Contre-feu judiciaire?
Un juge français a été chargé d’instruire une « plainte pour enlèvement, séquestration, traitements inhumains et dégradants », déposée en juin 2012 par Michel Gbagbo. Cette plainte vise essentiellement Guillaume Soro, l’actuel président de l’Assemblée nationale et dix commandants de zone.
Deux nationalités valent toujours mieux qu’une ; ce n’est pas Michel, le fils aîné de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, qui se hasarderait à dire le contraire, et pour cause ! Par l’intermédiaire de son avocate, Me Habiba Touré, on sait désormais qu’un juge français a été chargé d’instruire une « plainte pour enlèvement, séquestration, traitements inhumains et dégradants », déposée en juin 2012 par Gbagbo-fils.
En ligne de mire: Guillaume Soro, actuel président de l’Assemblée nationale, et certains commandants de zone, ces chefs militaires qui régnaient en maître dans le Nord au temps de la partition de fait de la Côte d’Ivoire.
On se rappelle les images émouvantes de Michel épongeant le front de son père, juste après leur capture, dans une salle de la présidence transformée en bunker où ils s’étaient réfugiés.
Ce Michel, à ce jour, est détenu en Côte d’Ivoire, et attend un hypothétique jugement ; et cela fait presque deux années que ça dure ; ça use, ça use.
Plus que quiconque, l’aîné de la fratrie Gbagbo savait qu’une telle plainte déposée auprès de quelque tribunal en terre ivoirienne n’aurait aucune chance d’aboutir : son illustre président de père himself a été envoyé par les autorités ivoiriennes en place fissa au siège de la Cpi où, après la toute récente audience pour confirmation des charges dont on l’accable, il attend de savoir à quelle sauce on décidera de le manger.
N’ayant rien à espérer du côté de la patrie du père, il aura choisi d’aller voir du côté de celle de sa mère, une Française. A priori, nul ne peut vraiment dire qu’il a eu tort : le fait que l’appareil judiciaire hexagonal ait accepté de commettre un juge français pour suivre l’instruction montre que la plainte est recevable et cela a déjà du bon ; car, enfin ladite plainte n’est pas adressée à un quidam : elle a dans son collimateur un certain Guillaume Soro (l’actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne, on excusera du peu) et dix illustres commandants de zones, comme précisé plus haut.
La procédure initiée par Gbagbo-fils présente toutes les caractéristiques d’un contre-feu judiciaire ; elle se révèle au jour au moment même où son ancien président de père a maille à partir avec la redoutable Cpi ; comme pour dire : voyez, c’est nous qu’on torpille, mais les hommes d’en face ne sont pas des anges non plus ! Reste à savoir jusqu’où pareille procédure ira.
Le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny auprès de qui la plainte a été déposée saura-t-il arracher Gabgbo-fils des geôles où ont choisi de le garder ses oncles ? Et surtout, l’affaire désormais déclenchée peut-elle avoir les incidences espérées au point de conduire la Cpi à dessérer l’étau sur Gbagbo-père et pourquoi pas l’innocenter ?
On devra attendre pour le savoir. Pour l’instant, à l’évidence, un constat s’impose : plus que jamais, en Côte d’Ivoire, existe un fossé qui sépare le clan Gbagbo de celui d’Ado ; et il n’existe rien à l’heure actuelle, qui permette de croire que l’abysse se refermera un jour prochain. Si au terme de l’instruction, des charges sont retenues contre certains barons de la galaxie ADO, nul doute que ces derniers hésiteront plusieurs fois avant d’aller se bronzer du côté de la Seine.