Mgr Anselme Titianma Sanon, grand évêque des masques.
L’Evêque émérite de Bobo-Dioulasso et parrain de la manifestation, a renforcé la conviction qu’il est l’un des grands défenseurs de la tradition africaine et particulièrement de la tradition des masques, contre la modernité…
On le savait déjà chantre d’une Afrique fortement croyante et sensible aux messages du Christ, non pas sur la base des traditions judéo-chrétiennes, mais sur la base de ses propres traditions.
On l’avait alors caricaturé en ecclésiaste voulant introduire des galettes de millet à la place des galettes de blé, sanctifiées en communions.
Né en 1937 et en retraite officielle des missions ordinaires de l’Eglise, Mgr Anselme est plus que jamais engagé à défendre la célébration du masque, cet intermédiaire entre les mondes visible et non visible. Il croit au monde invisible, celui des ancêtres et au fait que ces derniers continuent de nous transmettre des messages.
«Cela demeure une conviction personnelle», a-t-il fait comprendre.
Sa thèse de doctorat en théologie a porté sur le Do bobo et le credo chrétien. L’évêque émérite s’est dit alors engagé à soutenir la promotion de «cette tradition en péril du fait de la modernité et des religions relevées» et il s’explique: «il ne faut pas prendre le masque pour une religion, mais un trait d’union entre deux mondes; celui des êtres vivants et celui des êtres invisibles, mais dont la présence, les faits et les gestes nous sont relatés par l’intermédiaire du masque».
A la question de savoir «que vient faire un évêque dans une affaire de masque» considérée comme une pratique animiste, Mgr Anselme rappelle qu’il est né d’une famille du masque où il a reçu une éducation selon la tradition bobo, avant d’être baptisé chrétien. Mais ceci est «la réponse la plus simple», a-t-il reconnu.
Car l’initiation traditionnelle dont il a bénéficié, puis l’expérience du baptême l’ont amené à un débat intérieur devant les «animosités» et les «contradictions» entre la tradition du masque et la tradition chrétienne.
S’il a accepté parrainer une fête des masques, c’est parce que ses «convictions personnelles l’ont interpelé», non plus en tant qu’homme d’église, mais en tant que «personne qui adhère à des principes de promotion d’une Afrique forte qui tire ses forces, ses substances nourricières des profondeurs de sa culture». Plus il s’exprime, plus le prélat s’affiche clairement dans la défense de la tradition africaine.
Ainsi, parlant du festival, il le considère comme une «tribune efficace pour défendre la diversité culturelle». Il élève par ailleurs la tradition du masque au rang de «pratique universelle» et le FESTIMA comme un «dialogue des cultures africaines» dont nos aïeuls ont su nous léguer quelques articulations.
Il se définit, lui-même, comme un intellectuel chrétien africain et appelle les amateurs du masque à venir à Dédougou voir et vivre sans complexe comme nos anciens vivaient autrefois. S’il sait défendre des thèses sur la tradition des masques, il sait aussi se comporter en militant de l’identité africaine.
A ce propos, il a appelé les intellectuels africains à regarder les valeurs et pratiques culturelles de leur continent avec «un autre oeil, celui de la lucidité intellectuelle et du combat pour le dialogue interreligieux».
Son appel à une «ouverture réciproque» entre musulmans, chrétiens et non chrétiens tombe à propos devant la montée de l’intégrisme religieux en Afrique de l’Ouest et son corollaire de terrorisme.
Il a condamné le «néologisme culturel» qui écrase de son poids les pratiques ancestrales sans être à mesure de garantir le vivre-ensemble dans la paix et la cohésion sociales. Son souhait est que s’instaure durablement un dialogue entre les détenteurs des masques et les mondes religieux et politique.
Il veut ce dialogue, non pas pour épiloguer sur les masques, mais pour offrir aux générations futures «les raisons de vivre, de résister, de lutter et même de mourir, qui ont porté nos ancêtres».
La foi en l’homme, quel qu’il soit, la détermination à lutter pour la paix et à défendre la juste cause, quitte à être incompris, le caractériseront pour toujours.
On a encore souvenir de son passage à la tête du Conseil de sages mis en place pour proposer des solutions de sortie de crise après l’impasse consécutive à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo.