Sommet pour… sommer la force africaine?
Les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) se réunissent pendant deux jours, mercredi et jeudi 27 et 28 février, à Yamassoukro, en Côte d’Ivoire pour accélérer le déploiement de la MISMA (Mission Internationale de Soutien au Mali), censée remplacer les Forces Françaises.
La CEDEAO se heurte cependant à des problèmes financiers et, pour l’instant, ce sont surtout des soldats tchadiens – qui ne font pas partie de la MISMA – qui sont en première ligne, aux côtés des Français.
La CEDEAO a besoin d’argent, et vite! Alassane Ouattara – président en exercice de l’organisation et chef d’Etat ivoirien – a demandé aux donateurs qui ont promis 455 millions USD, fin janvier, de concrétiser leurs promesses.
Il a également confirmé que la MISMA devait compter, à terme, «8.000 hommes» affirmant que «73% de ces effectifs étaient déjà présents au Mali», bien que l’essentiel de ces troupes ne soit pas engagé dans les combats. Alassane Ouattara a reconnu que la MISMA rencontrait des difficultés, et c’est bien pour cela qu’il a appelé à la mobilisation des fonds.
La somme promise par la communauté internationale, destinée à la MISMA mais aussi à l’armée malienne et à l’aide humanitaire, a été revue à la hausse, à Abidjan, lors de la réunion ministérielle de l’organisation, en début de semaine. Les besoins globaux ont été estimés à 950 millions USD – plus du double – car la Cédéao envisage de déployer 2.000 hommes, en plus des 6.000 soldats promis.
Lors de l’ouverture du sommet, le président tchadien Idriss Déby a vivement souhaité le déploiement de la MISMA, au complet, dans le nord du Mali, pour combattre les groupes jihadistes avec les soldats français et tchadiens. «L’heure n’est plus aux discours (…) mais plutôt à l’action. L’ennemi n’attend pas», a-t-il déclaré.
Le chef de l’Etat tchadien a par ailleurs précisé que son pays a déjà envoyé «plus de 2.000 hommes» au Mali – le plus fort contingent africain – parmi lesquels 1.800 sont en première ligne, aux côtés des soldats français qui combattent dans le massif des Ifoghas.
Idriss Déby a rappelé que dans cette région de l’extrême nord-est du pays, près de la frontière algérienne, 25 de ses soldats sont morts, vendredi 22 février, lors de combats qui ont fait 116 morts. Il a parlé d’une guerre pernicieuse et a appelé l’état-major de la Cédéao à agir avec «plus de célérité en accélérant l’envoi des troupes dans la zone libérée».
Les armées africaines sont censées prendre, à terme, le relais de la France mais pour de nombreux observateurs, les troupes maliennes et la Misma ne sont pas, pour le moment, en mesure de contrôler à elles seules l’immense moitié nord du Mali que les islamistes avaient prise, il y a un an.
Et cela, d’autant plus que le conflit est en train de changer de nature avec des accrochages violents et une série d’attentats-suicides dont le dernier, à Kidal, dans le Nord, qui date de mardi 26 février. Une attaque-suicide a provoqué la mort de six combattants du Mouvement Islamique de l’Azawad (MIA) se présentant comme un groupe islamiste modéré. Se trouve également à Kidal, le MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad). Ces deux mouvements affirment, chacun de leur côté, avoir été visé par l’attaque qui n’a pas été revendiquée.
Malgré la présence des Français et des hommes du MNLA, la sécurisation de Kidal est pour le moment impossible.
Pour certains, cette attaque visait directement le MIA. «On pense que c’est une vengeance. Depuis qu’ils ont quitté Iyad Ag Ghali et Ansar Dine, les membres du MIA ont peur», affirmait un notable.
Les Français ont amélioré la sécurité de l’aéroport de Kidal en construisant une bute en terre, mais «la ville reste un gruyère. Il y a moins de check-points que du temps de l’armée malienne; on manque de moyens de contrôle, notamment de détecteurs d’explosifs», estimait pour sa part un doyen dépité.
Depuis l’arrivée des soldats français, le MNLA et le MIA affirment gérer Kidal. Pourtant, cet attentat montre qu’ils sont, pour le moment, incapables de protéger leur ville des attaques jihadistes.