Peau grattée… peau râtée?
Tel un esprit, le complexe de la peau claire, inspiré par les Occidentaux, s’est emparé de nombreux Africains. Aussi bien des hommes que des femmes ne résistent pas à la tentation de la dépigmentation sur le continent. Et le Burkina Faso n’échappe évidemment pas à cette réalité, puisque le pays abrite des adeptes de ce phénomène en vogue. Persuadés que la peau claire reste un canon de beauté, un nombre non négligeable de Burkinabè, surtout les femmes, font la course aux produits éclaircissants. C’est à qui trouvera le mieux, le savon, la crème ou la pommade à même de faire d’elle une « Blanche ».
Une femme au teint éclatant, dit-on dans l’opinion, ne serait pas pour déplaire à un homme, le plus timide soit-il. A Bobo-Dioulasso, ville où le phénomène connaît un essor, une équipe de dermatologues a montré, à travers une étude réalisée courant 2004, que 50 femmes sur 100 utilisent des produits dépigmentants. On le présume, la tendance a dû même grimper après cette enquête, si l’on se fonde sur l’observation des faits. Rien n’arrête donc ces femmes, qui se ruent sans cesse sur les corticoïdes et les dérivés mercuriels et d’hydroquinones. Elles veulent à tout prix se « gratter » la peau, pour paraître sous une apparence plus attrayante. Même les nombreuses conséquences des produits usités ne les ébranlent guerre !
Alors qu’à voir la liste des problèmes liés à la pratique de la dépigmentation, il y a de quoi perdre son latin. On dénombre, parmi tant d’autres, les maladies de la peau (vergetures larges, troubles de pigmentation… ), l’hypertension artérielle, les complications rénales et neurologiques. Et au regard de ses conséquences, la dépigmentation serait considérée comme un problème de santé publique par les spécialistes. Redoutées, et il faut en souffrir, les pathologies énumérées ne suffisent nullement à dissuader les irréductibles de la dépigmentation. Hélas ! La recherche effrénée de beauté a de beaux jours devant elle. Mais le spectacle est pourtant désolant, quand on rencontre ces femmes, qui ont détruit leur jolie peau noire.
La couleur d’ébène, dont elles pouvaient s’enorgueillir, a laissé place, à une couleur difficile à définir. Elles ne sont ni Noires ni Blanches. Faute d’uniformité de teint du fait de l’usage des produits dépigmentants, elles sont multicolores. Certaines ont le visage clair et les pieds noirs. D’autres, c’est le contraire. Aucune harmonie ! Sans oublier ces odeurs corporelles que dégagent ces « Blanches » d’Afrique et qui ne sont pas moins repoussantes. A vouloir donc séduire les hommes en se muant, on finit par être la risée publique. Des femmes, à force de dépigmentation, sont devenues rouges, avec des mines peu enviables. Elles n’ont rien d’une Blanche d’Europe ! Mais telle est leur volonté d’avoir une peau claire, qu’on le veuille ou pas. Si des stars planétaires, comme le regretté Mickaël Jackson, ont succombé à la dépigmentation, allez-y comprendre la ténacité des motivations.
Comment raisonner alors ces dames « accrocs » à la dépigmentation ? La tâche paraît corsée, étant donné que c’est un combat de mentalités. D’aucuns en ont pris pour leur grade, en voulant ramener des voisines de quartier à la raison. Ils ont prêché dans le désert, leur message ayant été banalisé. Peut-on stopper le « massacre » dans ces conditions ? Il y a de quoi être pessimiste, car la courbe du phénomène ne semble pas prête à s’inverser. Chargés d’optimisme, certains citoyens sont convaincus que le « mal » doit être combattu à la racine.
Autrement dit, il faut interdire l’accès des produits servant la dépigmentation sur le territoire national. S’il y a plus de produits, il y aura plus de dépigmentation, croient-ils savoir. Trop facile à dire qu’à faire, rétorquons-nous, tant la vente des produits incriminés représente un enjeu économique certain. Peut-on en pareille circonstance interdire totalement l’entrée de ces produits au Burkina Faso ?