Musique est… féminin!
« Bella Mondo », c’est le nom du premier orchestre exclusivement féminin de la Côte d’Ivoire. Pour tous les passionnés de musique, ce nom rime avec innovation et rupture avec un univers musical essentiellement dominé par les hommes. Avec Bella Mondo, la voix de la gent féminine restée très souvent inaudible vient de trouver un héraut.
De la guitare électrique à la batterie en passant par le piano et le chant, les jeunes femmes, dix au total, la moyenne d’âge autour de trente ans, sont bien installées.
Les feux de la rampe sont désormais braqués sur Bella Mondo, qui suscite curiosité et admiration. Mais au départ, tout était différent.
« Il y a juste quelques années, tout était si bien différent« , raconte Prisca Allou, bassiste du groupe. L’histoire de Bella Mondo remonte à l’an 2007, lorsque Prisca rencontre, par le truchement de Charly Maïwan, promoteur de musique canadien d’origine congolaise, Nadine Lévry, chanteuse de cabaret à Abidjan. Nadine et Prisca constitueront le noyau dur de l’orchestre, dont Prisca sera plus tard chargée de recruter les autres membres.
Prisca, à l’époque encore étudiante à l’école de musique de l’INSAAC (Institut National Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle), se souvient avoir essayé, en vain, de convaincre certaines de ses amies de rejoindre le groupe.
« Ça n’a pas été facile, ma proposition n’intéressait personne. Elles se disaient toutes, un groupe de femmes pour quoi faire? » raconte Prisca, qui a dû battre le pavé des semaines durant pour convaincre d’autres filles qui savaient jouer à des instruments de musique, et qui habitaient différents quartiers d’Abidjan.
Les « dix amazones » ont également souffert des discriminations basées sur le genre et autres préjugés machistes.
« En Côte d’Ivoire, dans le domaine musical, les femmes ont toujours été choristes ou bien danseuses. Elles sont toujours en arrière, jouent les seconds rôles. C’est les hommes qui font tout, donc voir que des femmes voulaient composer un orchestre exclusivement féminin, c’était vraiment prétentieux et personne ne misait sur elles. Tout le monde se disait : ça ne va pas durer longtemps« , explique Jean-Jacques Nangy, coach et directeur technique du groupe.
La musique de Bella Mondo, n’est pas pour autant une réponse aux propos ou à l’attitude peu inspirée des hommes, mais un message à l’endroit de la gent féminine, un hymne à la persévérance.
« En créant ce groupe, c’est plutôt la femme que nous avons visée, pas l’homme. Il faut que la femme se lève et se dise, moi, femme, je peux jouer d’un instrument, faire de la mécanique, être maçon et faire tout ce qu’un homme peut faire. Nous voulons dire aux femmes de ne pas s’affaisser, « NON ». Nous voulons démontrer que la femme est courageuse. Et en suivant l’exemple de Bella Mundo, c’est sûr que les femmes auront encore plus de courage de prendre des décisions« , explique Nadine.
Leur union et leur motivation ont fini par avoir raison des préjugés, comme le raconte Siméone Carice, batteuse de Bella Mondo.
« Quand les hommes nous voient aujourd’hui, ils sont fiers. Ils disent : mais les filles nous nous sommes dit que vous lâcheriez au bout de quelques temps. Mais là, vous avez persévéré. Nous vous encourageons« .
Pour Kouassi Manuella, la bassiste du groupe, c’est également une « victoire » de savoir que les regards des hommes à leur égard a « évolué positivement« .
Après sa participation au dernier Festival des Arts Nègres organisé en décembre 2010 à Dakar, au Sénégal, Bella Mondo ambitionne de se produire sur d’autres scènes internationales, mais aussi de servir des causes nobles. Le groupe projette d’organiser bientôt un dîner gala pour rendre hommage aux femmes leaders d’Afrique afin de recueillir des fonds qui permettront d’aider des pouponnières et des orphelinats en difficulté.