunes sont pressés pour avoir de l’argent; c’est tout», disait-il dans toute sa sagesse.
Le succès de Georges Ouédraogo tient à l’originalité de sa musique, à la vigueur de son style et aussi à la poésie de la langue mooré qu’il manie avec aisance, distillant des préceptes et des leçons de sagesse ancestrale à son public.
L’apparition de Georges Ouédraogo sur les scènes nationale et internationale a apporté depuis 1975, et continue de le faire en ce début du 21ème siècle, une fierté légitime au peuple burkinabè qui voit en lui un véritable ambassadeur de la culture du Burkina Faso.
Adieu l’artiste !
Georges Ouédraogo laisse à ses compatriotes une oeuvre monumentale dont on espère qu’ils sauront tirer des leçons de sagesse pour vivre ensemble en harmonie dans une fraternité constructive.
Homme pétri de grandes qualités humaines indéniables, il va nous manquer terriblement et pour longtemps. Il laisse, en effet, un grand vide sur la scène musicale, au propre comme au figuré.
Sa belle silhouette, son élégance, sa voix claire et ses compositions musicales de bonne facture pleine d’enseignements nous feront désormais défaut. La jeune génération de musiciens qui bénéficiaient de son expérience reste orpheline.
Que Dieu et les mânes de ses ancêtres l’accueillent pour un doux repos bien mérité après ce gros travail abattu et donc une mission terrestre bien accomplie !
Adieu l’artiste!