A l’âge du péage!
Magistral, imposant, le troisième pont de la Côte d’Ivoire a enfin été inauguré le 15 décembre dernier par le président Alassane Dramane Ouattara. Bien plus qu’un joyau architectural, cet ouvrage se veut surtout le témoignage du génie de l’Homme et surtout de son désir inaltérable de dompter la nature et de la soumettre à sa volonté, de créer pour lui un cadre de vie de plus en plus agréable.
Magistral, imposant, le troisième pont de la Côte d’Ivoire a enfin été inauguré le 15 décembre dernier par le président Alassane Dramane Ouattara. Bien plus qu’un joyau architectural, cet ouvrage se veut surtout le témoignage du génie de l’Homme et surtout de son désir inaltérable de dompter la nature et de la soumettre à sa volonté, de créer pour lui un cadre de vie de plus en plus agréable.Inauguré en grande pompe, ce pont, d’une longueur d’un kilomètre et demi et qui aura coûté la bagatelle de 153 milliards de nos francs, est le plus grand jamais réalisé en Afrique de l’Ouest. Il faut reconnaître par ailleurs, qu’outre son caractère utilitaire incontestable, cet ouvrage participe de l’urbanisation de la ville d’Abidjan. C’est pourquoi les Ivoiriens ont de bonnes raisons d’en être fiers. Toutefois, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Car, si l’unanimité est faite autour de l’importance de ce pont pour le développement socioéconomique du pays, il se trouve néanmoins des voix qui, sans intention de gâcher la fête, voudraient cependant ramener les initiateurs du projet colossal, en l’occurrence ADO, à avoir le triomphe plus modeste.
En effet, certains Ivoiriens ne comprennent pas pourquoi ils doivent payer pour emprunter ce pont. Rappelant à souhait que ce pont est le 3e du pays et que les deux premiers n’ont jamais fait l’objet d’un tel « deal ». Pourquoi Alassane tient-il donc à les « raqueter » sous prétexte de vouloir assurer à travers cette taxe, l’entretien de la voie? Et qui paie pour l’entretien des autres voies ? Pour bon nombre d’Ivoiriens, l’Etat doit procéder de la même manière qu’il assure l’entretien des autres autoroutes du pays, pour assurer l’entretien de cette nouvelle voie. Ceux qui donnent de la voix réagissent comme si la Côte d’Ivoire inventait le principe du péage
Mais il faut dire que cette polémique n’aurait pas existé, et surtout atteint cette ampleur, si la politique n’était pas passée par là. On se rappelle en effet que la construction de ce pont a été l’une des promesses électorales phares du candidat Alassane Dramane Ouattara. En pleine campagne électorale, il n’avait pas hésité à promettre à ses compatriotes, un pont qui relierait La Riviera à Marcory, deux principaux quartiers situés l’un au Nord et l’autre au Sud de la capitale politique, Abidjan.
Comment comprendre alors que Alassane Ouattara, une fois élu, exige qu’ils paient pour traverser un pont pour lequel ils ont, peut-être en partie, troqué leurs bulletins dans l’urne? Pour beaucoup, ADO n’a pas respecté sa parole. Cela s’appelle simplement de la trahison. Sous cet angle, on pourrait dire que le président ivoirien paie le prix d’une communication volontairement truquée à des fins électoralistes. La construction de ce pont a nécessité d’énormes investissements et, à ce titre, ADO aurait dû prévenir ses compatriotes qu’une contribution patriotique leur serait demandée pour assurer l’entretien de l’ouvrage. Cela aurait donné à chacun le sentiment d’avoir participé à l’édification d’un ouvrage aussi important pour le pays. Mais pour avoir voulu utiliser cet ouvrage à des fins électoralistes, ce gigantesque ouvrage est devenu le pont de la polémique. Déjà, certains ténors de l’Opposition ivoirienne ont saisi l’occasion pour protester contre le fait de baptiser le pont du nom de l’ex-président Henri Konan Bédié.
Faut-il donner raison à ces mécontents? Rien n’est moins sûr. On peut déjà faire remarquer que sous nos tropiques, on est trop porté sur la gratuité. L’Africain aime « trop cadeau », comme on le dit trivialement sous les cieux ivoiriens. Et cela est en passe d’être une culture en Afrique. Et puis, tous ceux qui donnent de la voix réagissent comme si la Côte d’Ivoire inventait le principe du péage. On peut également ne pas être d’accord avec eux pour la simple raison que l’emprunt de ce pont n’est pas sans bénéfices: gain en temps, les « go slows » relevant aujourd’hui du casse-tête abidjanais, gain en carburant et par ricochet gain en argent. Un calcul vite fait, comme du reste l’ont souligné les autorités ivoiriennes, et l’Ivoirien pourrait se rendre compte que ce pont vaut bien un détour et que la chose s’avère « toute bénéf ».
Pont de la polémique, pont des marchandages et des calculs politiques, ce joyau va vraiment voir couler un courant de salive. Pourvu qu’il ne devienne pas le pont de la discorde. Tout ce qu’on peut espérer des autorités ivoiriennes, c’est qu’elles travaillent à rendre, dans les meilleurs délais, l’accès à ce pont gratuit, pour le bonheur du peuple ivoirien qui ne sera alors que plus fier de ce somptueux patrimoine.