Quelles décisions… ADOptera Alassane?
Coup de massue au cœur du pouvoir ivoirien et dans le cercle des ADOlâtres, le jeudi 4 avril 2013. Dans un rapport de 82 pages, intitulé «Transformer les discours en réalité: l’heure de réclamer des comptes pour les crimes internationaux graves en Côte d’Ivoire», l’ONG américaine, Human Rights Watch, n’est pas passée par quatre chemins pour souffler violemment dans les bronches du président Alassane Ouattara.
Le ton est d’une rare virulence, le constat effroyable et la sentence sans appel: le chef de l’Etat ivoirien n’a pas tenu sa promesse d’une «justice équitable et impartiale» contrairement à son engagement de poursuivre tous les responsables de la crise quels que soient «leur appartenance politique ou leurs grades dans l’armée».
Chiffres à l’appui, l’association de défense des droits de l’homme dénonce la pratique, en Côte d’Ivoire, d’une justice à deux vitesses: «même si les procureurs ont inculpé plus de 150 personnes pour des crimes perpétrés au cours des violences postélectorales, aucun des inculpés ne provient des forces pro-Ouattara».
Human Rights Watch, qui affirme dans le même document n’avoir aucun doute que «les forces de Ouattara ont commis des exactions durant la crise postélectorale, surtout dans la phase finale de la crise», invite la Cour pénale internationale à «enquêter sur les crimes perpétrés par des individus appartenant au camp Ouattara et sur la base des éléments de preuves» et demande que «des mandats d’arrêt soient délivrés».
Avant cette charge de l’ONG américaine contre les autorités ivoiriennes, la semaine dernière, c’était la FIDH (Fédération Internationale des Droits de l’Homme) qui jetait le pavé dans la mare de l’impunité où barbotent certains éléments des FRCI (Forces Républicaines de Côte d’IvoireI) fortement soupçonnés de massacres. Comme celui de Nahibly le 20 juillet 2012 au cours duquel près de 200 personnes ont été froidement liquidées par des militaires soutenus dans leur barbarie par des Dozos, ces chasseurs traditionnels utilisés comme des supplétifs aux côtés des troupes combattantes pro-Ouattara.
On ne le dira jamais assez, n’en déplaise aux zélateurs du président ADO qui se complaisent dans une lecture paresseuse des événements avec une posture de manichéisme primaire, dans toute guerre pour le pouvoir, il n’y a pas d’un côté les agneaux et de l’autre, les loups. Tout comme il ne saurait y avoir de bonnes et de mauvaises victimes. Les Ivoiriens, sans distinction d’appartenance politique, ethnique, religieuse et géographique, ont payé un très lourd tribut du fait des graves dérives auxquelles se sont laissés aller les partisans de Gbagbo et ceux de Ouattara. Croyez-vous, bonnes gens, que les quelque trois mille morts qu’a coûté en vie humaine cette guerre d’ambitions personnelles ont été recensés dans le seul camp de l’ancien gouverneur de la BCEAO?
L’intérêt supérieur du pays d’Houphouët-Boigny et la nécessaire réconciliation commandent de mettre fin à cet apartheid judiciaire qui est en train de s’installer dangereusement sur les bords de la lagune Ebrié.
Seulement, à l’état actuel, on peut se demander si le président Ouattara dispose de suffisamment d’autorité politique pour répondre à cet impératif. Quand on se rappelle les moyens et les conditions dans lesquels il s’est installé au pouvoir, cela ne pousse guère à l’optimisme. Autrement dit, ADO peut-il livrer à la justice tous ceux qui, depuis le coup d’Etat raté du 19 septembre 2002 contre Laurent Gbagbo, ont sué sang et eau pour le faire enfin roi en 2011? Difficile. Car tous ces soldats, hier des sans-grade, aujourd’hui des galonnés plein aux as, ne se sentent pas justiciables des tribunaux d’un régime qu’ils estiment avoir mis sur place.
Car, n’oublions pas de le relever, même si cela va faire grincer des dents, toute cette nomenklatura politique, dont certains sont passés du jour au lendemain du tabouret au perchoir ou au fauteuil douillet de ministre, et sur lesquels planent de graves soupçons de crime, oui, cette coterie de parvenus et d’arrivistes n’entend pas se laisser fer lorsque la justice va vouloir s’intéresser de près à leur passé.
Dans ces conditions, on s’aperçoit aisément qu’ADO, même dopé d’une volonté de fer pour instaurer une justice équitable et impartiale, apparaîtra comme un justicier d’opérette qui n’effraie personne. A la limite, il est l’otage de tout ce beau monde qui l’entoure et donc à plaindre. C’est la rançon à payer par tous ceux qui sont parvenus au pouvoir grâce aux poitrails et aux jarrets des autres.
Si ADO était arrivé aux affaires sans cette parenthèse de sang, les choses auraient sans doute été autrement.
Que va donc faire le père fondateur du RDR (Rassemblement des Républicains)? Laisser la justice poursuivre librement ses hommes auteurs présumés de crime avec ce que cela comporte comme péril sur son pouvoir, ou va-t-il plutôt les protéger comme le ferait un chef de bande avec ici le risque d’entamer sérieusement le crédit de respectabilité que lui a offert la communauté internationale?
On a beau le surnommer «ADO la solution», en l’espèce, il n’y a pas trente-six solutions.