Compaoré victime de « B…lèse »-majesté?
L’armée annonce la dissolution du parlement, du gouvernement et l’instauration d’un couvre-feu après une journée d’émeutes. Elle a été marquée par l’incendie de l’Assemblée nationale par des manifestants.
La tentative du président Blaise Compaoré de reprendre la main n’a apparemment pas marché. Quelques minutes après avoir annoncé la dissolution du gouvernement et l’instauration d’un état d’urgence, c’est au tour du chef d’État major de l’armée, le général Honoré Traoré, de prendre une décision similaire. Il a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et de former un gouvernement de transition pour une durée de 12 mois, sans préciser qui en prendrait la tête. Un couvre-feu de 19h à 6h GMT a été également instauré. Le général Honoré Traoré a fait l’annonce lors d’une conférence de presse organisée après une journée de violentes manifestations contre le président Blaise Compaoré.
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a envoyé un émissaire à Ouagadougou pour tenter de mettre fin aux violences. Ibn Chambas, le représentant spécial et chef du bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, arrive, vendredi 31 octobre dans la capitale.
Le fil des événements
Jeudi matin, à Ouagadougou, des manifestants ont forcé les barrages de police et pénétré dans le bâtiment de l’Assemblée nationale. Au moins trois voitures garées à l’extérieur du bâtiment ont été brûlées, tandis que du matériel informatique a été pillé et des documents en papier incendiés. Les manifestants qui sont entrés dans le Parlement auraient en partie saccagé l’Assemblée. L’armée et la police n’opposaient pas de résistance.
Des tirs dans Ouagadougou
Des coups de feu ont été signalés aux abords de la présidence. Au moins un manifestant aurait été tué par les forces de l’ordre lors d’un assaut lancé par des protestataires contre le domicile du frère du président, François Compaoré. Des arrestations avaient eu lieu, le matin à Ouagadougou, alors que des partisans de l’opposition tentaient déjà de bloquer l’accès au Parlement. Ils ont réussi à occuper les locaux de la télévision nationale.
Des interpellations et des violences ont été signalées, aussi, à Bobo Dioulasso. Des partisans de l’opposition ont été arrêtés dans cette localité et, plus tard dans la matinée, la mairie a été incendiée.
Ce qui a fait déborder le vase
L’exécutif proposait de réviser la Constitution, afin de permettre au président Blaise Compaoré de briguer un nouveau mandat en 2015. Cette disposition suscitait, depuis des mois, l’indignation. L’approche du rendez-vous fatidique qui, selon l’issue du vote, aurait permis d’éviter de recourir au référendum et de faire passer le changement sans consulter la population, a provoqué la multiplication des mouvements de protestation ces derniers jours, dans de nombreuses localités du Burkina Faso, mais aussi en Allemagne, avec le sit-in prévu, mercredi 29 octobre, par la diaspora à Hambourg.
Retrait tardif
Devant la pression, le gouvernement a fait savoir qu’il renonçait et retirait son projet. Pas sûr que cela suffise à calmer les esprits maintenant que la colère a vraiment éclaté.
Bénéwendé Sankara, un ténor de l’opposition a déjà assuré que l’armée est soudée avec le peuple contre le président Blaise Compaoré. Il a demandé la démission du chef de l’Etat, après les violentes manifestations de cette journée.
Aux dernières nouvelles, le général à la retraite Kouamé Lougué, à qui des dizaines de milliers de manifestants ont demandé de prendre le pouvoir a rencontré le chef d’état-major des armées. L’aéroport international d’Ouagadougou est fermé, signe que le pays est paralysé.