Que la vérité… tombe!
C’était une promesse du gouvernement burkinabè, elle est tenue depuis la matinée du lundi 25 Mai. Les exhumations du corps du président Sankara et de ses douze compagnons assassinés en 1987 ont débuté dans la capitale. Il s’agit d’élucider les circonstances de ces décès.
La chose est certes rarissime, délicate, complexe et sensible, mais ce n’est pas la première fois qu’elle a cours dans notre pays. Des exhumations, on en a déjà vu ou entendu parler au Burkina Faso. Comme dans les cas où, pour des raisons familiales, des gens ont décidé de transférer les restes de leurs parents pour convenances personnelles ou sur décision des autorités communales de désaffecter un cimetière. Il y a eu aussi, toujours chez nous au temps de la Haute-Volta, des exhumations légales. Et comme en pareilles circonstances cela se fait sous commission rogatoire, n’en ont été témoins que les autorités judiciaires, les médecins-légistes ou même des infirmiers.
Mais l’expertise des tombes commencée, lundi 25 mai 2015, au cimetière de Dagnoën dans le cadre d’une instruction judiciaire, est une première pour ce qui concerne une personnalité de premier plan. Car elle concerne les sépultures de Thomas Sankara, «Père de la Révolution burkinabè», et de ses 12 compagnons, tués lors du coup d’Etat du 15 octobre 1987 qui a porté Blaise Compaoré au pouvoir. Un événement politico-judiciaire donc et qui est l’aboutissement d’une longue lutte de la famille biologique, de la famille politique et de tous les admirateurs aussi bien ici qu’ailleurs de l’ancien président du CNR.
Il s’agira de savoir si effectivement c’est le corps, si corps il y a, du bouillant capitaine qui se trouve au cimetière indiqué comme le dit la version officielle. Mais aussi et surtout d’apporter toute la lumière sur les circonstances de sa mort.
Au regard de tous ces enjeux et surtout de la grande fascination que Thom Sank exerce, 28 ans après sa disparition, sur grand nombre de Burkinabè, rien d’étonnant que le centre de gravité de Ouagadougou se soit déplacé vers le cimetière de Dagnoën. En effet, une foule de curieux, de journalistes, d’hommes politiques et d’activistes des droits de l’homme ont convergé vers les lieux, gardés par un cordon de sécurité. Seuls des membres des familles des suppliciés d’octobre, des avocats, des autorités judiciaires concernées et les trois médecins-légistes, à savoir deux Burkinabè et un Français, y avaient droit d’accès. Maintenant que l’affaire est lancée, il faut espérer qu’elle permette de faire la lumière sur l’assassinat de Sankara et d’établir les responsabilités des uns et des autres.
En tant que profane, on ne connaît pas le protocole de cette investigation qui vient de commencer. On ne sait pas non plus si le nécessaire test d’ADN pour l’identification des corps sera effectué au Burkina ou ailleurs ni combien de temps cela nécessitera.
L’autre question qu’on se pose est de savoir si, dans la même lancée, on va procéder à l’expertise des 12 autres dépouilles, même si leur cas, sauf erreur ou omission de notre part, ne fait pas l’objet de réclamation judiciaire. En tous les cas, le fait que cette exhumation tant attendue ait lieu constitue en soi un pari gagné à mettre à l’actif de la Transition. On se rappelle que le président Michel Kafando lors de la cérémonie de passation des charges avait promis, «par le fait du prince», d’autoriser l’exhumation des restes du leader de la Révolution burkinabè du 4-Août 1983. Chapeau bas donc à l’actuel locataire de Kosyam, qui aura réussi, en 7 mois, à faire sortir de terre un corps enfoui sous près de trois décennies de mystères.
Mais de l’exhumation de la dépouille de Sankara à l’identification formelle des doigts qui ont appuyé sur la détente il y a loin. Les sillons qui viennent d’être tracés par les autorités de la Transition, le nouveau pouvoir qui sera issu de la présidentielle d’octobre prochain marchera-t-il dedans?
Maintenant que la parole est aux tombes, chacun retient son souffle.
Par Adama Ouédraogo