Mon mari est capable?
Après 17 ans de lutte des femmes pour la parité homme-femme au foyer, le parlement ivoirien a finalement adopté, en novembre, une loi qui établit l’égalité au sein des couples légalement mariés. Mais elle ne satisfait pas tout le monde, même parmi les femmes dont certaines ont peur d’assumer la cogestion du foyer.
Selon la loi adoptée le 21 novembre, la famille est désormais gérée conjointement par l’homme et la femme. Ils assument ensemble la direction morale et matérielle de la famille. L’ancienne loi indiquait que l’homme était l’unique chef de la famille.
La nouvelle loi dispose également que les époux contribuent aux charges du ménage à proportion de leurs capacités. Le conjoint, qui ne s’y conforme pas, peut y être contraint par la justice.
« Cette loi ne me concerne pas. Elle est contraire à ce qui se fait dans ma tradition. Dans notre coutume, c’est l’homme qui épouse la femme et l’emmène dans son domicile; et elle est soumise à son mari. Demander aujourd’hui que nous soyons égaux au foyer, heurte nos moeurs. Chez moi, le chef restera mon époux« , déclare sèchement Sandrine Ebin, secrétaire de direction à Abidjan,originaire de l’est.
Au parlement, le projet de loi avait été l’objet d’une discorde entre le parti au pouvoir du président Alassane Ouattara, le RDR (Rassemblement des Républicains) et celui de son allié Henri Konan Bédié, le PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire). Un amendement du PDCI qui voulait maintenir l’homme comme l’unique chef de famille, avait conduit à la dissolution du gouvernement le 14 novembre 2012. Il a été reformé au lendemain de l’adoption de la loi sur le mariage après le retrait de l’amendement.
« L’islam ne permet pas à la femme de cogérer le foyer avec l’homme. C’est l’homme qui est l’unique chef et il le demeure ainsi. C’est la loi divine qui le dit et ce n’est pas l’être humain qui va changer cela« , tranche El Hadj Ibrahim Diarra, imam d’une mosquée d’Agboville (sud du pays).
Maxime Zoh, pasteur à l’église protestante d’Adjamé (centre d’Abidjan), est aussi formel. « Même en absence de l’homme, la femme assure, mais ne devient pas chef de famille. C’est à l’homme que Dieu a confié le foyer, mais pas aux deux« .
Anne Désirée Ouloto, la ministre de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant, donne sa vision: « Avec la nouvelle loi, la femme n’est plus une simple aide du mari dans la gestion du ménage. Elle n’attendra pas que le mari soit absent ou empêché pour le remplacer. La gestion conjointe est source d’équilibre dans le couple« .