Emigrée italienne au Sénégal!
Au Sénégal, j’ai eu la grande chance de rencontrer Chiara Barison, Docteur en Sciences de la communication et en Politiques transfrontalières. Elle vit depuis 4 ans au Sénégal, où elle travaille comme présentatrice dans l’émission Tv « Yeewu leen ».
Avec son émission et sur son blog « Dakarlicious », elle s’occupe justement de ce nouveau phénomène: l’émigration à l’envers, tout en faisant approfondissant le mix culturel «Italie – Sénégal», découvrant souvent de nombreux points communs entre les deux cultures, aidant les gens à surmonter les stéréotypes, essayant de faire comprendre à son large public, qu’émigrer est universel.
Connaitre Chiara m’a fait réfléchir sur l’évolution rapide de la société et, avec elle, la manière de pensée. Mais ce qui m’a paru étrange, c’est le fait qu’elle se définisse une émigrée au Sénégal.
Je remercie Chiara pour l’interview qu’elle m’a concédée et pour l’intéressant échange de points de vues que nous avons eu. Certes, les sociétés sont en pleine évolution, il n’y a rien de plus beau que de parler et de se mesurer avec une italienne qui vit au Sénégal, mon pays d’origine. Comme elle l’a dit liberté de circulation doit être garantie à tous: tout être humain devrait pouvoir se déplacer dans le pays qu’il désire et cette liberté ne doit pas etre réservée aux seuls ressortissants de certains pays. Voyager, connaitre, apprendre à confronter les cultures et à les respecter, cela nous libérera des stéréotypes qui, pendant trop d’années, nous ont été imposés.
Mariata Diop: Pourquoi encore aujourd’hui, on ne parle toujours pas de cette migration « à l’envers »?
Chiara Barison: On n’en parle pas car il y a un marketing politique en cours. C’est seulement maintenant qu’on en parle à un niveau sociologique, mais les chiffres sont évidents: en 2010, environ 70.000 jeunes Italiens ont émigré vers des pays que personne ne s’attendrait pas, comme le Sénégal. Quand je dis que je suis une émigrée au Sénégal, les gens sont surpris parce que dans la vision collective d’un européen qui décide d’aller bosser, par exemple en Afrique, cela n’est justifié que s’il travaille à l’ambassade, dans de grandes organisations ou biens comme volontaire. Si un jeune italien décide d’aller en Afrique pour faire un travail ordinaire, les gens s’étonnent.
Mariata Diop: Que dites-vous à propos des migrants italiens au Sénégal?
Chiara Barison: Maintenant, la communauté italienne au Sénégal a augmenté, grâce aux émigrés sénégalais d’Italie, qui décident d’apporter leurs amis italiens en vacances pour visiter leur pays; une fois arrivés, ils se rendent compte que c’est un très beau pays, un pays où il fait bon vivre, où il y a des universités, des bureaux, des banques, etc… Et donc ils dépassent le stéréotype de pays pauvre pays, sous-développé où il n’y a rien, des stéréotypes qui sont imposés. Je dirais meme plus, très souvent, les Italiens qui décident d’émigrer au Sénégal arrivent à trouver un boulot lié à leurs études, ce qui n’est pas facile, ces temps-ci, en Italie.
Mariata Diop: Et sur le phénomène des migrants en général?
Chiara Barison: Malheureusement, encore aujourd’hui, beaucoup de gens sont piégés dans les frontières de leurs pays et quelques-uns seulement sont autorisés à bouger ailleurs, sans trop de restrictions. Les personnes privées du droit de circuler et d’émigrer partout dans le monde, ne seront jamais en mesure de développer de nouvelles idées, elles pourront avoir des connaissances et resteront emprisonnées dans leur pays, sans être en mesure de le comparer avec d’autres cultures. Ce n’est pas juste que seulement certains citoyens de certains déterminés jouissent de la liberté de circulation et que, pour d’autres, les frontières sont fermées. Avec le travail que je fais, à travers l’émission que je présente, j’essaie de faire comprendre aux gens que l’émigration est universelle et pas à sens unique.
Mariata Diop: Que pensez-vous de l’intégration?
Chiara Barison: Je me sens comme en Italie, ici au Sénégal. J’essaie de puiser le meilleur de cette culture et de m’en approprier. La société sénégalaise, comme tant de sociétés africaines, est difficile et ne s’ouvre qu’à qui a la patience d’attendre et qui ne cherche pas à émigrer pour «enseigner». Chacun est un citoyen du pays qu’il sent propre.