Fin du ca…caos?
La campagne cacaoyère 2012-2013 vient de démarrer en Côte d’Ivoire, premier pays producteur au monde, et un prix minimum garanti a été accordé aux planteurs par l’État. Cette mesure, mise en oeuvre dans le cadre des réformes sectorielles menées par le gouvernement, devrait permettre d’endiguer la corruption, de protéger les planteurs contre la fluctuation des cours mondiaux et de leur assurer les conditions d’une meilleure stabilité financière afin qu’ils investissent dans les plantations de cacao.
Environ 35% du cacao mondial est produit en Côte d’Ivoire: quelque 900 000 producteurs le cultivent, et sur les 22 millions d’habitants que compte le pays, 3,5 millions dépendent du cacao pour vivre.
Le prix du kilogramme de cacao a été fixé à 725 CFA (1,41 dollar), ce qui représente une augmentation de 9% des revenus moyens des producteurs par rapport à l’année 2011-2012. Le prix est équivalent à 60% du prix à l’exportation du cacao.
Sous l’ancien système, le gouvernement fixait un prix indicatif bord-champ (prix payé par les acheteurs au champ du producteur) au début de chaque campagne, mais ce prix était rarement respecté par les acheteurs. L’année dernière, le prix du cacao était fixé à 1 000 FCFA (2 dollars) le kilogramme, mais les planteurs ont reçu environ 667 FCFA (1,29 dollars) par kilogramme.
L’annonce du gouvernement a été généralement bien accueillie par les planteurs. La fixation des prix devrait leur permettre de réaliser des investissements, d’accroître la superficie de leurs terres, d’acheter de nouveaux champs et de mieux les entretenir en utilisant des engrais et des insecticides, ont dit à IRIN des planteurs de cacao d’Abengourou, à l’est du pays.
George Kouame, un producteur de Daloa, à l’ouest du pays, a dit que cette régulation l’avait incité à acheter deux hectares de terres en plus des 3,5 hectares de sa plantation de cacao.
Bon nombre de planteurs considèrent que l’ancien système était trompeur. « Je suis content que le système ait changé. Cela n’avait pas de sens de faire croire aux planteurs qu’ils bénéficieraient d’un prix fixe, alors que tout le monde savait qu’ils gagneraient moins », a dit Moussa Zoungrana, responsable d’une coopérative de planteurs de cacao à Guiglo, à l’ouest du pays.
Le gouvernement espère également que la hausse des prix encouragera les planteurs à améliorer la qualité souvent médiocre des fèves : désireux de vendre leur production au prix le plus élevé, les planteurs ne prennent pas le temps de faire sécher leurs fèves correctement.
Sous la pression de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), la Côte d’Ivoire a initié des réformes dans le secteur du cacao au début de l’année 2012, l’objectif étant de réguler un secteur qui avait été libéralisé par les mêmes institutions 13 ans plus tôt. La production de cacao a atteint un chiffre record de 1,5 million de tonnes pour la campagne 2010-2011, avant de baisser de 2 pour cent en 2011-2012, principalement en raison de mauvaises conditions climatiques.
Extorsions et racket limitent les profits
Les planteurs sont satisfaits des changements intervenus, mais bon nombre d’entre eux se plaignent de la faiblesse de leurs revenus, qui est liée à la baisse des ventes. Le mauvais état des routes et le racket généralisé découragent les acheteurs qui ne peuvent plus répercuter l’augmentation des prix sur les producteurs, s’est plaint Alasane Sogodogo, responsable d’une coopérative de cacao à Para, non loin de la frontière avec le Liberia.
Les extorsions opérées par des soldats et des officiers de police qui érigent des barrages routiers illégaux entre les régions de culture du cacao et les ports du sud du pays coûteraient jusqu’à 19,5 millions de dollars par an au secteur du cacao, selon le Conseil café-cacao (CCC), un organisme administratif récemment formé.
Trois semaines après la fixation du prix du cacao, les planteurs ont indiqué que certains acheteurs demandaient toujours une baisse des prix – citant le mauvais état des routes ou le racket – mais que la plupart d’entre eux respectaient les nouvelles réglementations.
Les acheteurs locaux – généralement organisés en coopératives – se plaignent de ne pas pouvoir concurrencer les multinationales et les nouveaux prix. Tant que le gouvernement ne leur apportera pas de l’aide, ils seront confrontés à des difficultés, a dit à IRIN Jacques Kouacou in Daloa, responsable d’une coopérative de l’ouest du pays.
Le CCC indique qu’il rénovera 3 000 km de routes d’ici à décembre 2012 dans les principales régions productrices de cacao.
Autres réformes dans le secteur du cacao
D’autres réformes ont été mises en oeuvre, telles le remplacement de quatre organes administratifs par le CCC (qui dirigera le secteur) et la réduction du nombre d’intermédiaires dans le processus d’achat, qui favorisait autrefois la corruption.
L’État a également annoncé qu’il achèterait 70 à 80 pour cent de la récolte anticipée afin d’assurer la stabilité de ses revenus et de ceux des planteurs.
Le CCC a annoncé que 368 officiers du CCC et 500 agents de l’Agence nationale d’appui au développement rural (ANADER) ont été déployés à travers le pays afin de garantir que les acheteurs et les intermédiaires respectent le prix fixé.
De lourdes amendes pourront être prononcées à l’encontre des personnes qui ne respectent pas les prix, et notamment des acheteurs, qui se verront retirer leur licence, et des poursuites pénales pourront être engagées, a noté Massandje Touré, président du CCC, lors du lancement de la campagne le 3 octobre.
D’ans l’ouest du pays, cinq intermédiaires ont déjà été arrêtés pour avoir essayé d’acheter des fèves à un prix inférieur au prix fixé par l’État, selon le CCC. L’un d’entre eux a été condamné à trois mois de prison et à une amende de 500 000 FCFA (974 dollars). Les autres accusés attendent toujours leur jugement.